Par Aristide Ankou.
« Au cœur du féminisme initié par Beauvoir se trouve l’idée que le corps des femmes, et particulièrement sa capacité à porter des enfants, est en contradiction avec leur liberté. »
Vous vous interrogez tous gravement sur la stabilité du futur gouvernement Bayrou ou sur l’état désastreux des finances publiques de la France alors qu’il y a des nouvelles autrement urgentes et intéressantes :
« Dans « Les Femmes au balcon » Noémie Merlant met en avant les pets et c’est un message féministe »
Mais oui, parfaitement.
Et la réalisatrice d’expliquer sur les plateaux de télévision : « Je voulais un peu casser le mystère de Marylin (Monroe) en la libérant par le prout. »
Car, en effet, péter un bon coup lorsqu’on en a envie c’est libérateur, personne ne pourra dire le contraire. Surtout après avoir dégusté une bonne choucroute.
« Longtemps j’ai pété de bonne heure et avec bonheur », comme l’écrivait si justement ce cher Marcel (Prout !)
Noémie Merlant s’était déjà fait connaitre comme une bonne petite soldate du féminisme, mais-là, manifestement, elle cherche à obtenir sa croix de guerre (artistiquement composée de bouts de tampons hygiéniques usagés), et elle devrait rapidement y parvenir, n’en doutons pas.
Noémie n’a sans doute pas inventé l’eau chaude, mais elle a en effet très bien intégré qu’être féministe, de nos jours, signifie mener un combat à mort contre l’érotisme (ou peut-être, devrait-on dire plus précisément, contre l’érotisme hétérosexuel).
L’attirance que les femmes peuvent éprouver pour les hommes, le plaisir qu’elles peuvent prendre à faire l’amour avec eux, l’attachement, la dépendance – et aussi les enfants – qui peuvent en résulter, sont des obstacles majeurs sur la voie de l’émancipation féminine. La chambre à coucher, comme lieu d’innombrables fraternisations avec l’ennemi depuis la nuit des temps, doit être désertée pour que les femmes puissent être enfin réellement libres.
Par conséquent, depuis son apparition, le féminisme contemporain mène une guerre soutenue à la pudeur car, avec un instinct très sûr, les féministes ont compris que la pudeur était la condition de l’érotisme. La honte protectrice dont parle Erwin Straus, celle qui permet l’intimité et l’abandon si nécessaires à l’acte d’amour, doit être impitoyablement déchirée en parlant crûment et ouvertement de tout ce qui se rapporte à la sexualité et aux organes génitaux. En en parlant crûment et ouvertement non pas dans l’intimité – car cela peut être un condiment érotique pour certains – mais sur la place publique, en faisant des nécessités corporelles les plus triviales et les moins ragoûtantes des « enjeux politiques », comme le disent les féministes.
Si vous pensez par devers-vous que parler de tampons, de serviettes usagées, de problèmes d’hygiène intime, ou bien de flatulences et de constipation, est à la fois impudique et particulièrement tue-l’amour, tout comme, par exemple, décrire dans tous ses détails un accouchement difficile, vous avez entièrement raison. C’est le but de la manœuvre. Etouffer l’imaginaire érotique masculin sous des flots de déjections organiques féminines.
Plus largement, les féministes contemporaines se sont fait une spécialité de porter sur la place publique des « sujets » organiques que la plupart des hommes et des femmes normalement constitués ne peuvent manquer de trouver légèrement gênants, ou en tout cas préfèreraient réserver à l’intimité. Comme, par exemple, la question de l’épilation. « Le poil est politique ! » clament les féministes. Par quoi il faut entendre que la pilosité féminie peut être une arme contre le désir masculin. Ou comme les bourrelets adipeux. « Non à la grossophobie ! » glapissent les mêmes. Par quoi il faut entendre que, puisque les hommes ont tendance à préférer les femmes minces, il faudrait les bombarder d’images de femmes obèses.
Pour servir la cause sacrée de l’émancipation, les femmes sont vivement encouragées à se rendre repoussantes aux yeux des hommes. Si elles ne le font pas, c’est qu’elles restent inconsciemment soumises aux diktats esthétiques de la société patriarcale. Ce qui est bien la preuve qu’elles ont besoin qu’on les libère malgré elles !
Elisabeth Lévy a donc tout à fait raison de dire des féministes contemporaines qu’elles sont « bitophobes ». Mais cette caractérisation ne va pas assez loin. Car ce qui rend les porteurs de bites si dangereux, c’est en définitive que les femmes sont attirées par eux. Au cœur du féminisme initié par Beauvoir se trouve l’idée que le corps des femmes, et particulièrement sa capacité à porter des enfants, est en contradiction avec leur liberté. Que par conséquent les femmes doivent résister à leurs corps et aux désirs qui lui sont liés afin de pouvoir « exister en tant que personne », selon les termes de Beauvoir.
Se rendre repoussante aux yeux de l’autre sexe est, pour une femme, l’une des manières de résister à ses propres désirs sexués et de s’émanciper de sa condition incarnée.
Allez Marie-Chantal, pète un coup, ca te soulagera et surtout ça éloignera les mâles !
Si les féministes semblent obsédées par la sexualité et les questions organiques, c’est précisément parce que, pour elles, le corps, le corps féminin, est ce qui doit être surmonté. Le féminisme contemporain est un spiritualisme extrême pour lequel la féminité est le mal. Aussi paradoxal que cela puisse sembler au premier abord, le féminisme contemporain est fondé sur la misogynie. ■ ARISTIDE ANKOU
* Précédemment paru sur la riche page Facebook de l’auteur, (le 16 décembre 2024).
Aristide Ankou
Aristide Ankou a des analyses vraiment extraordinaires ! C’est un régal pour l’esprit, et aussi pour la compréhension de la société qui nous entoure. Chapeau !