Pourquoi la complaisance des agences de notation face à l’actuelle situation de la France ? Les épargnants sont-ils concernés ? Question posée !
Par François Schwerer.
Début octobre, après une longue attente, le tout nouveau Premier ministre a enfin présenté aux Français un projet de budget, bouclé dans l’urgence, que les Parlementaires ont eu à peine quinze jours pour le décortiquer avant de commencer à le discuter.
« … les dépenses sont toujours actées, les recettes ne sont qu’espérées. »
Qu’en restera-t-il après les débats houleux qui viennent de commencer ? Nul ne le sait. Mais, dès maintenant, une lecture même rapide de ce projet qui inquiète fortement l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), peut donner lieu à de nombreuses méditations sur l’orientation que le Gouvernement entend donner au pays.
Un budget en trompe-l’œil
Il n’est pas question d’entrer ici dans le débat suscité par ceux qui prétendent que les chiffres publics annoncés depuis plusieurs années sont mensongers ; laissons cela à la commission d’enquête de l’Assemblée nationale qui devra se prononcer sur la question de savoir si les chiffres avaient été sciemment trafiqués pour tromper les Français ou s’ils ne trahissaient qu’une incompétence crasse des individus chargés de les suivre. Nous ne pouvons que constater la différence abyssale (environ 50 milliards d’euros) entre les chiffres officiellement publiés avant les élections et ceux annoncés après. Ce qui intéresse d’abord les Français est de savoir si leurs impôts vont ou non augmenter et si leur pouvoir d’achat pourra être maintenu.
Le Gouvernement a promis que les impôts directs ne seraient pas augmentés et que pour cela il avait prévu de relever le plafond de toutes les tranches pour tenir compte de l’inflation. Hélas, le dernier taux d’inflation calculé par l’Insee montre que les prix n’ont que très légèrement augmenté au cours des douze derniers mois ; bien loin de l’inflation « ressentie » par les particuliers ! Pour arriver à redresser la barre sans pour autant présenter un budget d’austérité, le Premier ministre a annoncé un effort de 40 milliards d’économie et de 20 milliards d’impôts supplémentaires. Or ces 60 milliards globaux ne sont pas calculés par rapport au budget précédent mais par rapport à un budget théorique qui résulte des souhaits électoralistes des dirigeants. L’effort sera donc en réalité beaucoup plus faible et ne permettra pas de présenter un budget en équilibre ; la dette devant encore augmenter en 2025 de plus de 140 milliards. Et elle doit continuer à augmenter au cours des années à venir, même si le gouvernement promet que ce sera à un rythme un peu moins élevé.
Si on y regarde d’un peu plus près, on constate que, parmi les économies annoncées, 5 milliards ne sont pas identifiés et devront être « formulés par amendement ». Par ailleurs 6 milliards correspondent non à des économies mais à des transferts de charge ; ainsi les collectivités locales déjà lourdement endettées devront désormais les financer à la place de l’État – c’est pourquoi nombreuses sont celles qui réclament le rétablissement de la taxe d’habitation. Pour faire passer cette amère pilule, le Premier ministre a pris l’engagement de ne pas peser sur les classes moyennes. Mais les retraites seront gelées pendant six mois, au mépris des engagements législatifs antérieurs. Dans la même veine, il est annoncé une contribution exceptionnelle et temporaire sur les très grosses entreprises, celles qui réalisent plus d’un milliard de chiffre d’affaires. Mais les très grosses entreprises industrielles ou de services réalisent surtout ces résultats à l’international et ne seront que faiblement touchées. Par contre les entreprises de la grande distribution qui, elles, ne sont pas délocalisables, vont être les plus impactées. Or ces entreprises travaillent à très faible marge et seront donc conduites à augmenter les prix des produits en rayon ou à diminuer encore le petit nombre de personnel qu’elles emploient. La sécurité sociale sera moins généreuse, la taxe sur l’énergie sera alourdie, etc. Inutile de poursuivre : si les « classes moyennes » ne verront pas leurs impôts augmenter autrement que marginalement – et rappelons que la France est déjà la championne des prélèvements obligatoires –, elles seront amenées à faire face à des dépenses plus onéreuses.
Le budget d’une ONG
Un deuxième point mérite d’être soulevé. Ce budget, tel qu’il est présenté, n’est pas le budget d’un État mais celui d’une ONG. En effet, le rôle premier de l’État est d’assure la sécurité interne et externe des citoyens. Il en résulte que les quatre grands ministères aux missions régaliennes devraient voir leur budget augmenter en fonction des menaces du moment. Les quatre grands ministères concernés sont ceux de l’Intérieur, de la Justice, des Affaires étrangères et de la Défense. Or, les Français constatent chaque jour à leurs dépens que leur sécurité est bien précaire ; ils étaient donc en droit d’attendre que ces quatre ministères soient moins pénalisés que les autres par l’état de faillite du pays. Or, ce n’est pas le cas, comme le montrent les quelques exemples suivants.
