Par Hilaire de Crémiers.
La troisième guerre d’Algérie est commencée. À l’heure où ces lignes s’écrivent, soit le 25 novembre, toujours aucune nouvelle de Boualem Sansal. Il est emprisonné, vraisemblablement à Alger où il a été arrêté à la sortie de l’aéroport le 16 novembre venant de France. Évidemment sans droit, par pur arbitraire d’un gouvernement tyrannique qui ne supporte pas la contradiction. Au mépris du droit français dont il relève, car il a la nationalité française, et qui aurait dû s’exercer naturellement et immédiatement par une intervention diplomatique et juridique au plus haut niveau. Ce qui n’a pas été le cas, bien sûr.
Comme toujours, la République française s’est laissé bafouer par les autorités algériennes, semblant prendre son plaisir à être systématiquement déshonorée. C’est la règle depuis 1962 ! Elle est, de ce point de vue, et pas seulement qu’avec l’Algérie, l’état le plus lâche du monde, le plus disqualifié, le plus flétri, en quelque sorte, par principe et presque par définition, le plus odieusement honni et méprisé de toute la terre, tout en donnant toujours l’impression d’en redemander, avec des hauts fonctionnaires qui s’essayent à qui mieux mieux, par zèle républicain, à dépasser toutes les bornes de la veulerie et de l’abjecte soumission.
Il en est même quelques-uns d’entre eux qui commencent à le dire – courage ! – et qui voudraient sortir leur corps d’état dont ils souhaitaient normalement se flatter, de cette situation d’humiliation permanente qui, à vrai dire, est devenue leur statut depuis De Gaulle jusqu’à Macron, sous l’impératif politique des dirigeants de notre pitoyable République qui ose, de plus, se la jouer grandiose : Giscard, Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande, Macron, tous fourvoyés en politique pour la satisfaction de leur petit orgueil personnel sans aucune vision nationale, sans même aucune fierté ! Sans dessein, à la Suger, à la Sully, à la Richelieu, à la Colbert, à la Maupeou, à la Vergennes. Pour seule règle : moi, moi, moi, qui m’installe à la présidence en trompant tout le monde ! « J’ai gagné, je suis le meilleur ! » Il paraît que c’est le sublime de la politique ! Et ça gouverne la France ! Il n’y a pas à s’étonner du résultat ni des consignes données en conséquence par de tels individus. Un expert anglais qui avait suffisamment d’expérience, affirmait comme un apophtegme qu’il suffisait qu’un représentant français soit présent dans une conférence internationale pour être certain que les intérêts français seraient mal défendus et bradés. Et ça n’empêchait pas de lancer des cocoricos à la Villepin et de brailler la Marseillaise.
Deux siècles et demie d’illusion
Souvent, le ridicule se joint à la turpitude. Ainsi, la Françafrique, ramenée à sa juste mesure, ne fut qu’un immonde trafic, profitable essentiellement aux gangs associés des partis au pouvoir tant en France qu’en Afrique. Il fut facile dès lors de déloger la France de l’Afrique : aujourd’hui c’est fait ! Et le reste du monde était, pour la République française, à la même enseigne de la corruption systématique. Le Liban, tout le Proche-Orient en savent quelque chose, Irak, Syrie, Qatar, Émirats : la grande loi du fric ! Et, ailleurs, jusqu’à la Libye, pareillement !… Heureusement, subsistent des œuvres françaises, la plupart strictement bénévoles, indépendantes de l’État et de ses orientations malsaines. à quand le livre – le vrai – qui retracera la longue liste de ces ignominies qui constituent l’ossature de ce que fut la politique extérieure de la République française sous la Ve République ? Mais tout esprit un peu cultivé sait que c’était déjà vrai sous la IIIe et la IVe. L’effroyable défaite de 1940 n’est pas sortie de rien, ni les errements de la IVe ne sont le fruit du pur hasard. Tout a une cause, et la cause politique est parfaitement repérée. Comme aujourd’hui. Elle est fondamentalement institutionnelle, et les yeux des savants commentateurs ne veulent pas la voir. Trop éblouissant ? Et pour cause, c’est le cas de le dire. Eh oui, chacun laisse entendre… et ça fait tant de temps qu’on laisse entendre… que si c’était lui qui dirigeait la République, la République se porterait mieux. Quel argument ! Ça fait des décennies, plus d’un siècle, presque deux siècles et demie que les Français vivent dans cette illusion, toujours déçue, évidemment !
