Que la presse occidentale, notamment française, mente sur tous les sujets, soit par idéologie, soit par ignorance crasse, aujourd’hui très générale, cela est désormais connu, acté, méprisé. Ainsi, la visite du roi Felipe VI d’Espagne à Valence après la terrible catastrophe subie par la région valencienne, a été aussitôt présentée comme un camouflet pour la monarchie espagnole. On sait aujourd’hui que si ce le fut pour Pedro Sanchez, président du Gouvernement de Madrid et pour le président de la Communauté valencienne, ce fut tout le contraire pour le roi. Ce que Le Point expose ici.
De notre correspondant en Espagne, François Musseau.
Le roi d’Espagne s’est rendu sur le littoral valencien où l’on déplore au moins 215 victimes après les inondations. Son empathie et son calme face à la colère des habitants lui ont conféré une nouvelle stature.
La Couronne espagnole en tremble encore. Deux jours après les altercations impliquant le couple royal dans l’épicentre du désastre de la « goutte froide » qui a ravagé le littoral valencien – et fait au moins 215 victimes –, on n’ose imaginer s’il était arrivé quelque chose de grave à Felipe VI, le chef de l’État, et à son épouse, la reine Letizia. Une certitude se dégage, avec la distance : à la « Zarzuela », le palais situé au nord-ouest de Madrid où réside le couple royal, on affirme que des groupuscules d’extrême droite s’étaient infiltrés sur le passage du monarque et avaient mis en péril son intégrité physique. La Maison Royale a laissé entendre qu’elle apportera tous les documents graphiques nécessaires pour en faire la preuve, dans le cadre d’un procès qui sera instruit par un tribunal de Torrent, commune valencienne proche de là où ont eu lieu les faits.
Dimanche 3 novembre, soucieux de se montrer proche des Espagnols qui souffrent des pires inondations de ce dernier demi-siècle dans le pays, le roi Felipe VI décide de se rendre au cœur du drame, à Paiporta, une commune d’environ 30 000 habitants proche de Valence où on déplore au moins 70 morts, des dizaines de disparus, et des dommages matériels incalculables : rien n’a résisté sur le passage d’un déluge d’eau qui s’était formé en amont, à la faveur d’une Dana (une dépression isolée à un niveau élevé) causant des déversements inédits de 500 à 600 litres par mètre carré. La visite du roi, accompagné du président régional et du chef du gouvernement socialiste Pedro Sanchez, a très mal tourné : un tumulte de colère, des insultes, des menaces physiques. Du jamais vu.
L’empathie du roi Felipe
On aurait pu imaginer que le chef d’État en prenne ombrage publiquement. Or, non, il a réagi plus tard avec tranquillité et empathie : « Il faut comprendre la colère et la frustration de nombreuses personnes qui ont passé de très mauvais moments, c’est pour eux une difficulté de comprendre comment fonctionnent les mécanismes […] de secours. » Depuis le fatidique mardi 29 octobre, les habitants de Paiporta – et d’ailleurs – ont en effet eu à peine le temps de pleurer leurs morts. Avec l’aide de centaines de volontaires venus de toute la région, ils cherchent les corps des disparus, déblayent comme ils le peuvent les garages écroulés et les rez-de-chaussée défoncés, s’entraident pour prêter main-forte à ceux qui ne disposent plus de toit, d’électricité ou d’eau courante.
Malgré le concert d’insultes et de réprimandes (« assassins », « fils de p… » « vous saviez tout et vous n’avez rien fait »), malgré les jets de boue, de bâtons et de pierres, Felipe VI ne s’est pas dégonflé. Au lieu de se réfugier dans son véhicule de fonction où le poussait sa garde rapprochée, il s’est approché des contestataires, a tenté de les calmer, a parlé avec certains, a pris dans ses bras quelques autres. Son épouse Letizia, une ancienne journaliste sans pedigree, en larmes, a elle aussi écouté, réconforté.
Pilar Eyre, l’une des meilleures expertes de la monarchie espagnole, n’en revient toujours pas : « Je n’ai jamais vu le roi, ni son père, Juan Carlos, ni aucun roi européen oser du corps à corps avec des gens indignés, au milieu des bâtons, des imprécations, des cris. » Et d’ajouter : « À un certain moment, les policiers ne contrôlaient plus les contestataires, les cordons de sécurité se défaisaient, les membres de la garde royale étaient dépassés. Ce fut une situation tout à fait inédite. »
Les médias en admiration à l’égard du roi Felipe
La plupart des médias, en particulier les titres conservateurs, ont tiré leur chapeau. « Felipe VI a non seulement montré du courage, et compris que le peuple en souffrance avait besoin de sa présence et de sa protection symbolique, au moment même où toutes les administrations sont montrées du doigt », commente le quotidien en ligne El Español.À droite, on distingue clairement, d’une part, le monarque et, de l’autre, le chef du gouvernement, Pedro Sanchez, hué lui aussi, et évacué après avoir été l’objet d’une agression : beaucoup lui reprochent d’avoir trop attendu pour envoyer une dizaine de milliers d’effectifs militaires et policiers pour les opérations de secours.
« Les gens se sentent floués par les pouvoirs politiques, commente l’analyste Enric Sierra, car ils ont été prévenus trop tard du péril mortel, le mardi soir, alors que, dès le matin, les météorologues de l’Aemet, l’agence nationale, étaient très conscients du danger que signifiait sortir de chez soi. »
D’où l’importance du roi, l’arbitre au-dessus de la mêlée, qui a été à la rencontre des gens affectés pour restaurer la confiance en la nation. Aux yeux de Pilar Eyre, « Felipe VI en est sorti grandi. Il a eu son 23 F, à mon avis, son sceau dans l’Histoire depuis l’abdication de son père en sa faveur en juin 2014 ». Le « 23 F », autrement dit « le 23 février 1981 », correspond au jour célèbre où Juan Carlos joua un rôle décisif dans l’avortement de coup d’État du lieutenant-colonel Tejero et le renforcement de la démocratie espagnole. L’Histoire dira si, ce dimanche 3 novembre 2024, le roi Felipe VI a gagné une pleine légitimité.
Il a joué pleinement son rôle de roi et les espagnols s’en sont aperçu. Le père de la Nation , voila sa légitimité
Chapeau bas pour le roi Felipe VI. Voici de quoi nous sommes orphelins