Au moment où les relations franco-marocaines et France-Maghreb sont en pleine actualité, JSF reprend ce jeudi et les deux jours qui viennent de larges extraits de l’entretien cité en titre, donné par notre confrère Péroncel-Hugoz à Valeurs Actuelles. Aussi à titre d’illustration de ce qui fut « une autre colonisation » … (À suivre)
PAR PÉRONCEL-HUGOZ.
Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, ancien grand reporter au « Monde », est l’auteur d’une dizaine d’essais sur l’islam et les pays du Sud, dont « Lettres marocaines et autres écrits du maréchal Hubert Lyautey », consacré à ce grand officier colonial (1854-1934), premier résident général du protectorat français au Maroc. Entretien.
Propos recueillis par Sabine Dusch.
« La grande idée de Lyautey était de réparer et consolider les vieilles institutions plutôt que de les abattre. »
Qu’est-ce que Lyautey a apporté au Maroc ?
Paix, stabilité et une certaine prospérité. Laissons un écrivain marocain de gauche, de la génération de l’indépendance, feu Mohamed Khair-Eddine, répondre dans son essai testament Il était une fois un vieux couple heureux (2007) :
« Le désordre cessa avec l’arrivée des Français. Après tout, la France nous a apporté la tranquillité. Une paix sublime. Il serait idiot de ne pas reconnaître ses bienfaits, qui sont nombreux. Avant elle, il n’y avait aucune route dans le pays, aucune autorité non plus. Et pas la moindre sécurité. Il y a eu du changement depuis l’arrivée de la France. Ceux qui ne s’en rendent pas compte, ou qui ne veulent pas l’admettre, se leurrent! » (À gauche, Mohamed Khair-Eddine)
Que reste-t-il de Lyautey aujourd’hui ?
Des barrages, des routes, des villes, des ports, des hôtels (dont la fameuse Mamounia de Marrakech – photo à droite), une agriculture resplendissante, les phosphates du sous-sol judicieusement exploités et augmentés de ceux de l’ex-Sahara espagnol, récupéré par Hassan II grâce à Juan Carlos d’Espagne à la mort de Franco, en 1975. (Photo ci-dessous)
Cette politique d’équipement, lancée par Lyautey, a été méthodiquement et jusqu’à présent poursuivie par les souverains de l’indépendance. Mais là aussi, l’autodénigrement français a semé son venin. Le penseur Emmanuel Berl a donc pu écrire : « Les Romains étaient fiers d’avoir détruit Carthage. Nous avons honte d’avoir fondé Casablanca ! »
Sagement, Mohamed V, Hassan Il et Mohamed VI (Photos ci-contre) ont continué la « méthode Lyautey », consistant à s’appuyer en priorité sur la moyenne bourgeoisie campagnarde, économe, pieuse et royaliste. Le Fellah, soutien du Trône, tel est le titre, qui dit tout, d’un essai capital de feu l’orientaliste français Rémy Leveau. Lyautey connaissait bien cette sociologie et notamment le rôle rural et urbain des confréries mahométanes, soutenant une dynastie remontant à Louis XIV et une royauté musulmane issue du prophète même de l’Islam. Dès lors, l’islamisme politique, type Frères musulmans, qui existe au Maroc comme dans tout l’islam, a pu gouverner sans drame à Rabat durant dix ans, sous Mohamed VI. L’ombre de Lyautey s’estompe niais demeure. ■ (À suivre)
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