Par Dominique Jamet.
Intéressant article de la nouvelle chronique hebdomadaire de Dominique Jamet dans Boulevard Voltaire. [23 février]. « Une parole libre » toujours empreinte de mesure, sagesse, expérience et talent. Mais qui ouvre ici sur plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Que sera l’agriculture de demain ? Sans doute ni celle d’hier ou avant-hier, ni celle d’aujourd’hui. Ni peut-être même pas celle que nous pourrions imaginer en prolongeant, simplement, les courbes des tendances lourdes d’aujourd’hui. Tendances lourdes ou que nous croyons telles. Il est bien possible que dans le monde d’aujourd’hui en mutations de grande ampleur (démographiques, technologiques, climatiques, anthropologiques et même ontologiques et religieuses) l’Histoire ne se contente pas de prolonger l’existant et qu’elle produise de l’improbable. Et que, selon des modalités que nous ignorons encore, ce qu’il y a de meilleur dans la nature et dans l’homme, animal originellement politique, se retrouve, comme le dit Jamet, « sur l’air du « On est là ». Encore là ? Un peu là ! ».
Les paysans… mais qui parle encore de paysans ? Car tout se passe comme si ce beau mot, ce mot charnel, lourd de glèbe, de moissons et de morts, était devenu imprononçable, voire obscène, alors qu’il est seulement obsolète, tombé en désuétude comme l’espèce qu’il désignait est en voie d’extinction. On parle plutôt de cultivateurs, que l’on désigne couramment et qui se définissent eux-mêmes par leur spécialité : céréaliers, viticulteurs, éleveurs, maraîchers, apiculteurs, etc. Mais de paysans, plus question. À se demander parfois s’ils ont même existé. On pourrait en douter, nos enfants peut-être en douteront lorsque ce grand et vieux peuple des travailleurs de la terre, ces gens aux mains calleuses, à la peau tannée par le soleil et les vents, auront achevé de disparaître de la surface des sols épuisés par les engrais, remplacés par des robots semeurs et récolteurs, et que le bétail, s’il existe encore, sera logé et exploité, loin des prairies, dans des fermes-usines où des machines se chargeront, c’est selon, de le traire ou de le découper en rondelles.
Et pourtant, nous, nous les Français, sommes tous ou presque les fils, les descendants de ces laboureurs, de ces fermiers, de ces métayers, de ces journaliers qui, il y a trois siècles, autant dire avant-hier, constituaient 90 % de la population française, et encore près de la moitié au milieu du XXe siècle ! Ceux même dont les aïeux ont quitté les champs pour les villes et leur périphérie sont encore nombreux à conserver des liens familiaux, matériels ou affectifs avec les lieux de leurs origines.
Les « paysans », c’est 5 % de l’ensemble des actifs
Mais si le cœur de la France ancienne, celle des hameaux, des villages et des bourgs, bat encore, fût-ce de plus en plus faiblement, au rythme d’une vie plus proche des saisons et de la nature que celle des métropoles et de leurs métastases, la population proprement agricole ne représente plus qu’à peine 5 % de l’ensemble des actifs. Son poids, relatif et absolu, sa masse, son influence, son insertion dans la société n’ont cessé de décliner et la plupart de ceux qui la composent ont vu parallèlement baisser leur influence et leur niveau de vie. Confrontés à la double nécessité d’agrandir la surface de leurs exploitations et de les moderniser sans cesse pour simplement survivre, ils n’ont pas disposé des moyens nécessaires pour faire face à une situation nouvelle. Démographiquement, électoralement et donc politiquement marginalisés, ils ont eu le sentiment croissant d’être simultanément déclassés et ignorés, méprisés, voire abandonnés par une classe politique éloignée de leur réalité et familière, en fait de champs, des Champs-Élysées, en fait de prés, de Saint-Germain, en fait de jardins, de ceux du Luxembourg, plus que de la terre qui, elle, comme on sait, au rebours des gouvernants, ne ment pas.
On sait de reste qu’il existe d’importantes divergences de vues et de considérables différences de revenus entre « agriculteurs », que les problèmes et les revendications d’un gros céréalier de la Beauce, d’un vigneron des Corbières ou d’un arboriculteur du Lot-et-Garonne ne sont pas identiques et qu’il existe des différences sociales et politiques entre FNSEA, Coordination rurale et Confédération paysanne. Mais le point commun à toute la « paysannerie » française (osons encore cet anachronisme) est d’avoir été abandonnée à un fédéralisme sans frontières, un libéralisme sans limites et un capitalisme sans entrave, soumise aux ukases des centrales d’achat et au chantage des grandes entreprises de l’agro-alimentaire, exposée sans protection à la concurrence plus ou moins déloyale de certains pays de l’Union européenne (Espagne, Allemagne, Pologne, etc.) auxquels la conjoncture a ajouté celle de l’Ukraine et, par des traités négociés en catimini, celle du Brésil, de l’Argentine, du Pérou et de la Nouvelle-Zélande. À quoi est encore venue se superposer l’exaspération suscitée par la conjonction entre les innombrables règlements pondus et gérés par une bureaucratie intrusive et incompréhensive et les incessantes ingérences d’une écologie citadine et punitive.
Jacques Bonhomme pas mort ?
