Par José D’ARRIGO, rédacteur en chef du Méridional.
Titre, nous le redisons, ami des royalistes d’Action Française depuis des lustres. Et dont nous recommandons la lecture. José D’Arrigo en est le Rédacteur en Chef. (On peut se reporter à ses articles parus dans JSF via le lien ci-dessous).
Benoît Payan (maire de Marseille) célèbre en ce moment ses trois premières années de mandat et il s’étonne des critiques de l’opposition qui dénoncent son amateurisme et la médiocrité de son bilan. Il a raison.
Les opposants fourbissent leur revanche dans l’ombre et ne comprennent rien à la vraie nature de ce prince de l’immobilisme, coincé par la Droite, mais aussi par son dilettantisme napolitain. Il aime les costumes légers de ses aïeux napolitains mais il a endossé un costard sans doute trop ample pour ses épaules.
Le secret de l’énigme, c’est que les gens n’ont pas élu le maire qu’ils croyaient avoir élu : c’est un homme, un socialiste pur et dur, et ils avaient voté pour une femme, une doctoresse écologiste issue d’un printemps hypothétique.
Les méchants journalistes conservateurs prétendront que les Marseillais ont affaire à un véritable imposteur qui occupe un fauteuil qui n’aurait jamais dû être le sien. C’est faux. En réalité, Payan est une espèce de ludion, c’est-à-dire un homme taraudé par le doute et l’irrésolution qui monte et descend dans son bocal municipal au gré des pressions médiatiques ou politiques.
Il ne peut que flotter car il est rempli d’air ou de vent (le bocal). C’est un bateleur de la politique, ballotté par les circonstances et fasciné par les jeux du cirque. Je ne voudrais pas accabler cet homme au demeurant sympathique tant sa détresse de ne pas être à la hauteur de sa fonction est évidente pour lui mais aussi pour son administration, qui fuit sous d’autres cieux à toutes berzingues.
Ce que les Marseillais ignorent, c’est que Benoît Payan a déjà tout révélé de sa personnalité lorsqu’il a confié ses états-d ’âme les plus intimes à un journaliste de « La Provence » le 15 juillet 2023 en page 6.
« Je suis juste un petit Marseillais », a-t-il indiqué avec humilité, « ce que je fais là, c’est simplement un moment de ma vie, je n’arrive pas à comprendre comment on peut faire ça durant trente ans… » Payan reconnait lui-même sa modeste stature, mais il aurait pu ajouter aussi, sans que Mme Vassal ou M. Muselier aient besoin de le lui souffler : « Je suis probablement aussi un tout petit maire de Marseille ». Des mots que Gaston Defferre lui-même a jetés à la figure de Michel Pezet, un opposant de son propre parti (le PS) qui avait eu l’aplomb de lui ravir le secrétariat fédéral des Bouches du Rhône en 1986.
Il est d’humeur chagrine Payan. Pas vraiment à l’aise dans ses baskets municipaux. Il n’est pas heureux dans ce qu’il fait et le reconnait avec une sincérité désarmante. Mais pourquoi diable ne démissionne-t-il pas pour faire autre chose si la fonction lui pèse tant ?
Il confie au journaliste Romain Capdepon qu’il cherche parfois désespérément le silence et l’introspection, comme s’il était lassé par les obligations liées à l’exercice de sa mission : les centaines d’heures de bureau, les réunions de travail, « la complexité et l’âpreté des choses ». Il voudrait pouvoir délasser ses chaussures sur la plage ou regarder un spectacle en s’asseyant par terre, comme n’importe quel bobo : « c’est très pesant pour moi de ne pas pouvoir le faire », avoue-t-il.
Mais pourquoi diable s’est-il fait élire maire de Marseille en bafouant le suffrage universel s’il n’est pas capable de supporter une fonction aussi exigeante ?
Et puis il doute lui-même de ses propres capacités, ce qui naturellement prouve son étonnante lucidité. « En tant que maire, le fait de penser que je peux toujours mieux faire, ça me taraude chaque jour ». Quelle clairvoyance ! Quel discernement ! Voilà un homme conscient de sa propre insuffisance et qui en fait publiquement la confession.
