« …la révolution qui vous régénère a développé en vous de grandes vertus ; mais craignez, qu’elle n’ait affaibli dans vos âmes le sentiment de l’humanité, sans lequel il ne peut y en avoir que de fausses !… »
1793 : Romain De Sèze, défenseur de Louis XVI devant la Convention, vient -peut-être le premier, en tous cas l’un des tous premiers…- de pointer, devant les Hommes et pour l’Histoire, le défaut de la cuirasse des « bourreaux barbouilleurs de lois », comme les appelait un autre de ceux qu »ils ont guillotiné, André Chénier : à savoir, l’absence totale d’humanité chez ces gens qui se proclament vertueux et régénérateurs.
Après eux viendront les Staline, les Hitler, les Pol Pot, les Mao…: tous aussi ardents régénérateurs, et tous aussi prétendument purs, que leur pureté soit celle de la race aryenne ou celle de la classe ouvrière. Or, sans l’humanité, les grandes vertus dont on se prévaut ne sauraient être que fausses. De Sèze a réalisé, là, une magistrale analyse pour l’éternité. Et il a eu le courage de la prononcer devant « eux », de se rire d’ « eux » au milieu d’ « eux » !…
Pardon, pardon d’être encore le mauvais élève, mais je vais à nouveau sévir dans vos colonnes. « Sans humanité, les idéologues et les purs deviennent des totalitaires », titrez-vous. Malheureusement, c’est précisément à cause de leur humanité qu’ils le sont devenus. C’est la définition de l’homme qui est à l’origine du totalitarisme. Tout humanisme y aboutit selon Bédarida. Pourquoi? mais tout simplement parce que la conceptualisation de l’humain amène irrésistiblement à retrancher tout ce qui sort de cette définition: les vendéens ne sont pas de hommes, mais des vermines pour les jacobins. Les indiens ne sont pas (vraiment) des hommes pour les théologiens de l’école de Salamanque. Et combien d’exemples actuels de cette attitude! Transformer l’homme en une entité unique conduit immanquablement à la refuser à ceux qui ne se conforment pas à l’idée que l’on s’en fait.