Par Marc Vergier.
Ce 3 avril 2024, Seymour Hersh, la star du journalisme étatsunien, s’entretient avec Brian Rose sur le site « London Real ».
Il s’agit d’une sorte de mise à jour de son sensationnel article relatif au sabotage des gazoducs NordStream 1 et 2 le 26 septembre 2022. Seymour Hersh, le 8 février 2023, dans l’étouffant silence officiel, sur le média indépendant Substack, annonçait que ce sabotage avait été le fait des U.S.A. Pudiquement ignoré par nos gros média, maladroitement démenti par les Autorités U.S. et l’OTAN, cet article restait, depuis, le document de référence. À côté, la thèse du voilier ukrainien ne pesait que par son invraisemblance.
Les quelques dix-huit mois de silences officiels ou journalistiques qui ont suivi cet acte de guerre n’ont fait que mettre en relief son caractère énigmatique. Aucune des prétendues enquêtes menées par les parties concernées, y compris les nombreux pays riverains de la mer Baltique, n’a jamais abouti à quelque lumière que ce soit. Seule la Suède (de mémoire, sauf erreur) pondit un solennel communiqué confirmant, en tout et pour tout, qu’un sabotage avait bien eu lieu (sic).
La mise à jour de ce 3 avril 2024 était donc plus qu’attendue. Elle ne déçoit pas. Une heure en anglais, à bâtons rompus, riche de multiples incises. Je prends la liberté de signaler les trois points qui m’ont le plus frappé. Il ne s’agit pas d’une traduction, juste des notes rédigées de mémoire et susceptibles d’intéresser les lecteurs de JSF. Ceux-ci pourront toujours se référer à l’original et aux réactions que cet entretien ne manquera pas de provoquer.
Selon M. Hersh, les responsables étatsuniens auraient dûment informé leurs alliés de l’Atlantique-Nord de leurs intentions. Ils auraient profité de leur prééminence pour les convaincre que ce sabotage était d’un importance stratégique auprès de laquelle les conséquences sur leurs alliés devaient être vues comme collatérales. Ainsi s’expliquerait le silence desdits alliés et co-investisseurs à propos d’un véritable acte de guerre contre des pays alliés. Parmi ces alliés, la Norvège, de longue date associée aux installations de surveillance des U.S.A. le long de ses côtes, et fidèle gardienne de ces secrets partagés, aurait joué un rôle actif. Productrice de gaz, la Norvège a aussi profité plutôt que pâti du renchérissement du gaz.
Des serves alliés le silence était donc assuré pour un temps, le jour s’approchant, selon M. Hersh, où les chefs d’État, en particulier Olaf Scholz, pourraient se voir accusés de trahison. Mais pourquoi l’étonnant manque de curiosité de l’immense « communauté » U.S. du renseignement et des actions secrètes, ainsi que de ses multiples observateurs ? À cette question M. Hersh répond brutalement ; « parce que tout ce petit monde connaissait la vérité » (et, je suppose, ne voulait pas se ridiculiser) !
Plus guignolesque est la version proposée par M. Hersh de l’interception du notoire ballon espion chinois et du froid diplomatique qui a conduit au report de la visite du Secrétaire d’État Blinken à Beijing. Ce ballon et ses divers instruments auraient été conçus et lancés par l’université de Fairbanks en Alaska, dans le cadre d’un contrat avec le gouvernement fédéral pour l’étude des phénomènes météorologique dans cette zone arctique empruntée par tous les vols au-dessus de l’Atlantique et du pacifique nord. Accidentelle ou volontaire, la destruction de ce ballon qui n’aurait rien eu de chinois aurait été le prétexte d’une opportune et bienvenue accusation contre le régime chinois.
Brian Rose, meneur de l’entretien, pose alors la question : pourquoi ne pas avoir écrit à ce sujet ? La réponse de M. Hersh : c’était pis que comique, totalement ridicule.
Et c’est ainsi qu’on nous fait marcher ! ■
« La mise à jour de ce 3 avril 2024 était plus qu’attendue. Elle ne déçoit pas. Une heure en anglais, à bâtons rompus, riche de multiples incises. »