Claude Lévi-Strauss est mort. Pour lui rendre un hommage à notre façon, voici un court extrait -retrouvé au hasard d’une lecture d’été….-d’un dialogue fort interéssant qu’il a eu avec Didier Eribon.
Il est tiré du livre « De près et de loin » (Claude Lévi-Strauss et Didier Eribon, Éditions Odile Jacob, 1988, pages 209/212).
« Claude Lévi-Strauss : …que des cultures, tout en se respectant, puissent se sentir plus ou moins d’affinité les unes pour les autres, c’est une situation de fait qui a existé de tout temps. Elle est dans la normale des conduites humaines. En la dénonçant comme raciste, on risque de faire le jeu de l’ennemi, car beaucoup de naïfs se diront : si c’est cela le racisme, alors je suis raciste…
Didier Eribon : Y a-t-il des apparences physiques qui font naître en vous de l’antipathie ?
Claude Lévi-Strauss : Vous voulez dire des types ethniques ? Non, bien sûr. Tous incluent des sous-types qui, les uns nous semblent attrayants, d’autres pas….
Claude Lévi-Strauss : j’appartiens à une culture qui a un style de vie, un système de valeurs distinctives ; et donc des cultures très différentes ne me séduisent pas automatiquement.
Didier Eribon : Vous ne les aimez pas ?
Claude Lévi-Strauss : Ce serait trop dire. Si je les étudie en ethnologue, je le fais avec toute l’objectivité et même toute l’empathie dont je suis capable. Il n’empêche que certaines cultures s’accordent moins volontiers que d’autres avec la mienne…… Il y a et il y aura toujours des communautés portées à sympathiser avec celles dont les valeurs et le genre de vie ne heurtent pas les leurs propres ; moins avec d’autres. Ce qui n’empêche que même avec celles-ci, les rapports peuvent et doivent rester sereins. Si mon travail requiert le silence, et qu’une communauté ethnique s’accommode du bruit et même s’y complaît, je ne la blâmerai pas et n’incriminerai pas son patrimoine génétique. Je préférerai toutefois ne pas vivre trop près, et apprécierai peu que sous ce méchant prétexte, on cherche à me culpabiliser ».
Faut-il dire -ce serait évidemment de l’humour, en ce qui nous concerne…- que les grands esprits se rencontrent ? Nous n’allons bien sûr pas nous comparer en quoi que ce soit à l’éminent ethnologue ; ni nous servir en quelque sorte de son témoignage pour solliciter les textes, et lui faire dire ce qui nous semblerait abonder dans notre sens.
Pourtant, on nous permettra de nous référer malgré tout à l’extrait que nous venons de citer, en le rapportant à ce que nous écrivions ici même, au sujet d’une de ces cultures, de ces communautés ethniques dont parle Lévi-Strauss (1) :
« …On remarquera -nous l’espérons- que nous ne nous référons en rien à de quelconques raisonnements, à l’on ne sait trop quelle(s) théorie(s), pour affirmer clairement et calmement cela. Qu’avons-nous, en effet, besoin d’idéologie(s), pour dire que nous sommes ce que nous sommes, et que nous voulons le rester. Sans que cela signifie le moins du monde de la haine ou du mépris pour les autres cultures.
Nous sommes des empiriques et des pragmatiques, pas des idéologues. Et nous constatons simplement que la France est située en Europe et pas en Asie ou en Afrique: cela ne veut pas dire que nous n’aimons pas l’Afrique ou l’Asie, cela veut simplement dire que la France est géographiquement située en Europe. Qu’elle est un peuple blanc (cela ne signifie pas qu’elle est supérieure ou inférieure: cela signifie simplement qu’elle est un peuple blanc). Que ses origines philosophiques et culturelles sont gréco-latines (cela ne veut pas dire que nous ignorons ou méprisons les autres cultures du monde: cela veut simplement dire que nos origines sont gréco-latines). Et que spirituellement nous sommes chrétiens (cela ne veut pas dire que nous méprisons les autres religions, cela veut simplement dire que nous sommes chrétiens…).
On le voit, nous ne plaçons donc pas le débat sur le plan des idéologies: nous n’avons pas envie d’être ni racistes ni anti-racistes; nous constatons, un point c’est tout. Sans aucune arrière-pensée, sans aucun jugements de valeurs. Nous constatons simplement ce que nous sommes, et nous n’en concevons ni gloire ni honte: nous recevons un héritage, et c’est tout. Et nous n’avons pas besoin, pour affirmer cette simple constatation, tirée de l’observation du réel, de prendre parti dans un débat biaisé et oiseux, qui n’est pas le nôtre.
Nous avons suffisamment expliqué pourquoi nous n’étions pas racistes (2) pour n’avoir pas besoin d’épouser la cause des pseudo anti-racistes: nous refusons tout simplement d’entrer dans un débat piégé entre tenants du racisme ou de l’anti-racisme; car ce débat, ce combat n’est pas le nôtre. Notre combat c’est la défense de l’identité française, non pas parce qu’elle est -ou serait- supérieure aux autres, mais parce que c’est la nôtre, tout simplement, et qu’elle nous convient, et que nous ne souhaitons pas en changer…. »
(1): Voir la note : « Refus de nationalité pour « port de burqa »… » dans la Catégorie « Immigration : Identité ou Désintégration nationale ? »
(2): Voir la conférence « Contre la France métisse », dans la Catégorie « Vidéo / Audio / Conférences »
Le refus de prendre en compte la notion d’écart culturel est du même ordre, que le refus du « seuil de tolérance ».
Cette notion d’écart culturel, que connaissent bien les ethnologues comme Lévi Strauss, relève pourtant de la pure évidence : il y a une plus grande différence de moeurs et de comportements entre la population de la France et celles du Mali ou du Sri-Lanka qu’entre la population de l’Ile-de-France et celle du Maine-et-Loire.
Croire qu’il n’en résulte aucune conséquence pour ce qui est de l’intégration relève de l’angélisme.
Quant à ceux qui se disent « cosmopolites » et se réclament de l’idéal d’une terre unifiée, sans frontières, seulement peuplée de « citoyens du monde « , la question qui se pose est de savoir quelle place ils réservent dans cette perspective à leurs adversaires.
Se réclamant de l' »humanité »,ils ne peuvent en toute rigueur que les regarder comme non humains.