COMMENTAIRE – Cet entretien – réalisé par Jean-Christophe Buissonublié dans les colonnes du Figaro. de ce mardi. Il remet les pendules à l’heure alors que, par décision du Chef de l’État, Missak Manouchian vient d’être panthéonisé. Victime, en définitive, d’une instrumentalisation de plus, cette fois-ci au bénéfice de la stratégie d’Emmanuel Macron en vue des élections européenne… (Résurrection d’un « antifascisme » censé s’opposer au RN) Quant au résistancialisme – auquel Stéphane Courtois règle savamment son compte – nous n’avons, quant à nous, aucune raison d’en être dupes, d’en ignorant les effets malfaisants de long terme, encore moins d’y adhérer, fût-ce pour la raison, bien réelle celle-là, qu’il y eut d’authentiques patriotes dans la Résistance, dont nombre de royalistes.
ENTRETIEN – En faisant entrer Missak Manouchian au Panthéon avec sa femme Mélinée, Emmanuel Macron veut honorer une victime de la barbarie nazie et le parcours exemplaire d’un Arménien accueilli par la France. Quitte à mettre de côté le profil communiste stalinien du couple et certaines vérités historiques embarrassantes que rappelle l’historien.
Stéphane Courtois a notamment dirigé « Le Livre noir du communisme » (Robert Laffont, 1997). Il publie une nouvelle édition de « Lénine, l’inventeur du totalitarisme » (Perrin, 2024).
Lors de son entretien avec Staline de 1947, Thorez n’hésitera pas à parler des « 350.000 communistes français fusillés » – soit la totalité des adhérents revendiqués par le parti à son premier apogée en 1937 ! Jusqu’à ce qu’en 2015 une équipe d’universitaires publie un Dictionnaire biographique des fusillés de 1940-1944, et ramène le chiffre global à environ 4500 dont la moitié de communistes… Stéphane Courtois
LE FIGARO. – On célèbre aujourd’hui Missak Manouchian comme un héros de la Résistance . Peut-on comparer son action à celle de Jean Moulin , Pierre Brossolette ou Germaine Tillion ?
Stéphane COURTOIS. – Cette célébration repose sur une héroïsation résistantialiste construite par le Parti communiste dès l’après-guerre. Si sa mort précoce face à l’ennemi ne peut qu’émouvoir et susciter l’admiration, en réalité, Missak Manouchian fut un modeste résistant. Avant son entrée, en février 1943, dans les Francs-tireurs et partisans de la main-d’œuvre immigrée parisiens (FTP-MOI), son activité était d’ordre propagandiste. Du 17 mars à son arrestation le 16 novembre 1943, il n’a participé qu’à une seule action qui lui a attiré les foudres du chef militaire, Boris Holban, pour ne pas avoir respecté les règles élémentaires de clandestinité. Nommé fin juillet à la place de Holban, écarté parce qu’il contestait la stratégie jusqu’au-boutiste dictée par le Parti, il est filé pendant deux mois sans s’en préoccuper outre mesure, permettant à la police de repérer sa planque.
Suivi le 16 novembre, il guide les policiers jusqu’à son chef, Joseph Epstein. Arrêté, il est conduit à la Préfecture de police où il livre d’emblée de nombreuses informations, en particulier ses rendez-vous avec Marcel Rayman et Golda Bancic, tous deux immédiatement arrêtés à leur tour. Le premier sera fusillé avec 21 autres camarades au Mont-Valérien le 21 février 1944 ; la seconde guillotinée à Stuttgart le 10 mai 1944. On est assez éloigné des figures de Jean Moulin et de Pierre Brossolette qui, tous deux, ont fait en sorte de ne plus pouvoir parler, l’un en se provoquant une fracture du crâne, l’autre en se jetant du 4e étage du siège de la Gestapo.
À l’image d’une séquence célèbre du film de Robert Guédiguian L’Armée du crime, on présente souvent les 23 de l’Affiche rouge comme « morts pour la France ». N’est-ce pas paradoxal dans la mesure où la plupart s’étaient engagés dans la Résistance non par patriotisme, mais par fidélité à leurs convictions communistes (internationalistes) ou par obéissance aux consignes de Moscou ?
