Par Gabrielle Cluzel.
Cet article paru hier 27 septembre dans Boulevard Voltaire restitue tout simplement ce que ressentent les Français en de telles tragiques circonstances qui n’ont en outre plus rien d’exceptionnel. Leur accumulation, couplée à celle, si évidente, des défaillances de l’État finit par créer une atmosphère de lourde colère qui peu à peu prend le pas sur la tristesse et sur la peine. Sur quoi débouchera-telle ? L’Histoire nous apprend qu’il arrive un moment où le sentiment de « Ça suffit ! » jette un pays dans la révolte, l’aventure, le rejet d’un Pouvoir perçu comme incapable, coupable, failli ou traitre à son Pays. C’est évidemment le cas des pouvoirs aujourd’hui en place. Demain, peut-être déboulonnés comme les statues qu’ils ont laissé démonter un peu partout en haine de l’Histoire.
Philippine, elle, ne voulait pas le droit à l’avortement mais le droit à la procréation.
« Normalement, j’aurais dû lire ce mot pour ton mariage » : c’est par cette phrase que Loïc de Carlan s’est adressé à sa fille, lors de la messe de ses obsèques à la cathédrale Saint-Louis de Versailles. Une phrase terrible qui résume tout.
Normalement, ce n’est pas lui qui aurait dû se tenir à côté du catafalque. Ce sont les enfants qui enterrent leurs parents, et non l’inverse.
Normalement, en effet, il aurait dû l’accompagner à l’autel dans sa robe blanche. Et non dans son cercueil.
Fonder une famille
Philippine « souhaitait fonder une famille », peut-on lire dans les remerciements, à la fin du livret de messe, à côté de « nous avons le cœur transpercé ». Normalement, c’est Philippine elle-même qui aurait dû conclure un autre livret de messe, d’autres remerciements, dans lesquels elle aurait inclus ses parents, ses frères et sœurs, ses témoins, les enfants de son cortège et tous les invités. Elle aurait mis tout en bas, comme cela se fait, sa nouvelle adresse, celle de son nouveau foyer. Philippine restera à jamais une jeune fille en fleurs. Normalement, après les fleurs viennent les fruits. La « marraine adorée » – ce sont aussi les mots du livret – d’un neveu ou d’un petit cousin ne fondera pas la famille dont elle rêvait.
Normalement, après Anne-Lorraine, Laura, Mauranne, Lola et tant d’autres… les féministes auraient dû crier « plus jamais ça » et forcer nos députés à se réunir pour changer ces fameuses lois que l’on dit être seules responsables et que le juge, dit-on encore, bien qu’ayant constaté la dangerosité de l’individu, a bien été forcé de respecter. Les féministes l’ont bien fait pour la constitutionnalisation de l’IVG. Mais Philippine, elle, ne voulait pas le droit à l’avortement mais le droit à la procréation.
Normalement, un syndicat de magistrats ne cloue pas deux pères de victimes de viol sur un « mur des cons » et ne vole pas au secours du bourreau en accusant de « xénophobie » ceux qui pointent du doigt son statut d’OQTF.
Normalement, des étudiants d’extrême gauche n’arrachent pas des affiches à l’effigie d’une autre étudiante assassinée, sans le moindre début du commencement d’un peu d’empathie, comme pour la punir du profil de son bourreau, qu’elle n’a pourtant pas choisi.
Normalement, le Président d’un État failli – dont la volubilité, depuis sept ans, est inversement proportionnelle aux résultats – n’exhorte pas soudain son nouveau gouvernement à « faire, faire, faire et moins dire », comme s’il se riait des Français.
Normalement, le monde politique ne devrait pas compter sur la bonne éducation, le sens de l’oblation et du pardon de ce petit monde catholique qu’elle conspue le reste du temps, pour négliger, piétiner l’indignation légitime de cette partie de population.
Don de soi et service
Cette famille nombreuse ne demandait rien à personne. Eu égard à leur âge, ces parents ont dû prendre de plein fouet la politique anti-famille de François Hollande. Ils ont pourtant eu six enfants qu’ils ont choisi, au prix de sacrifices financiers, de mettre dans le privé. Ils se sont employés à leur donner une situation – les études à Dauphine de Philippine le montrent – leur permettant de ne pas vivre de la charité publique et même, au contraire, de participer à l’effort social en cotisant pour les retraites de tous. En sus de tout cela, ils les ont incités, via un engagement scout, au don de soi et au service.
Normalement, ces familles devraient être choyées, protégées car identifiées comme l’avenir du pays.
Mais rien n’est plus « normal », désormais, en France. Et des jeunes filles sont enterrées dans l’église où elles devaient se marier. Sur les marches de la cathédrale, de grandes couronnes de fleurs, tellement belles qu’elles semblent fausses, ceintes du drapeau tricolore, ont été envoyées, via Interflora, par quelque chef de cabinet d’élu pressé. Elles voisinaient, ce vendredi, avec de petits bouquets anonymes, un peu piétinés par la foule. On nous permettra de préférer, par leur sincérité, les deuxièmes aux premières. Normalement, les élus ne sont pas là pour présenter leurs condoléances mais pour agir. ■ GABRIELLE CLUZEL
Que ces lignes sont émouvantes et traduisent si bien ce qu’un grand nombre de Français ressentent.
Bravo Madame Cluzel pour votre éditorial, émouvant, pertinent dans ses conséquences politiques donc humaines
RZ
Remarquable ! Mais il y a longtemps qu’on sait que l’est Gabrielle Cluzel.