Nous l’avons déjà dit : Mathieu Bock-Côté n’écrit pas ici dans les colonnes correctes du Figaro – un peu moins correctes aujourd’hui – ni sous le regard suspicieux de l’ARCOM. Il donne au JDNews un article bref et vigoureux, de tonalité réactionnaire, sur la personnalité attachante de Julia de Funès. De quoi plaire et intéresser, nous semble-t-il. JSF
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Il était une fois, il y a longtemps, très longtemps, on allait au travail pour travailler. On espérait bien évidemment le faire dans un environnement agréable, ou du moins, fonctionnel, et pas trop pénible. Mais on ne demandait pas à notre employeur de faire notre bonheur à notre place et de nous traiter comme de petites créatures fragiles, en quête de paroles tendres. Maintenant, on le fait, et les ingénieurs sociaux à l’agressivité molle et souriante qui veulent nous rendre heureux malgré nous ont colonisé l’entreprise.
C’est à ce thème que Julia de Funès consacre son nouveau livre, La vertu dangereuse, aux éditions de L’Observatoire, consacré à ce qu’elle nomme « le piège de la bien-pensance dans l’entreprise ». Au fil de 35 chapitres toniques, piquants et pédagogiques, elle analyse les mécanismes de ce qu’on pourrait appeler la colonisation du capitalisme par le wokisme. Les concepts qui passent aujourd’hui pour aller de soi sont décryptés. Il y a ce qu’ils disent, et il y a ce qu’ils veulent vraiment dire. C’est la leçon d’Orwell : il faut toujours traduire la novlangue. Julia de Funès en propose à sa manière un dictionnaire, qui en fait un petit livre jouissif, en même temps qu’un livre de combat.
De la « lutte contre les discriminations » à la « transversalité » en passant par « l’écriture inclusive », le « développement personnel », « l’empathie », la « pensée positive », « la parité » et bien d’autres termes à la mode, Julia de Funès décortique le nouveau langage managérial. Surtout, elle montre comment l’entreprise est devenue un lieu d’endoctrinement mutilant les vraies vertus sans lesquelles une société libre est impossible. On parle ici de la singularité individuelle, du sens de l’effort, de l’esprit d’innovation, de la capacité à vivre dans un environnement compétitif, souvent abrasif, sans toujours chigner, sans se jeter sur la pharmacopée des gens chimiquement heureux.
À la cafétéria comme aux toilettes…
Il suffit d’ouvrir les yeux pour voir cette bien-pensance à l’œuvre au quotidien. À la cafétéria, évidemment, où rodent les mangeurs écoresponsables, qui rêvent de véganiser votre assiette et de sauver ainsi votre âme. Aux toilettes, aussi, où devant l’urinoir, vous avez de bonnes chances de trouver une affiche vous rappelant l’exigence du consentement dans les relations intimes. Mais allons plus loin : je tiens quant à moi en aversion les organisateurs compulsifs de réunion, en personne ou sur Teams, qui cachent derrière cette aspiration au travail d’équipe leur volonté de contrôler le travail des autres, en plus de dissimuler, bien mal, leur propre inutilité.Je pense ici à un ami québécois qui dirige une grande boite. Un homme brillant, un meneur d’hommes comme on en trouve peu. Auparavant, il dirigeait une plus petite boite. Il n’est certes pas malheureux de cette promotion, mais il me racontait une fois à quel point, dans la nouvelle, il est entouré de bureaucrates zélés du privé et autres casse-noix engagés dans un nombre incalculables de comités d’entreprise, qui lui bouffent avec bienveillance son temps à la manière de piranhas chronophages. J’ai compris un jour son horaire : 90 % de son temps est occupé à empêcher la bureaucratie et les petits chefs qui veulent sa place de défaire ce qu’il fait pendant le 10 % de temps restant.Le livre de Julia de Funès nous rappelle que nous ne sommes vraiment plus au XXe siècle et bien engagé dans le XXIe. J’entends par-là qu’au siècle dernier, l’entreprise était souvent vue comme le domaine de la liberté, qui résistait à la planification collectiviste, à la multiplication des normes qui étouffent l’existence. Aujourd’hui, elle se fait le relai de l’idéologie dominante, administrée à coups de séminaires empathiques et d’autres types de séances de rééducation sur les lieux de travail. Cette douceur glaçante n’a rien à voir avec une vraie bienveillance, et relève surtout d’une extension du contrôle social. On verra dans son excellent livre une théorie critique des emmerdeurs au travail.■ MATHIEU BOCK-CÖTÉ
Un bon directeur peut faire la différence et entraîner derrière lui tous les suiveurs qui abandonneront alors le wokisme; un seul critère les résultats . Les entreprises qui cèdent aux tendances dénoncées sont condamnées à disparaitre, certaines l’ont compris rapidement comme Disney. Par contre dans les administrations et les entreprises publiques non soumises à la loi d’airain du profit, le pire est à craindre et risque de perdurer, sauf si un ministère « Elon Musk » émerge!
Les orchidoclastes ont de beaux jours devant eux, mais pas dans le privé
Parler et écrire pour ne rien dire !
La pensée caoutchouteuse, déversée en chasse d’eau persécute l’ntelligence, répand le mal et la souffrance : Comment prétendre vouloir lutter contre les « discriminations », sans citer ce qu’en a dit Philippe MURAY ……?
Le wokisme est un totalitarisme, bien dans la ligne des projets de la gauche depuis deux siècles : rééduquer pour créer l’homme nouveau. Le jacobinisme tyrannique, le bolchevisme et maintenant ce totalitarisme mou. C’est que pour la gauche l’homme réel ne correspond jamais à l’homme rêvé par son fanatisme idéologique. L’historienne de la révolution française Mona Ozouf a écrit sur le sujet un fort bel ouvrage dont voici la présentation : Le projet révolutionnaire s’est largement identifié à un projet pédagogique, qui déborde de beaucoup les dispositifs scolaires pour s’attacher à une véritable conversion : du sujet au citoyen, de l’homme enchaîné à l’homme libre, du vieil homme à l’homme régénéré.Au cœur de cet ouvrage, on trouvera l’essai consacré à cette entreprise, dont Saint-Just a défini l’ambition (faire des hommes ce qu’on veut qu’ils soient) et Mirabeau le possible délire : Avec des moyens appropriés, on pourrait passionner les hommes pour une organisation sociale entièrement absurde, injuste et cruelle. Le wokisme est une idéologie dangereuse, mais quand on lit ses thuriféraires on comprend vite ce qu’il est, une débâcle de l’intelligence et de la pensée.