Par François d’Orcival.
Cette chronique est parue dans Le Figaro Magazine de la semaine en cours, daté de vendredi 22 novembre. Nous n’y ajouterons rien. Que le génie et la liberté d’une nation tiennent pour beaucoup à la vie de sa langue nous paraît être d’une absolue évidence.
CHRONIQUE – La nouvelle édition du Dictionnaire de l’Académie française est achevée. Elle comporte quelque 60 000 articles, soit 21 000 mots de plus que dans la précédente édition.
« Ce ne sont pas les académiciens qui sont « immortels » mais la langue française. »
En présentant au président de la République, sous la coupole de l’Institut de France, la nouvelle édition du Dictionnaire de l’Académie française, le 13 novembre, et comme il se doit un jeudi, le secrétaire perpétuel de l’Académie, Amin Maalouf, lui rappelle ce que fut l’acte fondateur du cardinal de Richelieu le 29 janvier 1635, lorsqu’il signa ces lignes : « La principale fonction de l’Académie sera de travailler avec tout le soin et toute la diligence possibles à donner des règles certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente, et capable de traiter les arts et les sciences. »
Depuis bientôt quatre siècles, l’Académie aura donc appliqué cette règle à neuf éditions de son dictionnaire : la première parut en 1694, les trois suivantes en 1718, 1740 et 1762 ; il y en eut deux au XIXᵉ, en 1835 et 1878. La huitième édition fut achevée en 1935, l’année du tricentenaire de l’Académie. De cette année-là sera daté le début de la rédaction des quatre fascicules actuels, dont le dernier aura été bouclé peu après la disparition d’Hélène Carrère d’Encausse, à qui a succédé Amin Maalouf.
En préfaçant, en 1986, le premier des volumes de cette neuvième édition, le prédécesseur d’Hélène Carrère d’Encausse, Maurice Druon, précisa que « le texte de 1935 présentait assez peu de nouveauté par rapport à celui de 1878. Bactérie, microbe, accumulateur, aérodrome, égalitarisme et court-circuit avaient fait, avec quelques autres, leur apparition ». Il ajouta que par rapport à cette édition, qui comptait 35 000 mots, la nouvelle allait en comporter 10 000 de plus. Un chiffre qui sera largement dépassé, puisque, dans sa réponse à Amin Maalouf la semaine dernière, le président de la République estime à 60 000 articles le contenu de l’actuel dictionnaire, un « travail titanesque » qui aura inséré quelque 21 000 mots supplémentaires en près de quatre-vingt-dix ans ! Imprimé avec les trois premiers, l’ultime fascicule de cette édition porte en couverture « R – Zzz »… Mais ici, les académiciens se sont amusés : ils n’en sont pas restés au simple Z, même illustré par la phrase « Zorro marquait d’un Z ses adversaires à l’épée », ils ont ajouté un Zzz final, interjection dont ils donnent cette définition : « Onomatopée imitant le bourdonnement d’un insecte ou le bruit produit par la respiration d’un dormeur ».
En postface au volume de l’Académie consacré au bon usage de notre langue, Dire, ne pas dire, Dominique Fernandez, élu en 2007, écrit : « Moquez-vous toujours ; ce ne sont pas les académiciens qui sont « immortels » mais la langue française qu’ils sont chargés de défendre et d’illustrer. » ■