Par Elisabeth Lévy.
Cet article – brillant, comme, en général, ceux d’Elisabeth Lévy – est paru dans Causeur hier 12 juin. Il n’y a rien à y ajouter sauf : « Comme c’est juste ! ». De Gaulle a-t-il cru que Ve République abolirait vraiment le « système des partis » ? Nous y sommes ! Et même le Chef de l’État (?) n’est qu’un chef de faction, de clan, de bande, de gang… Tous ces mots ont cours et ont leur part de justification.
La gauche s’unit malgré ses désaccords abyssaux. Il semble que pour Olivier Faure et tous les autres, l’antisémitisme soit un point de détail. Et la droite, en dépit de ses accords, est incapable de se rassembler. Les chapeaux à plume LR roulent des biscotos, mais se soucient plus de ce qu’on dit sur France Inter que des attentes de leurs électeurs et de l’avenir du pays. « La droite la plus bête du monde », s’agace Elisabeth Lévy.
Le regard libre d’Elisabeth Lévy
Visiblement, je n’ai pas été entendue : le cordon sanitaire existe toujours ! Nous avons vécu hier une journée de dupes. La gauche se rassemble malgré ses divergences abyssales. Et la droite se désunit malgré ses convergences évidentes.
Depuis le 7 octobre, on sait que l’antisémitisme (marqueur historique de l’extrême droite) ou la complaisance avec l’antisémitisme voire le terrorisme n’est plus au Rassemblement national mais chez LFI – du moins, chez certains LFI. Mais comme l’a dit hier un auditeur de Sud Radio, pour Olivier Faure, Carole Delga et les autres, c’est un point de détail ! Même Jérôme Guedj se tait prudemment. Soutiendra-t-il demain David Guiraud ou Danielle Obono ?
D’après Le Monde[1], dans les réunions de crise de la gauche, les objections de Raphaël Glucksmann ont été balayées comme des postures morales. Et la morale, c’est bon pour les autres…
Antifascisme de carnaval
Le pire, c’est qu’ils remportent la mise. Les partis de gauche parviennent à mobiliser les plus nigauds de leurs électeurs, heureux de retrouver leurs vieux réflexes anti-RN. Les lycéens braillards se prennent pour Jean Moulin. Des milliers de manifestants prétendent sauver la démocratie en saccageant, en arrachant un drapeau français à Nantes, en cassant, en brulant, et personne ne moufte. Il y a même fort peu d’informations sur ces sujets dans les journaux.
De plus, les stupéfiantes leçons de maintien de la gauche intimident encore une grande partie de la droite. Dès qu’Éric Ciotti a annoncé vouloir conclure un accord avec le RN, les éléments de langage des années 80 ont été ressortis. Comme si nous étions encore du temps de Jean-Marie Le Pen, comme si rien n’avait changé. Accord de la honte, heures les plus sombres… Plus l’usage l’obsessionnel du signifiant « extrême droite », qui ne veut plus rien dire mais effarouche le bourgeois.
Le retour de la bête immonde ? Non: le retour de la droite la plus bête du monde !
Et on a entendu exactement les mêmes choses à droite. On se souvient que le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin trouvait Marine Le Pen trop molle lors d’un débat ; il ose aujourd’hui parler de « Munich ». Traduction : Jordan Bardella, c’est Hitler. Tout en nuance ! Et les LR cèdent au chantage. Cette droite indécrottable veut être aimée de la gauche et des médias qui délivrent les brevets de respectabilité. Si on peut évidemment être en désaccord avec les propositions du RN, il n’y a en réalité aucun dérapage à reprocher à Marine Le Pen, mais l’étalage de vertu continue malgré tout. « Regardez comme je suis héroïque, puisque je suis anti-RN ». C’est tellement agréable !
Si quelques députés de droite, soucieux de leur réélection et/ou des attentes des électeurs plutôt unionistes, suivent M. Ciotti, tous les chefs à plume, qui, à court terme, ne risquent rien au Sénat ou dans leur région, s’indignent avec fracas. C’est oublier que les électeurs (et beaucoup des leurs, sans aucun doute) ont placé Jordan Bardella en tête. Bref, les caciques LR regardent l’histoire passer. Avec cette logique suicidaire, leur parti finira par mourir et pas dans la dignité.
Bilan de la journée d’hier : le RN ne veut pas de « Reconquête ! ». LR ne veut pas du RN. Alors que la droite souverainiste est pratiquement majoritaire, Emmanuel Macron pourrait gagner son pari. Ou pire, cette gauche qui est, elle, réellement déshonorée, pourrait gagner. Alors, oui, il flotte un parfum des années 80 au-dessus de la politique française. Et nous avons vraiment la droite la plus bête du monde. ■ ÉLISABET LÉVY
[1] https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/06/11/la-gauche-se-met-d-accord-sur-un-nouveau-front-populaire-pour-les-elections-legislatives_6238588_823448.html
Retrouvez Elisabeth Lévy du lundi au jeudi dans la matinale de Sud Radio.
Ce n’est qu’un billet écrit à la hâte, soit.
Je suis néanmoins frappé par le voisinage des deux phrases suivantes
« l’antisémitisme (marqueur historique de l’extrême droite) »
« l’usage l’obsessionnel du signifiant « extrême droite », qui ne veut plus rien dire »
La contradiction manifeste entre ces deux propositions dit beaucoup sur la pauvreté des réflexions en circulation. Clichés, contradictions, à-peu-près y pullulent.
Si nos porte-paroles sont ainsi prisonniers de mots mal choisis, mal définis qu’ils rejettent mais ne peuvent se retenir d’employer, dans une confusion toujours croissante, peut-on attendre autre chose qu’ignorance ou mépris de la part du public ?
C’est un billet d’humeur écrit, en effet, à la hâte.
La restauration du vocabulaire, de la syntaxe, des impératifs de mise en ordre de la pensée et des idées, toute cette reconstruction n’est ni pour aujourd’hui ni pour demain.
Il lui faudra peut-être un demi-siècle en étant optimiste.
De Gaulle avait annoncé vouloir abolir les partis politiques en 1958, je m’en souvient j’étais au Forum du GG d’Alger. Et avant lui Simone Weil, lecture roborative par les temps qui courent.
Madame Lévy a raison, la république est à bout de souffle, mais les dits responsables prétentieux des partis politiques de droite en sont encore à la surprise .
On était bien avec le fada, au point de refuser d’appliquer ce pourquoi on s’est instauré responsable de parti , on refuse de voir le vérité qui sort du peuple. La place était trop bonne, mon Dieu, mais pourquoi ces maudis Français nous font retrousser nos manches et appliquer ce pourquoi on s’est placé au sommet du parti. Le changement, la raison, ce n’est pas l’esprit des sois disant responsables , beaux parleurs, si difficile à comprendre, les commentaires ci avant le prouve.
Demain la gauche au pouvoir, si je ne me trompe, vous enverra avec une mauvaise grammaire faire la guerre en Ukraine. Les usines d’armement patientent et piaffent d’impatience.
Et, la France, dans tout ça: oubliée