Cet article est daté du 10 juin et Jean-Philippe Chauvin annonce une suite que nous ne manquerons pas de reprendre pour les lecteurs de JSF.
Par Jean-Philippe Chauvin.
Les résultats des élections européennes ne sont pas vraiment une surprise, au contraire de la dissolution de l’Assemblée nationale décidée et annoncée au beau milieu d’une soirée électorale jusque-là aussi ennuyeuse que d’habitude : tout d’un coup, l’on basculait de l’évocation et valorisation (pour certains, peu nombreux en fait) d’un bilan à une entrée en campagne, cette fois pour les élections législatives. Par cette décision pour le moins inattendue, M. Macron espère rejouer les lendemains de Mai 68, mais n’est pas de Gaulle qui veut, et il n’est pas certain que le réflexe des électeurs de juin 68, scandalisés ou apeurés par les émeutes et l’apparent triomphe des extrémistes, puisse être le même. Certes, la crainte de l’arrivée du Rassemblement National au pouvoir peut mobiliser nombre de citoyens jusque-là discrets ou absents des dernières consultations électorales, et lui barrer la route de Matignon, et il n’est pas interdit de penser, à trois semaines du premier tour, que c’est le scénario le plus plausible sinon le plus probable. D’autant plus que certains électeurs du RN, plus occasionnels (1) que fidèles, sont eux-mêmes effrayés de cette possibilité d’un Premier ministre issu des rangs de l’ancien Front National, un peu comme ces communistes qui, à l’heure de gloire du PCF, avouaient dans les sondages ne pas souhaiter l’installation d’un régime collectiviste en France (2)…
La période qui s’ouvre n’est pas rassurante, quels que soient les résultats du 30 juin et du 7 juillet : il semble bien que la Cinquième République, minée de l’intérieur par les multiples révisions constitutionnelles et par l’exercice incertain de ses derniers présidents (particulièrement des trois derniers) ainsi que par l’épuisement ou la fin des grands partis qui structuraient l’offre politique et récupéraient les inquiétudes autant qu’ils apprivoisaient les alternances, soit durablement fragilisée et qu’elle ne s’impose plus aussi naturellement dans l’esprit de nos concitoyens, sans qu’ils sachent vraiment par quoi la remplacer ou que cette dernière option leur paraisse, en définitive, peu souhaitable. L’habitude a remplacé l’adhésion…
Nous vivons, sans doute, l’entrée dans une crise de régime sans qu’elle soit forcément l’agonie de celui-ci. C’est, paradoxalement, l’actuel locataire de Mme de Pompadour qui avait saisi en quelques mots (et bien avant de penser même devenir, un jour, le premier magistrat de l’État) la contradiction interne de cette République : « La démocratie comporte toujours une forme d’incomplétude car elle ne se suffit pas à elle-même. Dans la politique française, l’absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort. La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le roi n’est plus là. On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d’y placer d’autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie ne remplit pas l’espace. (3) » La situation présente confirme, fortement, gravement même, le propos.
Ainsi, la campagne électorale qui débute s’annonce violente, sans doute irrationnelle, parce que l’ancien pays légal, dominant depuis des décennies, se retrouve menacé, sur son terrain et dans ses positions, par le nouveau, ou par ceux qui aspirent à l’incarner à leur tour : en fait, les uns comme les autres ne cherchent pas exactement à bouleverser l’ordre des choses, ce « désordre établi » déjà dénoncé par Emmanuel Mounier dans les années 1930, mais à le diriger ou l’orienter (ou, plutôt, le réorienter). Il n’est pas certain que cela soit vraiment satisfaisant, ou simplement suffisant… ■ JEAN-PHILIPPE CHAUVIN (à suivre).
(1) : C’est le fameux « vote protestataire » qui est plus un vote « contre » qu’un vote positif de proposition.
(2) : J’ai le souvenir d’un sondage de la fin des années 1970 dans lequel la proportion d’électeurs communistes désireux d’un État proprement communiste ne dépassait pas la moitié des sondés ! Le vote communiste était plus un « vote de pression » qu’un « vote de révolution » : mais cela leur paraissait suffisant pour améliorer leur situation d’ouvriers ou de fonctionnaires sans avoir besoin de prendre le risque d’un basculement dans une société qui, au-delà du Rideau de fer, montrait ses limites et n’était guère attractive pour des Français bercés par la société de consommation et des loisirs. Le royaliste Pierre Debray résumait cela en évoquant « la victoire de Ford sur Marx », et ce n’était pas faux !
(3) : Entretien avec Emmanuel Macron, publié par Le1, en juillet 2015.
Source
Jean-Philippe CHAUVIN a raison de rappeler ce qu’avait écrit Emmanuel Macron en 2015: « Dans la politique française, l’absent est la figure du Roi… »L’échec du même Macron, qui va possiblement entraîner la chute de la 5ème République, prouve, à ses dépens, qu’il avait raison…en 2015!
Mais quelle force politique démocratique peut proposer le retour du Roi, dans le cadre d’une Constitution démocratique qui confèrerait au Roi une autorité de « service national » de type unique et supérieure au « pouvoir exécutif » exercé par un Premier Ministre issu d’élection législative?
Tant que la « question royale » ne sera pas posée, et positivement enfin résolue, que la « clé de voûte » -le Roi- ne sera pas réintégrée au sommet de l’architecture constitutionnelle, la France ira de soubresauts en chaos dans un monde de plus en plus dangereux. Perspective inquiétante!
Tant que nous n’aurons pas un monarque nous continuerons notre descente aux enfers
Entièrement d’accord avec Jean Philippe CHAUVIN: beaucoup d’électeurs votent pour se défouler mais craignent l’arrivée du parti choisi par colère, dépit, lassitude.
Nous risquons le 8 Juillet au matin de se retrouver avec 3 grands partis: RN, Gauche, Majorité actuelle, et l’impossibilité de former un gouvernement stable, alors à partir de là ….. tout peut devenir possible