Mais pourquoi diable ne démissionne-t-il pas sur le champ au lieu de s’infliger un tel supplice ?
« La trahison m’est insupportable », ajoute-t-il, comme s’il ignorait que les coups de poignard dans le dos sont consubstantiels à la vie politique. Ainsi donc, voilà un garçon qui a trahi les électeurs écologistes de Mme Rubirola et qui déteste les traitres ?
Tel n’est pas le seul paradoxe de cette personnalité finalement assez tourmentée. « J’aurais adoré être tailleur de costumes à Naples, ça dit beaucoup sur les gens qui les portent », confie-t-il à Capdepon. Tailleur de costards ? Mais c’est déjà son métier. Il ne cesse de se dédouaner de sa nonchalance en critiquant vertement le bilan de son prédécesseur. Il le dénigre sur tous les sujets alors qu’il a lui-même voté la plupart des délibérations proposées par Gaudin durant des dizaines d’années quand il n’était qu’un simple opposant socialiste. Son attitude paraît incohérente, non ?
Là où il fait un constat incontestable, c’est lorsqu’il pose son diagnostic sur les deux Marseille qui se font face : « je dois réconcilier la ville, ce n’est pas une cité où l’on s’affronte mais où on se tourne dos », admet-il avec justesse. C’est une façon pour lui de reconnaître qu’il y a bel et bien deux peuples face à face en France et, ici, un Marseille Sud, européen, face à un Marseille nord, extra européen.
Ce n’est pas le seul constat pertinent de Payan : il explique aussi que « Marseille souffre d’un personnel politique médiocre qui n’est intéressé que par sa réélection ». Mais qu’a-t-il fait lui-même durant trente ans au sein d’un parti socialiste gangréné par les magouilles sinon intriguer auprès des clientélistes de bas étage pour faire son chemin dans le maquis des camarades carriéristes ?
Il incrimine les politiciens qui ont pu ça et là gouverner Marseille en mettant en cause « la folie qu’entretient la conquête du pouvoir », celle des gens « sans honneur et sans parole ».
Propos d’une grande lucidité qui s’appliquent au premier chef au parti socialiste et au plus grand parti de Marseille, celui des opportunistes qui selon le vent tournent leur veste à droite ou à gauche, sans le moindre scrupule. Comme le chantait gaiement Jacques Dutronc.
Interrogé en conclusion sur sa « vie d’après » (d’après…la politique bien sûr), Benoît Payan a répondu de façon sibylline : « je partirai de Marseille pour m’occuper de mon pays à l’étranger ». Mais que ne partez-vous pas tout de suite monsieur le maire, nul ne songerait à vous reprocher la moindre imposture à l’étranger ! Que diriez-vous d’un petit « switch » à l’envers avec Mme Rubirola ?
Vous feriez semble-t-il un beau consul de France à Naples ou à Rome et là-bas vous pourriez donner libre cours à votre coquetterie vestimentaire en refaisant 25 fois votre nœud de cravate ou en repassant trois fois votre chemise avant un conseil municipal, plutôt que d’étudier vos dossiers…sans que vos conseillers vous en fassent l’observation navrée.
Votre ambition majeure, somme toute assez noble, est de « recoudre Marseille », mais je pense que vous pourriez être plus utile chez un couturier du centre de « Napoli » pour vous consacrer à la « sprezzatura », c’est-à-dire au culte de la distinction discrète. Un travail et une passion qui auraient pour vous, enfin, une certaine tenue. ■
José D’Arrigo – Rédacteur en Chef du « Méridional » –
José D’Arrigo est journaliste professionnel depuis le 1er février 1973. Il a longtemps écrit pour Le Méridional, et pour le Figaro. Il est aussi auteur d’ouvrages sur la mafia marseillaise et biographe de Zampa. Depuis 2020, il est rédacteur en chef honoraire du Méridional.