De la décolonisation de l’Algérie, dans des conditions en réalité hautement conflictuelles, au fol accueil de millions de ressortissants du nouvel État constitué dans l’impréparation, et aujourd’hui, après 63 ans, largement failli, ne tenant guère que grâce au ressentiment constamment entretenu et alimenté par tous moyens contre la France, la politique menée par notre République, il est assez aisé de le comprendre, n’a été qu’une suite, qu’un engrenage, qu’un piège ne pouvant, à la longue, que se retourner contre nous, sans pour autant apporter aucun réel profit à notre colonie d’autrefois, sauf au cercle très restreint de ses dirigeants corrompus. De bout en bout, la politique algérienne de la République française n’aura été qu’une succession erratique, plus ou moins improvisée, subie bien plus que dirigée, avec des conséquences lamentables. JSF
Cette intéressante chronique est publiée par le JDD ce 8 janvier. Elle traite d’un sujet qui soulève naturellement de vives et légitimes inquiétudes chez tout Français lucide et un tant soit peu patriote ou a minima seulement soucieux de sa propre sécurité et de celle de ses proches…
Une fois encore, le président algérien s’en est pris à la France. Devant les deux chambres du Parlement, il a souhaité que Paris érige une statue de l’émir Abdelkader, héros de la lutte « anticoloniale ».
Alger ne cache plus son intention d’ouvrir un front au sein même de la société française
Peut-on être vraiment surpris du discours tenu voici quelques jours par le président Tebboune ? Rien de nouveau sous le soleil algérien, si ce n’est la sempiternelle rhétorique antifrançaise dont la fonction première est de masquer un pouvoir policier, fruit d’un compromis implicite avec les islamistes, héritier d’un soviétisme agrémenté de sauce orientale. Tebboune le « nomenclaturiste » active à satiété le registre qui légitime le pouvoir en Algérie depuis 1962 : la dénonciation permanente de l’ancien colonisateur chargé de tous les maux d’un pays dont les dirigeants enivrent le peuple à coups d’une guerre d’Algérie qui n’en finirait jamais. Et pour cause : la guerre passée est le meilleur agent d’une guerre permanente à laquelle ils cotisent pour mieux se maintenir en place. À défaut de penser l’avenir, ils l’assujettissent à un projet de guerre mémorielle perpétuelle.
Les échecs des gouvernements qui se sont succédés depuis plus de sept décennies, les mauvais choix économiques, la corruption systémique, l’inaptitude à démocratiser la nation indépendante, l’islamisation continue, les atteintes polymorphes aux libertés publiques les plus élémentaires attestent d’une réalité déniée par des hiérarques qui, à mesure qu’ils se sentent fragilisés, crantent un grade supplémentaire dans l’escalade sémantique visant une France qu’ils abhorrent à Alger mais ne détestent pas à Paris dès lors qu’il s’agit d’y acquérir des biens, de venir s’y faire soigner ou d’y envoyer leurs enfants dans ses universités.
Surenchère antifrançaise
L’adresse du président algérien regorge de tous les poncifs antifrançais, cristallisant la plupart des critiques sédimentées depuis des décennies par le régime. Pour autant, elle marque une montée en puissance dans l’agressivité et, in fine, dans la volonté d’humilier le Français, ciblé comme ennemi de plus en plus explicite, le meilleur ennemi possible avec le voisin marocain sans doute. Ainsi, Abdelmadjid Tebboune, achevant son propos, en appelle à l’édification d’une statue de l’émir Abdelkader au cœur de Paris en gage de la bonne volonté française, visant à parachever sans doute à ses yeux ce qu’il considère être l’indispensable diktat de repentance qu’il entend imposer aux gouvernants de l’Hexagone. Force est de constater que rarement, dans sa constante agressivité, le pouvoir algérois sera allé aussi loin dans sa disposition vindicative. Et tout aussi rarement aura-t-il allié à la surenchère verbale des actes d’hostilité dépassant le seul stade de la parole. Quelque part, Alger passe à l’action, ne se contentant plus de coups de menton.
L’arrestation et l’incarcération de Boualem Sansal, grande voix franco-algérienne, s’inscrit indéniablement dans une stratégie de conflictualisation pleinement assumée qui, depuis l’enfermement de l’écrivain, a décidé de ne rien céder aux demandes françaises, qu’elles soient consulaires ou judiciaires, bafouant sans retenue des principes pourtant fondamentaux en matière de protection de la personne humaine. Il se pourrait, dans ces conditions, que la prise d’otage dont est victime Boualem Sansal ne soit que le moment inaugural d’une offensive plus généralisée, ingérante, décidée et poussée par les autorités algériennes. Déjà, des influenceurs sur les réseaux donnent de la voix pour menacer les critiques du régime ou s’en prendre en des termes peu amènes aux soutiens de notre compatriote embastillé, quoique malade et âgé. À brève échéance, l’instrumentalisation communautaire constituerait sans doute le prolongement naturel de ce déploiement, comme le craignent certains observateurs avisés de la relation franco-algérienne.
C’est bien cet écosystème qu’a manifestement voulu mobiliser le leader algérien à l’occasion de son intervention du 30 décembre. L’incise violente à laquelle il s’est adonné contre Boualem Sansal n’avait d’autre vocation que d’agiter un épouvantail qu’il juge rassembleur dans un pays qui, voici six ans, en février 2019, manifestait contre Abdelaziz Bouteflika et pour l’instauration d’une deuxième République. À l’approche du sixième anniversaire du Hirak et alors que la Syrie a vu en quelques jours s’effondrer une dynastie cinquantenaire, les dignitaires d’Alger indexent leur radicalité antifrançaise sur l’inquiétude manifeste qui les saisit, quant à la pérennité de leur mainmise sur un peuple qui aspire à plus de liberté et à moins d’inégalité.
Discours menaçant
Cette fuite en avant a trouvé dans la relation dégradée avec Paris son exutoire, ravivant un nationalisme chauvin, belliciste, d’autant plus exacerbé qu’il s’estime trahi par le président français qui avait en son temps ouvert la boîte de Pandore d’une France « coupable de crime contre l’humanité ». Le discours de Tebboune n’est pas seulement dénonciateur, il est menaçant. Et il doit être interprété comme tel à l’heure des conflits hybrides. Alger ne cache plus son intention d’ouvrir un front au sein même de la société française. C’est la principale leçon, et non la moins inquiétante, qu’il nous faut tirer de cette nouvelle montée en tension des rapports franco-algériens.
Le piège serait de se refuser à le voir, et de ne pas y répondre, en mettant un terme une fois pour toutes à la complaisante réserve avec laquelle nous accueillons les agissements qui, de l’autre côté de la Méditerranée, ne cessent de nous provoquer. Loin des fantasmagories du président algérien qui ignore délibérément que le grand émir dont il se réclame était bien plus francophile que lui, la France pourrait alors honorer Abdelkader pour mieux déshonorer Tebboune et ses feudataires. ■ ARNAUD BENEDETTI
Le château d’ AMBOISE abrite les sépultures de membres de la famille de l’émir Abdelkader.
Un mausolée (récent) a été bâti dans les jardins, c’est déjà bien.
Il est doit être bien « négligé » par les algériens contemporains.