Journal de l’année 14 de Jacques Bainville : Les notes sont quasiment quotidiennes jusqu’au 31 décembre. Sauf du 14 au 27 août à cause des contraintes de la guerre. Nous conseillons vivement de les lire au jour le jour, comme elles furent écrites. Sachons que notre situation française et européenne d’aujourd’hui découle largement des grands événements relatés ici !
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Suite des réflexions précédentes.
Après 1870, une image de Daumier, qui eut un immense succès, représentait un paysan devant sa chaumière en ruine avec cette légende : « C’était pourtant pas pour ça que j’avions voté oui ! » (À droite, Daumier, buste en bronze à Marseille)
Aujourd’hui ce sont toutes nos provinces envahies qui peuvent redire le mot de Daumier. Seulement ce que l’ennemi détruit c’est, avant les maisons, l’usine, avant les foyers, ce qui fait vivre les familles. A Reims, dans le bassin de Briey, dans le Nord, destruction systématique des mines, hauts fourneaux, tissages, manufactures. C’est la guerre de concurrence industrielle, la guerre de boutique dans toute son horreur. Lille, Roubaix, Tourcoing sont vouées à la destruction et, sur nos charbonnages, la rage des Allemands s’acharne.
Il n’est pas douteux qu’ils obéissent à un mot d’ordre d’ailleurs admirablement compris et exécuté avec l’intelligence que la passion donne aux brutes. A Saint-S…, dans l’usine de mes amis d’H…, les Allemands remarquent comme un certain air de leur pays : on y emploie en effet des soies de porc dont l’unique marché est à Leipzig. Alors ils se concertent (des témoins l’ont rapporté) et décident de respecter les machines parce qu’on pourrait nuire à l’Allemagne en nuisant à cette entreprise-là. Certainement, c’est un programme ! ■ JACQUES BAINVILLE
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