Vraiment, on ne perd jamais son temps en rouvrant le Mémorial de Sainte-Hélène d’ Emmanuel de Las Cases, (1766-1842), authentique noble d’Ancien Régime, rallié à Napoléon 1er, qu’il suivit à Sainte-Hélène avec son fils adolescent ; Las Cases, souvent sous la dictée même de l’empereur prisonnier, rédigea le Mémorial, qui devait devenir le plus grand succès éditorial mondial du XIXe siècle. Napoléon y apparait maintes fois sous un jour très cru, en contradiction avec les idées sociétales dominantes actuelles, par exemple en matière de condition féminine …
Fureur de madame de Staël
Dès le Directoire, lors ‘une réception donnée en son honneur à Paris par Talleyrand, alors ministre des Relations extérieures (Portrait à gauche) , le jeune et déjà célébrissime général Bonaparte se fit remarquer en répondant publiquement à une dame du grand monde qui lui demandait quelle femme avait sa préférence : « celle qui a fait le plus d’enfants ! ».
Cette réponse devait peiner Joséphine qui ne pouvait plus enfanter mais surtout elle encoléra la célèbre polémiste suisse Germaine de Staël, (Portrait ci-contre) née Necker et sa coterie de féministes avant la lettre, comme elle fit sans doute plus tard, ricaner ses héritières Simone de Beauvoir ou Gisèle Halimi …
Mentalité orientale viriliste
Une fois pleinement au pouvoir, Napoléon alla plus loin que cet encouragement très « militaire » à la démographie, se référant même à la mentalité nataliste orientale, musulmane même que le futur empereur avait connue au Proche-Orient où, d’ailleurs, son successeur à la tête du corps expéditionnaire français en Egypte, le général Jacques de Menou, y adopta l’islam sous le prénom typiquement mahométan d’Abdallah et il ne fut guère tancé à Paris pour cette apostasie… Marié à une mahométane, leur fils fut nommé Mourad-Soliman et l’heureux père de famille fut même décoré et titré par le régime impérial… (Ci-contre le Napoléon de Jacques Bainville).
A Sainte-Hélène, Napoléon, persistant et signant, alla jusqu’à dicter à Las Cases (Portrait ci-contre) ce franc éloge de la polygamie : « la femme est donnée à l’homme pour qu’elle fasse des enfants. Or une femme unique ne pourrait suffire à l’homme pour cet objet ; elle ne peut être sa femme quand elle est grosse, elle ne peut être sa femme quand elle nourrit, etc, etc . L’homme, que la nature n’arrête ni par l’âge, ni par aucun de ces inconvénients, doit donc avoir plusieurs femmes, etc . » (sic)
Hymne à la féminité traditionnelle
Et comme pour aggraver son cas devant la postérité, en tout cas devant nos présents usages sociétaux, Napoléon conclut ultra-virilement cette conversation explosive avec son mémorialiste par ces mots : « la femme est notre propriété, nous ne sommes pas la sienne ». (À gauche, avec Marie Walewska) Et il ajoute galamment à sa manière méditerranéenne : « vos propriétés, mesdames, sont la beauté, les grâces, la séduction ». ■ PÉRONCEL-HUGOZ
Bibliographie
Emmanuel de Las Cases. Le Mémorial de Sainte-Hélène. Gallimard. La Pléiade. 1956.
Jacques Bainville de l’Académie française. Napoléon (1931) réédité chez Balland en 1995 par Péroncel-Hugoz ; également chez le même éditeur, sous la même direction, en 1997, Bonaparte en Egypte.
Longtemps correspondant du Monde dans l’aire arabe, Péroncel-Hugoz a publié plusieurs essais sur l’Islam ; il a travaillé pour l’édition et la presse francophones au Royaume chérifien. Les lecteurs de JSF ont pu lire de nombreux extraits inédits de son Journal du Maroc et ailleurs. De nombreuses autres contributions, toujours passionnantes, dans JSF.
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