En effet, si la devise du Panthéon est « Aux grands hommes la Patrie reconnaissante », on ne peut que s’interroger sur les attachements du couple Manouchian, tous deux « permanents » du PCF dans les années 1930, puis encore en 1942-1943. Comme pour tout cadre communiste de cette époque, la vraie patrie était l’URSS. Maurice Thorez le résumera très bien lors d’un entretien au Kremlin le 18 novembre 1947, lorsqu’il déclarera à Staline que « bien qu’il soit français, il avait l’âme d’un citoyen soviétique ». L’« internationalisme » que les promoteurs de leur panthéonisation prêtent à Missak et Mélinée, c’est surtout « l’internationalisme prolétarien », expression de langue de bois signifiant l’obéissance absolue à Moscou et à Staline. L’ouverture des archives du Komintern a montré jusqu’où allait cette soumission des communistes français : discuter de la reparution de L’Humanité en août 1940, avec Otto Abetz, le représentant personnel de Hitler à Paris…
Que dire de l’engagement stalinien du couple Manouchian, et en particulier celui de Mélinée après-guerre, partie construire le socialisme en Arménie soviétique ?
En effet, dès 1945, Mélinée Manouchian a filé en Arménie soviétique. Et l’héroïsation de Manouchian a favorisé une grande campagne de propagande soviétique, relayée par le PCF, pour que les Arméniens de France rejoignent à cette époque ce qui leur était présenté comme leur « vraie » patrie, une patrie « socialiste ». Le résultat fut éloquent : 7200 d’entre eux y crurent et la rejoignirent en bateau fin 1947, avant de tout faire pour retourner en France ! Mélinée Manouchian, elle, devenue apparatchik à Erevan, n’a quitté l’Arménie soviétique qu’en 1963, tout en restant sous le contrôle d’agents soviétiques et en nourrissant le mythe du grand résistant Manouchian.
Missak Manouchian est devenu le symbole des FTP-MOI grâce à la propagande du Parti communiste. Celle-ci n’a-t-elle pas minimisé la place prépondérante des Juifs dans ce mouvement ?
La figure de Manouchian a été glorifiée nationalement dès 1951 par la demande communiste d’une rue « Groupe Manouchian » à Paris, obtenue en 1954, puis par un célèbre poème éponyme de Louis Aragon en 1955, avant sa mise en chanson par Léo Ferré en 1961. Ainsi a été construite une figure-écran qui a permis au PCF de masquer la présence massive des Juifs au sein des FTP-MOI parisiens, afin d’être en phase avec la violente campagne antisémite lancée par Staline en URSS et dans le mouvement communiste dès 1946-1947. Il a fallu attendre 1985 et le célèbre documentaire de Mosco Levi Boucault, Des « terroristes » à la retraite, pour découvrir les visages bouleversants de ces modestes résistants juifs.
En accordant autant de place à Manouchian, ne continue-t-on pas à entretenir une fausse mythologie de la Résistance créée par le PCF, qui, vous le rappeliez dans un colloque récent à Vichy organisé par Serge Klarsfeld, se revendiquait comme « le parti des 75 000 fusillés » ?
Après les exécutions du 21 février 1944, apparut dans L’Humanité, dès le 3 mars, l’expression « parti des fusillés », appelée à un grand avenir, puisque, dès la Libération, le PCF évoqua les 100.000 fusillés, puis les 75.000. Lors de son entretien avec Staline de 1947, Thorez n’hésitera pas à parler même des « 350.000 communistes français fusillés » – soit la totalité des adhérents revendiqués par le Parti à son premier apogée en 1937 ! Jusqu’à ce qu’en 2015 une équipe d’universitaires publie un Dictionnaire biographique des fusillés de 1940-1944, et ramène le chiffre global à environ 4 500 dont la moitié de communistes… Toute la distance entre la légende et l’histoire ! ■
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On peut revenir sur le parcours des Manouchian , mais l’important pour moi est que Macron crédibilise ainsi la fable de la résistance construite par le parti communiste français, et donc contribue encore plus à polariser l’opinion française et même à la diviser sous couvert de lutter contre le RN. Au lieu d’être le président de tous les Français, il est le président d’un parti contre l’autre, mais à part le Roi qui peut prétendre à représenter tous les Français, les représentant d’un système républicain sont les antagonistes d’une guerre civile perpétuelle ouverte ou larvée. Le PC nous a imposé Guy Moquet et maintenant Manouchian. Oui des peuples administrés par la France, je ne peut pas dire colonisés, ont pris les armes pour nous défendre, tirailleurs, tabors, harkis et sont mort pour la France. Les Français feront la différence avec un agent soviétique, dont la célébrité ne vient pas de ses actions comme le rappelle bien Stéphane Courtois, mais de la propagande soviétique relayée par Aragon et Léo Ferré. Voulez-vous un héros emblématique des étrangers ayant lutté pour la France, la Légion vous en fournira légion et le plus rayonnant le colonel Amilakvari.