Comme lors des précédentes secousses sismiques enregistrées ces dernières années dans notre pays, le « pouvoir », qui semble décidément vivre et sévir dans quelque galaxie éloignée de la Terre et de ses réalités, n’a découvert qu’après coup l’ampleur de la colère et la force de l’union qui s’est faite entre toutes les branches professionnelles concernées et le soutien massif de l’opinion. Comme d’habitude, il est passé en quelques jours des fins de non-recevoir et des dérobades aux concessions puis, à la veille du Salon de l’agriculture, de l’arrogance à la capitulation. Ainsi vont les choses dans ce pays.
Baroud d’honneur ? Combat d’arrière-garde ? Ou nouvelle jacquerie venue du fond des âges et des profondeurs du pays, en dehors de toute arrière-pensée et de toute finalité politique ? Comme les « gilets jaunes » il y a six ans, sur leurs ronds-points, les avatars contemporains de Jacques Bonhomme et leurs tracteurs sont venus barrer les autoroutes sur l’air du « On est là ». Encore là ? Un peu là ! ■
Le projet ultra-libéral de la macronie consiste à réaliser une opération de fusion-acquisititon des états européens dans une pseudo-fédération de « républiques bananières » dont les peuples apeurés sont soumis au lavage de cerveau des médias de la ploutocratie (au service de l’Etat Profond: big pharma, militaro-industriel, GNL …) à une colonisation de peuplement qui les assiège (infectée par l’islamisme) et par l’assistanat dans l’hyper-consommation qui les anesthésient.
La guerre contre la Russie qui était l’objectif de l’OTAN (discours de George Friedman 2015 « Chicago Council .. » non-application des accords de Minsk) a permis de briser l’alliance Europe-Russie qui aurait fait du continent une puissance. Elle a permis aussi à des oligarques occidentaux de faire main-basse sur les riches terres ukrainiennes (40Mhectares contre 25Mha en France) pour y pratiquer une agriculture ultra-mécanisée, intensive en pesticides dangereux, et déversant en masse des produits en concurrence déloyale parfois contaminés (Tchernobyl) consommés en majorité par les immigrés de l’espace Shengen. Il s’agit d’un modèle agricole dont on a l’illustration en Roumanie avec MAXAGRO exploitant 13600 hectares et faisant 8M€ de bénéfice et générant 39 emplois!
Conclusion : refuser cette colonisation-emprise, exiger le retour à notre souveraineté pleine et entière (mettre fin au pouvoir des usurpateurs bruxellois et interdire le lobbying) pour viser l’autosuffisance alimentaire en protégeant nos agriculteurs qu’il nous faudra accompagner vers la qualité en augmentant la matière organique des sols*, en allant vers des « sols vivants » qui vont fortifier les plantes en réduisant le recours aux pesticides. Un tel scénario serait à mon sens la voie royale de la réconciliation avec nos jeunes légitimement inquiets de la dégradation de notre milieu naturel et de notre santé à tous.
*le passage de 1% à 4% de matières organiques dans seulement 20cm d’épaisseur de sol sur les 5Mds d’hectares de SAU de la planète permettrait d’abaisser d’environ 150 ppm la teneur atmosphérique en CO2, soit un retour par l’action humaine aux conditions du 19ème siècle : pas vraiment inintéressant !
C’est une interminable agonie que celle de la fin du secteur agricole en France- encore plus de 10 pour cent de la population au début de la décennie 1970, et cela faisait partie de la structure du pays, agonie que n’a pas enrayée la politique agricole commune dont la France, principale puissance agricole de l’ « Europe des six » d’alors bénéficiait largement.
Le livre de Patrick Buisson décrit dans sa première partie, les mécanismes de cette disparition progressive d’un monde, (un monde que le « coco à moustaches » chanta à la même époque avec la montagne qui était belle – (cela valait pour toute la campagne, en fait) , disparition accompagnée de tant d’acteurs, pour faire passer de l’autosuffisance alimentaire à l’accroissement des possibilités exportatrices (l’industrie- dont on voit ce qu’il reste -réclamant aussi de la main-d’œuvre prise sur les campagnes)
Voilà que maintenant, nous dépendons des importations (de produits de qualité moindre, en règle générale). On peut y voir la marche inexorable du temps, contre laquelle rien ne se peut faire, mais, puisque qu’il y eut un volonté et des choix, pourquoi ne serait il possible d’operer des rectifications ?
L’erreur est double : s’imaginer qu’on pourrait revenir en arrière / croire que les tendances actuelles n’apparaîtront pas assez vite elles-mêmes obsolètes. Elles basculeront dans le passé comme tout le reste. Les formes actuelles de la modernité n’ont pas, pour échapper à cette loi, un grain de sel sur la queue.
Il suffirait peut-être d’une hausse significative des coûts de transport, ou de la multiplication de « sanctions » croisées entre Etats, d’un état de tension ou de guerre froide restauré pour que les économies se relocalisent spontanément. Les contraintes économiques qui vont et viennent ont infiniment plus de poids et d’efficacité que les controverses idéologiques. Pour autant, les frontières ne deviendront pas étanches. Elle ne l’ont jamais été. Quant aux tarifs douaniers, ils n’ont jamais empêché ni les échanges ni la prospérité. Ils n’ont pas été un obstacle aux prouesses pour le meilleur comme pour le pire des 30 glorieuses.