Par Radu Portocala.
On ne peut que remercier Radu Portocala d’avoir écrit et publié ce très bel et pertinent article, d’une lucidité à rebours des folies ambiantes.
« Il suffirait d’une vague lueur de lucidité pour entrevoir l’effroyable désastre qu’une telle initiative pourrait provoquer. »
La moindre des choses, me semble-t-il, qu’on puisse attendre de l’homme qui dirige un État, est qu’il soit lucide.
La déclaration qu’a faite lundi Emmanuel Macron, désireux d’envisager l’envoi de troupes en Ukraine, est une preuve – une de plus ! – d’absence de lucidité. Une preuve, aussi, que le président de la France place les intérêts du pays et de la nation loin derrière les lubies de ses suzerains d’outre-Atlantique.
Il est vrai que, ces derniers jours, la signature dans la précipitation par plusieurs pays européens d’accords de sécurité avec l’Ukraine augurait cette posture guerrière. Ces accords sont sans doute le résultat du refus que plusieurs membres de l’OTAN ont opposé à l’idée d’entrer en guerre contre la Russie. Pour contourner cet obstacle, les génies qui gouvernent l’Europe ont trouvé que ces multiples accords bilatéraux seraient une très bonne solution. Ainsi, nul besoin d’invoquer l’article 5 des Traités de l’OTAN, nul besoin non plus d’un consensus de tous les membres de l’alliance. Chaque État, donc, qui a signé un tel accord de sécurité peut prendre seul l’initiative d’envoyer au front des soldats portant ses couleurs. Avec pour conséquence de se trouver en guerre avec la Russie.
Cette Russie dont l’existence même gêne notre bien-aimé guide – les États-Unis, qu’une vision paranoïaque des affaires du monde pousse à vouloir en être les seuls maîtres, contrôlant tout, sans que rien ne puisse contrarier leur suprématie branlante. La Russie qui leur apparaît comme un obstacle malencontreusement dressé par l’histoire et la géographie devant cette ambition. Mais est-ce le problème des Européens ? Non ! Sommes-nous, Européens, les défenseurs des obsessions américaines ? Non ! Depuis 2022 – et bien avant, en réalité -, les États-Unis font la guerre à la Russie par l’intermédiaire de l’Ukraine, et sont en train de perdre comme ils ont perdu toutes les guerres qu’ils ont provoquées depuis 70 ans. Emmanuel Macron veut maintenant être l’intermédiaire de l’intermédiaire, être en quelque sorte le suppléant des États-Unis en Ukraine.
Il y a deux ans, imposant à la France de grands sacrifices au nom d’une impossible victoire ukrainienne, Emmanuel Macron disait que cela était « le prix de notre liberté ». Mais il ne nous expliquait pas en quoi cette liberté dans la pauvreté était dépendante de l’intégrité territoriale d’une Ukraine qui se rêve en colonie américaine. Plusieurs de ses homologues, dans d’autres capitales, ont fini par tenir un discours semblable. Et pour l’argumenter ils ont décidé, l’un après l’autre, d’annoncer que nous vivons désormais sous la menace d’une très certaine invasion de l’Europe par la Russie d’ici 5 ans. Il faut croire qu’ils lisent tous dans la même boule de cristal.
Si Emmanuel Macron, aveuglé par cette douteuse prémonition, veut aujourd’hui entrer en guerre contre la Russie, c’est probablement parce qu’il pense devoir mener une opération offensive par précaution défensive. Cela correspond bien à sa pensée « complexe ». Mais, paraît-il, cela n’a rien à voir avec les capacités militaires de la France. Tient-il absolument à couronner sa très mauvaise présidence par le déclenchement d’un conflit mondial ? Réagissant à son propos, Dimitri Peskov, porte-parole du Kremlin a dit : « Dans ce cas [envoi de troupes occidentales en Ukraine], nous ne parlerons plus de la probabilité d’une guerre avec l’OTAN, mais d’une inévitabilité. » Peut-on être plus clair ? Et accepte-t-on ici, avec la sérénité de l’inconscience, cette « inévitabilité » ?
Il suffirait d’une vague lueur de lucidité pour entrevoir l’effroyable désastre qu’une telle initiative pourrait provoquer. Déjà appauvrie ces derniers temps, la France réduite à une misère noire ; la France bombardée ; la France perdant une partie de sa jeunesse au combat. Tout cela pour satisfaire l’ambition d’Emmanuel Macron de se subordonner aux fantasmes d’une Amérique déclinante.
Assurément, il faut de la lucidité pour diriger un pays. Et il faut, surtout, mettre le destin de ce pays au-dessus de tout. Il semblerait que cela soit devenu impensable. ■
Radu Portocala est écrivain et journaliste, spécialisé notamment en Relations Internationales.
Il a travaillé pour Radio France International, a été correspondant de Voice of America, de la BBC, a également réalisé des émissions pour Radio Solidarnosc.
Il a collaboré au magazine Le Point, Courrier International, puis, plus récemment à Causeur, Atlantico et Politique Magazine.
Il a notamment publié :
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Autopsie du coup d’État roumain, Calman-Lévy,1990
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L’exécution des Ceausescu, Paris, Larousse, 2009
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Le vague tonitruant, Paris, Kryos, 2018
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La chute de Ceausescu, Paris, Kryos, 2019
Cet article est paru le 28 février sur la page FB de son auteur.
Voulez-vous des dirigeants valets de l’étranger, certes intelligents ou plutôt intellectuels pour savoir séduire les masses, mais sans racines et sans culture historique? Alors le suffrage universel vous les donnera, d’autant plus facilement qu’il n’y aura aucun filtre institutionnel. Voulez-vous des dirigeants héritiers de leur histoire et soucieux du bien commun? Alors faites le Roi
Politique de Gribouille. La France est un trop beau pays ; il faut compenser en lui créant des catastrophes non naturelles. Est-ce le diable qui nous envoie de tels chefs ?
Monsieur Portocala donne pourtant l’impression d’être un homme lucide et intelligent et pourtant, malgré les leçons de l’histoire (Munich 1939), il préconise que la France et ses voisins européens se couchent devant le stalinisme poutinien.
Pour moi, la référence morale et politique incontournable quand la France est en danger sont les Marins Bretons qui ont sauté dans leurs chaloupe au lendemain de l’appel du 18 juin pour rejoindre de Gaulle et l’aider à libérer la France.Tout le reste n’est que littérature.
Bel article, une fois de plus, de Radu ¨Portocala ; la seule critique lorsqu’il parle de « l’homme qui dirige un État ». Cette formule ne s’applique pas à l’adolescent impubère logé à l’Élysée, un ersatz de Ceausescu en peau de lapin qui a trouvé un jouet qui s’appelle La France. Dont la seule victoire est de diriger un pays dans lequel il est arrivé à faire passer sa loi pour la constitutionnalisation de l’avortement alors que, en même temps (comme d’hab’) il parle de natalité. Ce type est un cas !
Quand au commentaire précédent son rédacteur fait une erreur : les accords de Munich c’est en 1938 ; 1939 c’est le départ pour Moscou de Maurice thorez qui déserte !
A Washington il y a un sénile, et à Paris un débile.