On ne sait s’il est vivant ou mort, mais une vidéo circule en ce moment, dans laquelle Ben Laden tient des propos navrants et révoltants sur ce qu’il appelle les « martyrs ». Tout est répugnant dans cette cassette où il démontre sa méconnaissance crasse du sens des mots et de tout ce qui va avec (car c’est par les mots qu’on désigne les idées, et c’est sur les idées qu’on s’entend…); ainsi que son éloignement abyssal du plus élémentaire bon sens et de la plus élémentaire humanité, de ce qui fait qu »on est -ou qu’on n’est plus…- un Homme! De quoi s’agit-il? de l’éloge constant qu’il fait de ceux qui sont -croit il et dit il- des « martyrs », alors qu’il ne s’agit en fait que d’une bande de monstrueux assassins, dont il est, lui, l’un des chefs tout aussi monstrueux!
Car, soyons sérieux, qu’est-ce c’est qu’un martyr en réalité? Venant du grec « marturos », qui signifie « témoin », ce mot s’emploie pour celles et ceux qui ont souffert la mort pour leur foi religieuse, pour une cause à laquelle ils et elles se sont sacrifiées (historiquement par exemple, les Chrétiens mis à mort ou torturés en témoignage de leur foi, qu’on appelle aussi des « Confesseurs »). Il s’agit donc de quelqu’un à qui on enlève sa vie, mais qui, lui, n’enlève pas celle des autres; de quelqu’un que l’on tue, pas de quelqu’un qui tue (celui là est un assassin, ce qu’est ce pauvre fou de Ben Laden et les non moins fous qui l’entourent…); n’est pas martyr celui qui « fait » violence, est martyr celui à qui « on fait » violence, même s’il l’accepte « joyeusement », d’une joie non pas humaine -bien sûr- mais « spirituelle », comme le Père Maximilien Kolbe, qui s’offre « joyeusement » pour mourir à la place d’un père de famille, qui conservera ainsi sa vie; mais le martyr n’aime pas cette violence, elle lui répugne, et s’il l’accepte c’est par devoir et par esprit de sacrifice; l’autre malade s’en réjouit, c’est comme un nouveau jeu vidéo qu’il vient d’inventer dans son cerveau délabré, et il est tout content de sa trouvaille!
En parlant comme il le fait, Ben Laden et les siens déforment, défigurent et travestissent le sens des mots, jusqu’à leur faire dire exactement le contraire de ce qu’ils veulent dire en réalité: où trouver l’origine, la « force » qui pousse à cette monstrueuse inversion des idées, des mots et des comportements ?
Des assassins, oui, sans le moindre doute, mais des assassins qui mettent leur peau au bout de leur conviction. Leur refuser la condition d’homme, -et l’auteur du texte que je commente met une dangereuse majuscule à ce mot- me paraît inacceptable à deux titres:
– d’abord parce que le meurtre est bien humain, et je dirais même que, autant que le rire, il est le propre de l’homme, tous les anthropologues vous le diront.
– ensuite parce que, à mon sens, si l’on pense que l’homme est un animal social, et que les règles de vie qu’il respecte sont issues de la société dans laquelle il naît, il est incohérent de placer une morale « humaine » au dessus de celles-ci, à moins bien sûr, d’être un démocrate-chrétien, et je ne ferai pas l’injure à mon correspondant de l’affubler de ce terme.
Je conclurai en citant Joseph de Maistre: « l’homme, je ne l’ai jamais rencontré. »