PS: amusant qu’à cette occasion un certain nombre de journalistes, encore ce matin su Radio Classique, ont mentionné que « l’extrême droite » était présente dans la Résistance, et cela dès le 18 juin 1940
S’il y a un résistant à mettre au Panthéon c’est le capitaine Honoré d’Estienne d’Orves et si ma mémoire est bonne il n’y est pas entré.
Il fallait que le premier fusillé soit un aristocrate et celui- là est le plus héroïque de tous les braves.
le journal L’Humanité lui avait rendu justice en 2010 mais à part un nom de rue à Suresnes où il a été fusillé en 1941 on n’entend pas souvent citer son nom parce qu’il est de bon ton de penser que la résistance était communiste avec la propagande larvée plu ou moins qui suggère que la droite était collabo. Mais le communisme se devait de se démarquer de l’alliance avec la Russie..
Honoré d’ Estienne d’Orves est l’image d’une certaine classe avec de hautes valeurs morales et patriotiques qui a tout au début fondé un groupe de résistance et donné sa vie avec panache pour que nous restions français .
Au-delà de l’évidente propagande soviétique à l’œuvre dans la fabrication du héros Manouchian (non sans de réels mérites), je me demande s’il est encore utile de taper sur le PCF. D’abord parce qu’il n’est guère conforme à l’honneur de s’acharner sur une telle faiblesse : le PCF n’est plus qu’un agonisant, laissons-le mourir en paix. Ensuite et plus fondamentalement, le communisme est-il encore l’ennemi à abattre avant tout autre ?
Bien d’accord avec Grégoire Legrand ! D’ailleurs quand le Parti tenait les banlieues rouges, il éduquait solidement les gamins et n’aurait pas toléré l’invasion migratoire…
«Quand le Parti tenait les banlieues», quand ses petites mains installaient les infrastructures d’événements (meetings et autres fiestas de la humanidad), alors, pour se dégourdir et se détendre, les petites mains allaient dans lesdites banlieues et ratonnaient… Ils se faisaient aussi un peu «du pédé», et puis, dans les manifs contre la guerre du Vietnam, les services d’ordre conjugués CGT-PC cognaient dur sur les anars… Bref, la guerre d’Espagne importée par chez nous et la présence anticipée des Compagnies républicaines de sécurité contre les pèquenots.
Aaaah ! l’bon temps des cocos-manouchiés… Voilà bien la seule nostalgie que je ne connais absolument pas, sauf à tenter de remonter avant le sale temps actuel.
Quoi que ces gens-là préfigurassent exactement la macronerie, en moins gominées. Les différences entre les précédentes gens et celles d’à présent tiennent au processu darwinique d’évolution qui a fait des premiers les seconds ; les seconds occupant désormais des postes mieux rémunérateurs, en raison du darwinisme mis en progrès.
Je ne sache pas que mon grand-père maternel (d’ascendance aristocrate irlandaise) ni sa jolie femme (bergère ardéchoise), ma grand-mère (également maternelle), eussent été pressenties pour figurer au Panthéon… Il y a une raison à cela : quoique tous deux aient été «actifs» dans la Résistance, ayant, notamment, reçu chez eux régulièrement un certain «Booby», pilote de la Royal Air Force, qui acheminait par vol au vent des trucs et des machins, et puis des bidules londoniens – certes, mes adorés grand-parents n’en sont pas morts, encore que mon grand père eût été «grand invalide de guerre», du fait des gaz dans les tranchées de 14-18, gaz dont il est mort des conséquences pulmonaires (d’ailleurs, sous mes yeux), en octobre 1958. Il existe un stade qui porte le nom «André Corbet», à Villeurbanne, en l’honneur de la place importante qu’il a occupé dans un «réseau»… Cependant, je n’ai jamais entendu ma grand-mère se vanter de quoi que ce soit à ce sujet, ni ma mère non plus. Je n’ai compris les choses qu’en reliant diverses anecdotes ensemble et, dernièrement, en retrouvant certains papiers militaires que ma grand-mère bien aimée avait conservé dans une cassette en métal. Et, du moins – par la Grâce de Dieu –, mon grand-père n’était pas communiste (par compensation de ce que mon père devait l’être et le rester jusqu’à sa mort) ; il n’était pas trop «gaulliste» non plus, ai-je pu comprendre. C’était tout simplement un honnête homme, bien élevé, élégant, soucieux de son foyer, aimablement distrait, quelquefois, et qui avait discrètement commencer dans la carrière, à dix-sept ans, en comptant pour un peu dans la boucherie de guerre. J’ai à honneur de ne pas compter d’aïeul au Panthéon, encore que les fresques du spirituel Puvis de Chavannes y eussent introduit la seule «grandeur» qui y demeure.