Logique, donc, toute cette misérable imposture ! Le malheur est qu’il y a des gens pour aimer la France, pour ce qu’elle est historiquement et, pour ainsi dire, spirituellement, en dépit de ses défauts actuels et récurrents. Car la France est aimable en elle-même. Mais la République qui se fait passer pour la France, n’a rien à faire de cet amour de la France. C’est son idéologie qu’elle veut imposer. C’est un terrible malentendu, dont est victime le peuple français et, plus singulièrement, cette partie même de la population française qui, d’origine étrangère, est cependant attachée à la France par-dessus tout. Et qui la voudrait autre qu’elle n’est, aujourd’hui, dans sa misère politicienne, son immoralité constitutionnelle, ennemie d’abord d’elle-même, et sans cesse occupée à se dénigrer, à s’accuser, à se vilipender. Les Français n’en ont-ils pas assez, de ces chefs d’État et de gouvernement qui les dénoncent publiquement et les vouent aux gémonies ? En prenant systématiquement le parti de l’étranger ?
Il ne croit plus dans la France
Comment un Macron pourrait-il défendre un Boualem Sansal ? Cet homme remarquable, écrivain de langue française, réduit à la condition de prisonnier d’État. Sans aucune défense. Pour délit d’opinion non conforme dans une Algérie dont Macron n’a cessé de flatter les dirigeants en condamnant devant eux la France et les Français pour crime contre l’humanité, cette France qui réellement et concrètement a fait l’Algérie, comme l’a dit Sansal, et lui a même donné son nom. Quel langage peut tenir ce garçon sans tenue morale ni intellectuelle, qui se croit grand parce qu’il est parvenu par ses magouilles au sommet de l’État, de nature profondément désinvolte, aussi ignorant que fat, quand les faits viennent le contredire si évidemment et que l’Algérie se venge sur Boualem Sansal du changement de pied inopiné de sa politique extérieure à propos du Sahara occidental.
Voilà Boualem Sansal retenu comme un gage. Et par la faute de ce misérable Macron. Notre imbécile de président est complètement dupé, refait. L’Algérie l’a envoyé dinguer par une note infamante avec une incroyable insolence, alors même que son historien officiel Stora, ce faux homme de science aux ordres de la politique, a essayé de justifier cette arrestation inique ! C’était prévisible d’une manière ou d’une autre et Macron ira jusqu’au bout de l’abjection, sans aucune retenue pour l’honneur de la France et de celui de Boualem Sansal. Ça ne lui coûte rien de faire son malin entre deux vols de jet présidentiel en Amérique du Sud, en Arabie, partout dans le monde où il peut prendre une posture pour exister, pendant que la France elle, très concrètement, vit à la dérive, pratiquement sans gouvernement – quand sautera-t-il ? – livré aux gangs, à l’islamisme, au narcotrafic, sans politique extérieure, sans aucune mesure de défense, ni politique, ni même militaire, en dépit de ce qui se raconte et malgré des envois de missiles en Ukraine, ni économiques, avec des finances à vau l’eau, dans un effarant abandon de toute sa substance agricole, industrielle, commerciale, tout ça, par la faute expresse de ce même président, n’étant que le résultat de sa politique, y compris d’ailleurs le traité du Mercosur. Il ne croit plus dans la France ; il n’y a jamais cru, il suffit de relire ses discours pour le comprendre, et d’ailleurs, son avenir n’est plus là, donc elle ne l’intéresse plus.
Alors, pourquoi se donner du mal pour Boualem Sansal dont il sent bien que les critiques le visent lui aussi ? Son crime d’indépendance intellectuelle, en particulier par rapport à l’islam et à la « doxa » officielle de l’Algérie, s’inscrit dans une droite logique à l’opposé de toute la pensée et de tout le comportement de Macron. Le 19 novembre dernier, l’ambassadeur de France en Algérie, Stéphane Romatet, a fleuri la tombe du chef terroriste du FLN, Larbi Ben M’hidi au nom du chef de l’État français qui, le 1er novembre, pour le 70e anniversaire de la Toussaint Rouge – cette trop fameuse Toussaint qui, entre 70 autres attentats, vit l’horrible meurtre programmé des époux Monnerot, et de nombreux militaires et civils, autant musulmans qu’européens – a reconnu publiquement et sur le site même de l’Élysée – il faut le faire ! – le prétendu assassinat par l’armée française du prétendu héros algérien, en oubliant de préciser que c’étaient les gouvernements républicains de l’époque qui avaient demandé à l’armée ces exécutions. Et c’était trois jours après l’arrestation illégale de Boualem Sansal ! ça aussi, il faut le faire ! Ainsi vont les choses dans l’esprit de Macron qui, paraît-il, s’inquièterait du sort de l’écrivain franco-algérien qu’il a par sa simple attitude livré à la vindicte de ses ennemis.
