La guerre ferait-elle vraiment rage ? Non. Mais plusieurs guerres imbriquées les unes dans les autres, qui obligent à se battre sur plusieurs fronts à la fois, et qui font que ceux qui sont nos alliés sur un front sont nos ennemis sur un autre.
Par François Schwerer.
Guerre énergétique, guerre industrielle, guerre monétaire, conflit avec les Allemands, guerre interne, enfin : la guerre, contre la France et en France, est totale.
Exposé aussi brutalement, un tel titre peut surprendre tellement nous nous pensons en dehors de tout conflit, protégés par une Europe unie, censée garantir la paix sous la protection bienveillante de l’ami américain ; dans un pays où il fait bon vivre ! Nos préoccupations ne sont-elles pas celles d’enfants gâtés ? Où trouver un peu de fraîcheur pendant un été qualifié de caniculaire ? Comment obtenir un billet pour assister à la coupe du monde rugby hier ou à une épreuve des Jeux olympiques demain ? Pourtant la guerre est bien là et ses conséquences ne vont pas tarder à se manifester toujours plus dramatiquement. La guerre ferait-elle vraiment rage ? Non. Mais plusieurs guerres imbriquées les unes dans les autres, qui obligent à se battre sur plusieurs fronts à la fois et qui font que ceux qui sont nos alliés sur un front sont nos ennemis sur un autre.
Une guerre mondiale de l’énergie et des matières premières
Si l’armée française n’est officiellement engagée que sur quelques fronts africains où des soldats meurent régulièrement, si nous fournissons en armes l’Ukraine, quitte d’ailleurs à ce que cela mette notre système de défense en danger, là n’est pas l’essentiel des conflits dans lesquels nous sommes embarqués. En premier lieu, le conflit mondial qui a déjà commencé à nous ravager est celui de la monnaie, de l’énergie et des matières premières. Or, si ce conflit dure depuis de nombreuses années, alimenté par une cinquième colonne qui s’est employée à saboter nos institutions, il vient d’entrer dans une nouvelle phase paroxystique.
L’origine de ce conflit est extérieure à la France. Elle est à chercher dans la rivalité entre les États-Unis et la Russie pour la maîtrise de l’énergie, entre les États-Unis et la Chine pour la maîtrise des matières premières, entre les États-Unis et le reste du monde pour la maîtrise de la monnaie. Dans tous ces combats la France s’est mise à la remorque des États-Unis sans se soucier du prix que ceux-ci en exigent. Déjà, au cours des deux Guerres mondiales qui avaient ravagé l’Europe, les Américains n’étaient pas intervenus gratuitement ; de ce point de vue, ils n’ont pas changé. Ainsi, par exemple, les Français payent le gaz naturel liquide en provenance des États-Unis en moyenne six fois plus cher que les Américains. Dans ce contexte, nos approvisionnements en énergies fossiles – toujours nécessaire quoi qu’on en dise – ne sont plus garantis. Nos industries sont dépendantes des matières premières et produits semi-finis apportés de l’étranger pas des transporteurs internationaux que nous ne contrôlons pas. Nos banques sont soumises aux lois extraterritoriales américaines pour assurer les financements qui leur sont demandés et, si elles ne s’y soumettent pas, elles sont lourdement sanctionnées. Les informations personnelles de nos concitoyens sont peut-être encore protégées sur notre territoire mais sont totalement transparentes pour les autorités américaines qui ont imposé leur domination dans tous les domaines de l’informatique, du stockage à la circulation des données.
Maintenant que la guerre des monnaies, des technologies, de l’énergie et des matières premières a pris une nouvelle dimension, la Russie et la Chine ont cherché de nouveaux appuis en élargissant les BRICS au point que ce nouvel ensemble est en passe de devenir la première puissance mondiale regroupant 46 % de la population. Du fait de cet élargissement, les BRICS vont passer de 43 à 80 % de la production mondiale de pétrole alors qu’ils ont déjà un quasi-monopole dans la production du cobalt, du lithium et des autres terres rares indispensables pour la production d’une énergie prétendue propre (éoliennes, panneaux photovoltaïques, batteries…). Le marché qu’ils constituent est suffisamment interconnecté – plutôt qu’intégré – pour désormais se passer du dollar. Hélas, dans ce conflit mondial, ce que nous nous contentons de défendre « c’est notre niveau de vie, notre art de vivre, notre jouissance et nos licences de transgression, et la possibilité d’exploiter les matières premières, le travail et l’épargne des BRICS. [Nous défendons] un ordre du monde qui nous permet de jouir au-delà de ce que nous nous produisons »1. On est loin des Vendéens et des Chouans qui se battaient pour Dieu et pour le Roi, ou des Poilus qui se faisaient tuer pour la patrie ou des Résistants qui ne transigeaient pas avec la souveraine liberté de la France. Dans les « valeurs » du moment, il n’y a rien qui puisse mobiliser toutes les forces vives du pays et pousser à l’héroïsme.
