Par Pierre Gourinard.
La conception de l’État pour Maurras part des mêmes principes que Charles Benoist : « La famille fonde l’État, puisque, d’une part, la population n’existe que par elle, et que, d’autre part, c’est elle qui distingue la société politique des autres… Je suis membre de l’État français à cause de mon père, de ma mère et de leurs parents. Je puis ratifier ou décliner cette condition. Je ne la crée pas et c’est elle qui me crée ».
Organiser signifie différencier, et là encore Maurras rejoint Charles Benoist ; on n’organise pas la démocratie car l’organiser revient à s’attaquer à l’élection. Or, le mal n’est pas le fait d’une élection, c’est le système électif étendu à tout, c’est la démocratie. Maurras ne s’est jamais dit effrayé par le suffrage universel, puisqu’il préconisait le vote familial, y compris le vote des femmes qui était repoussé par la IIIe République.
Nous connaissons, d’autre part, l’expression de Maurras « le suffrage universel est conservateur », ce qui signifiait dans son esprit que le suffrage universel devait élire une représentation et non pas un gouvernement. L’expression est à double tranchant. En effet, ce suffrage est conservateur de ce qui dispose de la puissance, de ce qui paraît bénéficier du succès, ce qui n’implique pas forcément le Bien commun.
Maurras et Charles Benoist définissaient les institutions politiques en fonction de la patrie et donc, du bien de la nation.
Pour Charles Benoist, la restriction de la souveraineté française par la Société des Nations était préjudiciable au bien de la France. Aujourd’hui, il en est de même, la collaboration et l’adhésion même à l’Europe de la France doit être limitée aux questions où ne sont intéressés ni l’honneur national ni la sécurité nationale.
Pour Maurras, la patrie n’est pas née d’un contrat entre ses enfants, elle n’est pas le fruit d’un pacte consenti entre leurs volontés. Une réaction de fait contre les influences dangereuses de l’étranger, aujourd’hui de l’invasion intérieure, n’est-ce pas ce qui justifie les idées de patrie et de nation.
Les deux idées sont indissociables. Selon Maurras, la nation est la représentation en termes abstraits d’une forte réalité. La nation occupe le sommet de la hiérarchie des idées politiques. La défense du tout s’impose aux parties.
Il faut commencer par affirmer, enseigner, distribuer une doctrine positive qui puisse intéresser ensemble les cerveaux et les cœurs. Il faut définir les deux mots « patriotisme » et « nationalisme » qui, par leur étymologie, comme par le passé, ont des acceptions distinctes. « Patriotisme » s’est toujours dit de la piété envers le sol national et « nationalisme » s’attache à l’héritage moral et spirituel des pères et à la réaction contre tout ce qui s’attaque au tissu de la nation, à tout ce qui la subvertit de l’intérieur, l’invasion de coutumes incompatibles avec notre civilisation à l’heure présente.
Le nationalisme est la sauvegarde due à tous ces trésors qui peuvent être menacés sans qu’aucune armée étrangère n’ait passé la frontière, sans que le territoire soit envahi. Il défend la nation contre l’étranger de l’intérieur.
Par sa formule « Dictateur et Roi », Maurras ne donnait pas au mot « dictateur » le sens que les médias lui attribuent actuellement. Pour lui, l’histoire enseigne que les grandes crises ne se dénouent pas sans dictature. Le dictateur est donc nécessaire, mais est-il suffisant ? L’histoire des grandes dictatures montrait déjà pour Maurras ce qu’il y avait en elles de bon et de mauvais, le service qu’elles rendaient et la pente qui les entraînaient. Il était donc nécessaire de trouver à la dictature des contrepoids dans l’ordre de la liberté publique.
La seule forme rationnelle et sensée de l’autorité d’un seul est celle qui repose dans une famille. Comme il arrive pour les plus grandes choses, l’institution est de beaucoup supérieureaux hommes.
Sa valeur principale est d’utiliser complètement le passé au profit du présent et néanmoins de n’y pas sacrifier l’avenir. ■ PIERRE GOURINARD
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