Le budget des Armées est annoncé comme étant conservé conformément à l’actuelle Loi de programmation militaire, déjà jugée comme à peine suffisante. En fait, il n’en est rien. Cette loi qui était censée définir pour plusieurs années le cadre dans lequel notre système de défense pourrait évoluer prévoyait, par exemple, que ne lui serait pas imputé le coût des équipements militaires envoyés en Ukraine. Le projet de budget laisse entendre que cela pourrait être revu. Le budget de l’Intérieur, quant à lui, devrait supporter une nouvelle dépense : la construction de 3000 places supplémentaires dans les Centres de rétention administrative, ces endroits où l’on parque les « migrants » sous le coup d’une obligation de quitter le territoire (les fameuses OQTF) non exécutée. Ce que l’on semble oublier à ce stade, c’est que, pour encadrer ces personnes « indésirables » en attente de visa consulaire, il va falloir embaucher près de 4 000 policiers supplémentaires. On ne voit pas trace de ces embauches dans les prévisions d’évolution du nombre des fonctionnaires. Il est inutile d’ajouter que le budget de la Justice est présenté amputé de 500 millions par rapport au précédent, car le garde des Sceaux lui-même a menacé de démissionner si cette anomalie n’était pas régularisée.
Si donc le projet de budget maltraite ainsi toutes les fonctions régaliennes, il fait la part belle aux mesures prétendument altruistes. Les aides médicales d’État (AME) qui permettent aux clandestins de se faire soigner gratuitement (recoller les oreilles ou redresser la cloison nasale…) sont augmentées alors même que la loi sur l’immigration, votée par la représentation nationale mais retoquée par le Conseil constitutionnel pour des raisons de forme, prévoyait sa suppression. Dans le même temps la Sécurité sociale remboursera moins bien les soins nécessaires aux Français. Le pays va donc continuer à se montrer généreux envers ceux à qui il ne doit rien et qui ne participent pas à l’effort national tout en imposant des charges supplémentaires importantes à ceux dont il a la responsabilité mais qui n’auront pas le droit à la même sollicitude. Parmi les économies envisagées, on ne voit pas que le Gouvernement ait prévu de demander un effort aux diverses associations qui se font les championnes des intérêts étrangers, ni de revoir à la baisse les subventions accordées aux pays moins développés comme l’Algérie ou la Chine. La France n’est plus le pays de l’égalité mais celui de la prise en charge de « la misère du monde ».
Quelles solutions pour demain ?
Avant même l’ouverture des débats parlementaires, les propositions ont fusé pour donner une autre orientation à la politique gouvernementale. Ainsi, le premier secrétaire du Parti socialiste, dans la droite ligne des orientations données par la France insoumise, a proposé de rétablir l’impôt sur les grandes fortunes, omettant de dire que si les fortunes financières sont facilement et discrètement délocalisables, les biens immobiliers, déjà fortement taxés, supporteront la charge première de ce nouvel alourdissement. Le très officiel Conseil des prélèvements obligatoires a, quant à lui, désigné sans vergogne les retraités comme devant devenir les boucs émissaires de la faillite nationale. Il a donc proposé de supprimer l’abattement de 10 % sur leur pension, dont ils bénéficient au même titre que les salariés. On pourrait discuter de l’opportunité de cette mesure, mais ce qui est remarquable, c’est la motivation de cet organisme qui dépend de la Cour des Comptes : il s’agit de supprimer tous les « traitements fiscaux préférentiels » car ils créent des inégalités dans la population. En fait le seul moyen de mettre fin à ces inégalités est que tout le monde touche exactement la même somme qu’il travaille ou non. Tant que l’on ne sera pas arrivé à un pays où tous les individus seront des clones parfaits les uns des autres, vivant dans un système communiste total, il y aura toujours des « inégalités » ; mais à ce moment-là, il faudra supprimer le mot liberté de notre devise nationale. Plus raisonnablement, le même Conseil des prélèvements obligatoires a proposé de rétablir une politique favorable aux familles pour relancer une natalité en forte baisse… sans pour autant, bien entendu, remettre en cause la liberté absolue d’avorter. De son côté le Rassemblement National a proposé de réduire la dotation de la France à l’Union européenne, de baisser les dépenses de l’État sur les énergies intermittentes et de sacrifier les organismes publics inutiles comme France Compétence ! D’autres propositions ont été mises sur la table par de nombreux commentateurs et hommes politiques depuis la création d’un impôt négatif (sic) jusqu’à la remise en cause du statut des fonctionnaires, spécialement de ceux qui ne travaillent pas au service d’une mission régalienne, depuis l’arrêt du remboursement des frais de « transition de genre » jusqu’à la suppression des recours à des cabinets de conseil fort onéreux… Il est ici inutile d’examiner ces mesures qui n’ont aucune chance d’être retenues au cours de l’actuelle législature, pas même celle de Sarah Knafo selon qui il faudrait « dépenser moins, pour taxer moins et gagner plus »… et surtout travailler plus pour envisager d’améliorer véritablement le pouvoir d’achat des Français.
La France est donc aujourd’hui dans une situation financière très difficile et le projet de budget ne semble pas pouvoir l’en sortir. Pourtant les agences de notation ne semblent pas pressées de dégrader la note de la France… ce qui aurait pour effet de faire exploser la charge des intérêts de la dette, qui constitue déjà le deuxième poste budgétaire de l’État. Pourtant, dans leurs commentaires, on constate qu’elles n’ont pas confiance dans la politique envisagée pour assainir vraiment la situation. Elles semblent ne pas tenir compte du fait que le budget présenté est toujours déséquilibré et qu’il est prévu que cela perdure, sans oublier que si les dépenses sont toujours actées, les recettes ne sont qu’espérées. Pourquoi une telle complaisance ? Faut-il penser que ces agences de notation ont constaté que le montant global de l’épargne individuelle que les Français conservent sur leur compte en banque est encore supérieur au total des dettes publiques contractées par nos gouvernants successifs en mal de réélection et que cette épargne n’est protégée, en vertu des directives européennes, qu’à hauteur de 150 000 euros ? ■ FRANÇOIS SCHWERER
Dernier ouvrage paru…