Par Patrice Gueniffey.
Voici le cri de colère dont nous avons annoncé hier la publication pour aujourd’hui dans JSF. Indépendamment de l’argumentation historique, ce cri illustre la volonté de nombreux intellectuels français de ne plus se laisser faire, de ne pas accepter les outrances des minorités ignorantes et haineuses dont l’objectif est la décomposition de l’héritage français, matériel et immatériel. On ne peut qu’approuver. [FigaroVox 27.07]
Les images sont révulsantes. Ces destructions sont d’autant plus odieuses qu’elles témoignent avant tout de l’ignorance crasse des enragés qui militent dans ces groupuscules.
Tout d’abord parce que Joséphine de Beauharnais, issue d’une famille de petits planteurs de la Martinique et devenue l’épouse du futur Empereur, ne fut pour rien dans le rétablissement de l’esclavage aux colonies par Bonaparte en 1802. Il n’était pas homme à recevoir des conseils de sa femme, et s’il rétablit l’esclavage ce fut pour des raisons plus impérieuses : d’abord parce que les Anglais, avec qui il venait de conclure la paix, craignaient que l’abolition française de l’esclavage n’ait des répercussions à la Jamaïque, ensuite parce que la Marine, jadis en charge des colonies, imaginait difficilement la possibilité d’un autre système, enfin parce que Toussaint Louverture lui-même, le leader noir de Saint-Domingue, avait assujetti la population noire de l’île, à peine émancipée, à un régime de travail forcé proche de l’encomienda espagnole. Colons ou leaders noirs, tout le monde se préoccupait avant tout de la reprise de la production sucrière.
Non seulement Joséphine n’est pour rien dans ces événements, mais la Martinique ne fut pas concernée, puisque, passée sous domination anglaise pendant la Révolution, la loi abolissant l’esclavage n’y avait pas été appliquée en 1794 et n’y était donc pas applicable en 1802. Au moment où l’esclavage était rétabli en Guadeloupe et à Saint-Domingue, le statu quo ante demeurait en vigueur dans la Martinique rendue à la France.
L’ignorance de ces crétins est d’autant plus affligeante que pas un ne sait en réalité qui étaient ses propres ancêtres : esclaves ? affranchis ? travailleurs ? contremaîtres? «hommes de couleur libres»? Les statuts étaient variés, la réalité complexe. Que condamnent-ils ? La traite ? La déportation des esclaves africains vers l’Amérique ? Prétendent-ils venger leurs « ancêtres » africains ? Mais ce sont des origines mythiques. L’Afrique n’est pas, n’est plus leur origine. Comme si un Français se réclamait de ses ancêtres celtes en refusant d’admettre qu’il a eu, aussi, des ancêtres ibères, ligures, germains, grecs, scythes, iranophones ou venus du lointain monde des steppes asiatiques !
Ces destructions (Joséphine, Colbert, Jules César ou Victor Schoelcher, même Schoelcher !) témoignent avant tout de la déliquescence de l’État. Sa faiblesse, sa lâcheté aussi, tout autant que les compromissions qui sont les siennes avec une idéologie antifrançaise, repentante, hostile à toute communauté civique et visant à la seule décomposition de la nation au bénéfice de minorités « souffrantes » autoproclamées, donnent une visibilité et une marge d’action à ces petits groupes d’extrémistes.
C’est un mauvais vent qui souffle d’Amérique : la déliquescence de la vie politique américaine depuis 2016 l’a fait lever ; la déliquescence de notre vie politique depuis 2017 lui a permis de traverser l’Atlantique.
Le passé d’un pays, de tout pays, est indivis. Lui appartenir, c’est en accepter l’histoire, toute l’histoire, le positif comme le négatif (notions dont le contenu change avec le temps). On ne trie pas l’histoire d’un pays. Nous en sommes tous le produit, elle nous a faits. On n’a ni à regretter ni à se repentir. Notre histoire est notre histoire, notre bien indivisible, et nul n’est responsable, au demeurant, des « fautes » de ses ancêtres : va-t-on demander à nos concitoyens de confession musulmane de mettre un genou à terre parce que les ancêtres de certains d’entre eux ont été les champions toutes catégories du commerce des esclaves ? Avouez que ce serait absurde. ■
Patrice Gueniffey
Directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, Patrice Gueniffey est historien, spécialiste de Napoléon. Il a publié de nombreux ouvrages salués par la critique, tel La Politique de la Terreur. Essai sur la violence révolutionnaire (Gallimard, coll. Tel, 2003).
Heureusement que nos parents sont morts , eux qui se sont battus en 14 et ont « tenus » en 40 pour garder notre identité et nos libertés. Heureusement qu’ils ne voient pas leur France se déliter et perdre ses valeurs.
Ce que nous voyons actuellement n’est ni plus ni moins que la négation de ce que nous sommes en piétinant notre Histoire.
Honte à nous la génération de lâches qui acceptons qu’on efface notre Histoire,.
C’est aussi le simple promeneur , à la Martinique , qui est ( sera ) atteint , privé d’ une belle statue ornant une place ; mais , qu’est ce que cela ?
je leur supprimerais leurs subventions qu’ils perçoivent de notre poche puisqu’ils veulent supprimer le passé ils n’auront pas le présent (TOUTES LES SUBVENTIONS à hauteur de la réparation bandes de connards…..
Je suis tout à fait d’accord avec cette analyse.
Rappelons également que Mme Taubira lorsqu’elle fut ministre de la justice exigea que pour les appels d’offres des marchés publics en Martinique, les candidats attestaient qu’ils n’étaient pas des békés c’est à dire des descendants des premiers colons européens …
Alex, vous m’obligeriez en me donnant les références d’un texte qui serait, si ce n’est pas là une fake news, parfaitement inconstitutionnel et immédiatement censurable.
Bonjour,
Je n’ai pu encore retrouver le projet d’appel d’offres qui avait suscité à partir des commentaires de Mme Taubira beaucoup d’oppositions.
Je peux vous citer les propositions recueillies dans le cadre de la 2ème consultation numérique des Assises d’outre-mer où il est mentionné pour la Martinique :
156. Pourquoi importer toujours autant de produits de la métropole ?
Pourquoi ne pas avoir plus de partenariat avec nos voisins ?
Supprimer le monopole des békés, ouvrir la concurrence…