On m’objectera que, pourtant, mon grand-père s’y trouve, représenté par Maurice Genevoix ; je veux bien, mais son intronisation dans la fallacieuse basilique a fait que des vitrines aseptisées polluent la perspective sur les fresques du grand peintre symboliste.
Aragon n’a pas compris ce qu’il écrivait en parlant de l’affiche «comme une tache de sang» : le communisme est LA tache de sang qui a maculé la France «et autres lieux», et l’on tient à le profiler médaille, désormais – cela s’appelle «signature».
Nous sommes d’accord, les cocos avaient tous les défauts du monde, ceux-là plus d’autres que vous évoquez, je sais.
Et alors ? Le politique, ce n’est pas la pudibonderie. Qui ne veut pas se salir les mains doit renoncer au pouvoir. Non qu’il faille aller jusqu’à salir son âme, m’enfin qui veut le pouvoir doit en prendre les moyens.
Et que je sache, Jeanne d’Arc n’a pas dédaigné l’aide de Gilles de Raies, ni Louis XVIII celle de Talleyrand, ni De Gaulle celle des cocos.
Gilles de Rais est «devenu fou» (disons-le comme cela), précisément à la suite du supplice de Jeanne – il a accueilli plusieurs «fausses Jeanne(s)», comme il s’en présentait quelques-unes alors. Gilles était dévoué à Jeanne. Ce qu’il est devenu ensuite est un avatar qu’en principe, rien ne devait laisser présager.
Lescommunistes n’ont jamais «aidé» personne , sauf à ce que leur obéissance à Moscou puisse être considérée comme une assistance… Quant à Talleyrand, je ne suis pas bien sûr qu’il eût été bénéfique à la France en tant que Royaume…
«Se salir les mains», c’est exactement cela «renoncer» ; reste le recours au rince-doigts, mais fait-il bien les mains propres ?
C’est un fait indiscutable que sans Talleyrand, Louis XVIII serait mort en exil. Pour rappel, les alliés ne voulaient pas des Bourbons (les Habsbourg voulaient garder l’Aiglon, Alexandre Ier voulait Bernadotte comme roi des Français). Cf. Waresquiel. C’est Talleyrand (entre autres) qui a forcé la main des alliés et leur a imposé Louis XVIII.
Il n’est pas moins discutable que les communistes ont joué un rôle important dans la Résistance (grossi par la propagande rouge, il est vrai). Pour de mauvais motifs, très tard par rapport à d’autres, sans doute ; n’empêche qu’ils ont eux aussi contribué à la libération du territoire. Les nécessités du politique commandent parfois de s’allier avec des gens peu recommandables, quitte à les exclure par la suite (ce qu’a fait De Gaulle, précisément, avec les communistes). Refuser de voir cela en face revient à se condamner à toujours perdre, faute d’avoir jamais joué.
C’est Talleyrand aussi , qui n’a pas dédaigné celle de Louis XVIII, pour sortir la Franc du bourbier où elle s’était enlisée.. .
D’une certaine façon, je dois consentir à me ranger à l’analyse de Grégoire Legrand, mais ce, au strict point de vue «politicien». Or et en effet, Talleyrand était un politique, tout comme Richelieu… Il faut néanmoins considérer que, d’une part, Richelieu a détruit la noblesse française, la catholicité française et tout ce qui ressortit doctrinalement à ces deux principes fondamentalement contre-révolutionnaires, et, d’autre part, Talleyrand, rigoureux produit de la Révolution et du bonapartisme, Talleyrand a collaboré à la dissolution du Royaume de France dans cette conception de l’«État-Nation», qui n’a comme validité et/ou «légitimité» que celles qui lui sont échafaudées au fur et à mesure des «évolutions» constitutionnelles, sous la houlette des différentes sortes de «Conseils d’États» qui judiciarisent opportunément selon les airs du temps…
On ne peut pas admettre que la «grandeur» de la France puisse être mesurée à la plus ou moins retorse capacité de certains hommes d’État à adapter les Lois (du royaume) aux diverses «choses publiques» selon lesquelles des stratégies leur apparaîtront comme plus ou moins adaptées… Mais adaptées à quels buts, en fait. Le Royaume n’est pas un objectif, mais un genre d’«essence» au service de laquelle toute Politique se met, veillant «essentiellement» à ce que rien ne vienne trop en polluer la nature.