Une guerre intra-européenne pour une domination économique relative
Dans ce contexte, l’Union économique européenne n’a plus d’union que le nom. En particulier, le « couple » franco-allemand, s’il n’a pas encore officiellement divorcé, s’est déjà séparé depuis longtemps. Ce n’est pas pour rien que le gaz russe qui devait alimenter l’Europe arrivait directement en Allemagne grâce aux gazoducs NordStream, avant que ceux-ci ne soient sabotés. Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Allemagne contourne l’embargo européen en achetant son pétrole à l’Inde qui le fait venir directement de Russie sans se soucier de ses partenaires ni de leur « politique commune ». Pour que son industrie ne soit pas pénalisée par rapport à l’industrie française à la suite de la décision d’Angela Merkel de sortir du nucléaire, l’Allemagne a imposé, via l’Europe, d’indexer indirectement le prix de l’électricité sur celui du gaz. Elle refuse de faire bénéficier l’électricité d’origine nucléaire du label d’énergie « décarbonée » et paye des organismes de lobbying pour implanter en France des éoliennes dont le principal fournisseur se trouve être allemand… Et la liste ne s’arrête pas là. De ce point de vue, la rencontre entre Emmanuel Macron et Olaf Scholz, début octobre, n’a rien changé. Le chancelier allemand est même d’autant plus décidé à ne pas céder au président de celle qu’il considère comme sa concurrente la plus dangereuse que celui-ci a osé renationaliser EDF. Ce qui est en cause à ses yeux, c’est la suprématie de l’industrie allemande sur le reste de l’Europe et, sur ce point, il ne reculera pas.
La Banque centrale européenne reste à la remorque de la Banque fédérale américaine (la FED) et l’intégration des marchés financiers a privé la France de sa souveraineté monétaire, c’est-à-dire de sa souveraineté tout court. Les entreprises que l’on continue à considérer comme françaises et qui sont cotées à la Bourse de Paris sont de plus entre les mains des fonds de pension américains et les mouvements erratiques de leurs cours dépendent essentiellement des outils informatiques des intermédiaires financiers internationaux, outils dont la finalité est de tirer profit de la spéculation, non de financer l’industrie. Leurs dirigeants sont de moins en moins de nationalité française et leurs affaires se font sur tous les marchés du monde ; il en résulte que ces entreprises ne prennent en compte les intérêts de la France que de façon subsidiaire. Le chômage national ne les intéresse pas tant les délocalisations sont aisées et rentables. La compétition entre les systèmes fiscaux et sociaux conduit nombre d’entre elles à installer leur siège social en Irlande, au Luxembourg ou ailleurs ; l’optimisation de la gestion permise par les règlements européens les conduit à ne payer que peu d’impôts et de charges diverses en France. Le poids de la France dans les décisions économiques européennes ne compte plus. L’industrie française est morte et son agriculture moribonde. Son système de protection sociale ne survit plus que drogué à la dette.
Une guerre interne qui met à mal la cohésion nationale
Poussée par une idéologie mondialiste aux pouvoirs financiers énormes, la France est submergée par une invasion, pudiquement appelée immigration (cela fait moins peur). Mais, dans un pays laïque, comme il n’est pas question de vouloir imposer sa civilisation à de nouveaux arrivants qui ne cherchent pas à s’intégrer mais seulement à profiter du système, on a promu le « vivre ensemble ». En fait des communautés diverses se côtoient ou se font face sans se mélanger. Celles qui arrivent avec des attentes importantes ne peuvent que mépriser celles qu’elles envahissent et qui n’osent plus affirmer toute leur personnalité. Comme elles n’arrivent pas à accéder à tous les avantages qu’on leur a fait miroiter pour les attirer, elles développent un sentiment de frustration qui se mue facilement en profond ressentiment ; l’assassin d’Arras n’a-t-il pas crié devant le procureur sa haine de la France ? Il n’est pas loin le temps où les « migrants » devenus plus nombreux ne supporteront plus les autochtones, égoïstement assis sur les richesses – spirituelles autant que matérielles – léguées par leurs ancêtres mais qu’ils sont incapables d’entretenir, de faire fructifier et de renouveler. Les fils de ces diverses communautés se disputeront alors le territoire qu’ils revendiqueront comme étant le leur puisqu’ils seront nés en France.
Cette guerre ne date pas d’hier. L’Europe en général, et la France en particulier, en s’ouvrant à des cultures étrangères n’ont pas cherché à les assimiler pour les enrichir de leur propre génie ni pour s’enrichir à leur contact ; la France s’est contentée de les adopter telles quelles. Elle a ainsi ouvert la porte à tout ce qui est étranger, ce qui a eu pour effet de tarir ou dénaturer toute production nationale propre et de développer dans les jeunes générations un mépris pour tout ce qui avait fait la grandeur du pays et qui fait encore sa beauté.
La France a perdu sa souveraineté économique, a renoncé à son indépendance industrielle, a sacrifié son agriculture, a abandonné son savoir-faire technique et sa créativité, a accueilli une multitude de personnes qui ne veulent pas s’assimiler, a laissé sa langue se dénaturer, a abjuré sa foi et, pour couronner le tout, a d’abord empêché certains de ses enfants de naître avant maintenant de vouloir se débarrasser des vieux dès qu’ils deviennent économiquement improductifs. C’est donc une guerre totale, une guerre à mort, dans laquelle le pays est plongé et tout l’Occident avec lui. Ou il adviendra un jour un sursaut, ce que l’on peut encore espérer puisque « c’est par l’épreuve que l’esprit vient aux peuples »2 ou les générations futures parleront des Français d’aujourd’hui comme ceux-ci parlent des Latins, des Grecs ou des Mésopotamiens ! Mais, restons optimistes avec François d’Orcival : « La guerre et ses atrocités là-bas, les attentats à mort ici, cela réveille les peuples »3 ! On peut seulement regretter qu’il faille en arriver là pour que nous nous ressaisissions. ■