La France républicaine devient peu à peu la France islamiste
Il y a là une atrocité qui dépasse l’entendement. La troisième guerre d’Algérie est commencée. Par la faute directe du chef de l’état, comme d’ailleurs la première était la conséquence des fautes essentielles de la République. Et perdue par elle. Et la deuxième par la faute du FLN, en Algérie, soutenue par une France totalement esclave des bourreaux de l’Algérie. Et voici celle qui s’en vient. La question qui se pose maintenant, c’est de savoir que faire.
La France républicaine devient peu à peu la France islamiste, ce que prévoyait et dénonçait Boualem Sansal, à la grande fureur de tout l’ensemble islamo-gauchiste français, dont Alger est une des capitales chéries. Les islamistes d’ailleurs, un jour ou l’autre, élimineront les gauchistes, selon une loi de l’histoire bien connue. Et là aussi, Sansal les aura prévenus ! Mais rien n’y fait. Il y aura toujours des Mélenchon et des Panot pour calculer l’apport des voix islamistes dans la stratégie de prise de pouvoir. Et qui peut le politicien de gauche ou de droite ? Surtout s’il prétend jouer l’honnêteté. La démocratie, vous dis-je ! Vraiment, quelle bande de crétins avec leur République de malheur !
Vu la rapidité des évolutions, l’événement ne saurait tarder. Dans les vingt ans ? Trente ans ? Avant ? Houellebecq l’a prévu. Tout devient de plus en plus vraisemblable. Encore quelques coups de tension de l’arc républicain, avec des Attal, des Darmanin, des Faure à la manœuvre et le tour sera joué. Ils seront eux-mêmes dupes de leur propre stratagème. Déjà une notable partie du corps législatif qui, grâce à l’arc républicain, a pu s’emparer d’une bonne partie des places dans l’hémicycle et même du bureau de l’Assemblée – et donc des structures de l’État – s’apprête en cette fin novembre à réclamer le retrait du code pénal du crime ou délit d’apologie du terrorisme. Pourquoi, d’ailleurs, s’indigner d’une telle proposition législative quand tout est fait aussi bien au plan européen qu’au plan national, juridiquement, politiquement, économiquement, financièrement, religieusement même avec la complicité du Vatican, pour ouvrir la plus large voie possible à la légalisation de l’islam – bien plus que de la religion catholique – et, pire, à la légalité de l’islamisme en tant que tel. C’est pratiquement fait.
C’était précisément l’un des combats de Boualem Sansal qui mettait les Français en garde devant leurs propres contradictions, et en vérité face à leur imbécile naïveté, à la lâcheté sans nom de leurs élites et à la trahison continuelle de leurs dirigeants. Il est des moments où il faut savoir parler clair. Tant de discours sur des tribunes officielles ou derrière des micros médiatiques, ne servent à rien quand l’essentiel n’est point assuré. à preuve !
Apprendre à haïr son histoire, à détester son passé
En fait, Boualem Sansal vient de tomber, pour motif de guerre, entre les mains du FLN. Sera-t-il même jugé ? Et tous ceux qui connaissent un peu l’histoire depuis 1962, et même avant depuis 1954, savent ce que cela veut dire. Deux certitudes. La première, que le FLN ne fait jamais de cadeau. Il n’y a que Macron qui, comme un petit crétin de sciences-potard, s’imagine le contraire. Avoir seulement osé remettre en cause la légitimité de cet organisme militant et gouvernemental qui profite de la rente pétrolière et mémorielle, avoir critiqué ses modes de direction depuis qu’il tient – lui et lui seul, dans une succession ininterrompue des mêmes aux mêmes – les rênes du gouvernement, soit depuis la prétendue déclaration d’indépendance de 1962, rend passible de mort. Immédiatement. Après séance de tortures obligées dont on connaît les raffinements. Nos harkis – 80 000 sans doute – qui avaient fait confiance à la France, en ont éprouvé la terrible réalité : leur sort fut épouvantable, la République, selon sa vieille habitude, livrant elle-même, par ses autorités, les victimes à leurs bourreaux. C’est connu et régulier depuis 1792. Et ils ne furent pas les seuls. C’est par milliers, par centaines de milliers, que se comptent les victimes, civiles, femmes, enfants, militaires, abandonnées par leurs chefs au mépris de tout honneur. Mais les Macron et autres Hollande, qui ne pensent qu’à leur misérable petite carrière, s’en moquent éperdument ! Et depuis, en Algérie particulièrement, mais aussi en France, ça n’a pas arrêté, bien que ce ne soit jamais dit. Jusqu’à aujourd’hui. Jusqu’aux moines de Tibhirine dont l’assassinat par des islamistes fut programmé – on le sait – et comme entériné, accepté par les services algériens avec la duplicité silencieuse et complice du Quai d’Orsay, c’est-à-dire de la République française, dans ses plus hautes autorités. Comme d’habitude !
Deuxième certitude : c’est que l’État français ne fera rien. En tout cas, rien qui puisse déranger l’Algérie. S’il y a des démarches, elles ne seront que faux-semblants. Là aussi, comme d’habitude. Certes, il y aura des pétitions, des protestations, même de corps constitués – trente lauréats du Grand Prix de l’Académie française -, car il s’agit d’un écrivain français de grande valeur, fier de sa naturalisation toute récente, si justement méritée, et qu’il venait de fêter, amoureux de sa langue et de sa France, telle qu’en elle-même. Comme malheureusement trop de Français ne le sont plus, apprenant à longueur de journée de leur République, à l’école, dans les médias d’État, à haïr leur histoire, à détester leur passé, à mépriser leur gloire, à l’image de leur président de la République, qui leur sert de chef de l’État, c’est-à-dire de maître à penser républicainement, autrement dit, macronnement, toute son agitation nationale et internationale n’étant que manière pour lui de donner de l’importance à ce qu’il croit être sa haute pensée morale, politique et géostratégique, au point d’être ridicule et de ridiculiser la France en toute occasion. Sa dernière trouvaille est de panthéoniser l’historien Marc Bloch. Pour servir à alimenter sa petite guerre civile à lui. En oubliant de préciser que Les rois thaumaturges et L’étrange défaite de Marc Bloch, entre autres ouvrages, font de leur auteur un vrai historien amoureux de la France, de son passé sacral et royal et fort critique d’un système républicain – absurde et ignoble – qui s’est révélé si néfaste à la France. Mais Macron a-t-il jamais su ce qu’était la France ? Peu lui chaut sa défaite et ses défaites.
Souhaitons quant à nous, et malgré tout, au jour qu’il est ce 26 novembre, à Boualem Sansal de se tirer des griffes du FLN. Ce serait une victoire. Mais le pire est à craindre. Si la troisième guerre mondiale reste encore incertaine en dépit de Macron qui fait tout pour l’activer, la troisième guerre d’Algérie, elle, est commencée. ■ HILAIRE DE CRÉMIERS
Rien à faire de cette pseudo troisième guerre d’Algérie pour les nostalgiques de l’Algérie française. On peut bien se passer de ce pays dont la caste politico-militaire qui a confisqué
pouvoir au peuple algérien depuis 1965 et prospère sur une rente mémorielle.
On pourrait sans doute ignorer l’Algérie, si il n’y avait pas chez nous, je ne sais combien de millions de ses ressortissants. Cela étant l’ignorer est d’une extrême légèreté à mon avis ou bien d’un parti pris, idéologique fautif.
Rien à ajouter à l’article d’Hilaire de Crémiers. je suis atterré par la manière dont on rejette toute mobilisation sérieuse d’ensemble pour Boualem Sansal malgré quelques écrivains courageux, Avons -nous honte, somme nous frappés du syndrome de Stockholm avec Stora? .En 1938 le Pen Club a sauvé des griffes d’un état terroriste Ernst Wiechert, qui a eu au moins la vie sauve le temps de la guerre, et a pu publier ensuite Missa sine Nomine. Pouvons -nous espérer un livre testament de Boualem Sansal?