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« Toute approche qualitative des réalités migratoires, relative aux opportunités ou aux difficultés qui leur sont associées, semble devoir partir d’un fait quantitatif incontestable : celui des niveaux records d’immigration reçus par la France ces dernières années. »
« À lire tous ces chiffres, l’on se demande si les mots de plus en plus durs employés sur le thème de l’immigration ne masquent pas en réalité un frustrant sentiment d’impuissance »
Selon les données du ministère de l’Intérieur, le stock de titres de séjour en cours de validité dépasse les 4,3 millions.
Le bilan de l’immigration pour l’année écoulée dépasse toutes les prévisions. Les visas ont augmenté de 16,8 %, pour atteindre 2.858.083 en 2024. Avec 336.700 premiers titres de séjours délivrés en 2024, la hausse par rapport à 2023 est de 1,8 %, après déjà plus de 4 % l’année précédente. Le motif étudiant est le principal motif, avec un tiers de documents délivrés, soit 109.300 titres. Le deuxième est familial, avec 90.600 titres délivrés. Les raisons économiques et humanitaires arrivent ensuite, avec 55.000 titres. Pas moins de 879.900 titres ont par ailleurs fait l’objet d’un renouvellement, sans compter les 4969 Britanniques, répertoriés à part dans les tableaux des données du ministère de l’Intérieur, du fait du Brexit.
En matière de renouvellement de titres, il est intéressant de constater que ce sont les motifs familiaux qui arrivent en tête, avec 325.780 titres renouvelés en 2024, les étudiants reconduits dans leur statut ayant été 144.230 (+ 5,7 %). Au total, toutes catégories confondues, les titres délivrés en cours de validité dépassent les 4,3 millions, en comptant les 169.991 Britanniques. Du jamais vu. C’est 161 294 titres de plus qu’en 2023, soit une hausse de près de 4 %.
Les Algériens sont les plus représentés
Les Algériens sont la nationalité la plus représentée, avec 649 991 titres, en augmentation de 0,5 %. Suivent les Marocains (617 053, + 2,2 %), les Tunisiens (304 297, + 4,9 %), les Turcs (232 421, + 0,3 %). Dans le top 10 des nationalités, toutes grimpent statistiquement, les Ivoiriens affichant la plus forte progression (119 079 titres renouvelés, + 9,1 %).
Sur le front dudroit d’asile, comme l’annonçait LeFigaro le 29 janvier, la France a enregistré une baisse des demandes en 2024 : 130 952 premières demandes (- 9,8 %). Mais il faut ajouter les réexamens (26 995) et les demandes répondant aux accords de Dublin, ainsi que celles formulées par les illégaux en rétention. Total général : 170 228 demandes d’asiles l’an dernier. C’est moins qu’en 2023 (187 197 demandes), mais cela reste considérable.
D’autant que le taux d’accord en 2024 pour les demandes a augmenté dans de larges proportions : 49,3 % ont été acceptées, contre 44,7 % en 2023. Cela correspond à 70 225 statuts accordés, qu’il s’agisse de réfugiés (carte de résident de 10 ans, renouvelable automatiquement) ou de titulaires d’une protection internationale dite subsidiaire (carte de séjour de 4 ans, puis de résident 10 ans, si l’intéressé justifie de quatre années de résidence régulière en France). Une hausse de 15,3 % par rapport à 2023 (60 892 demandes satisfaites il y a deux ans).
Les Ukrainiens passent en tête pour l’asile
Comme l’annonçait également Le Figaro, pour la première fois, ce sont les Ukrainiens qui arrivent en tête des demandeurs d’asile en France, avec 13.353 demandes (+ 293 %), alors qu’ils disposent d’un statut particulier de protection temporaire (renouvelable tous les 6 mois). L’un n’étant pas exclusif de l’autre, ils ont donc formulé massivement des demandes, comme s’ils pronostiquaient que le retour au pays serait moins simple demain.
Un quart des Ukrainiens sous statut temporaire a demandé l’asile en France. Or ce phénomène ne se vérifie pas chez nos partenaires européens qui les accueillent également. Cette flambée des demandes explique en partie la forte hausse du taux de protection consulaire en France, car les taux de protection des Ukrainiens atteignent les 90 % , en raison de la guerre qui fait rage dans leur pays.
Moins d’éloignements que sous Castaner
Tout cela a évidemment un coût, qui n’est pas explicité dans les documents du ministère de l’Intérieur, mais qui fera certainement l’objet d’une évaluation par une commission parlementaire ou par la Cour des comptes. Particulièrement en cette période tendue, pour ne pas dire explosive, sur le plan budgétaire.
Les éloignements de clandestins ont certes augmenté, passant de 17.000 en 2023 à 21.000 en 2024, mais ils demeurent plus bas qu’avant la crise Covid, dans un pays où Beauvau estimait que le nombre de clandestins se situait « entre 700.000 et 900.000 » en 2022 et donc plus certainement jusqu’à 1 million d’individus aujourd’hui.
Ainsi, Christophe Castaner expulsait plus d’illégaux que ses successeurs Gérald Darmanin et Bruno Retailleau. Ce dernier met en avant toutefois une baisse du nombre de signatures des contrats d’intégration républicaine, préalables à toute régularisation, de l’ordre de 10 % en 2024. Ses services espèrent faire mieux en 2025, grâce à sa nouvelle circulaire abrogeant la circulaire Valls tant décriée et resserrant les critères de l’admission exceptionnelle au séjour. En termes de naturalisations, la Place Beauvau a enregistré, pour la partie qu’elle traite (le reste des dossiers étant traités par la Justice), une hausse de 8,3 %, avec 66 745 acquisitions de nationalité française l’an dernier.
Quid de la fermeté affichée par les ministres de l’Intérieur successifs depuis un certain nombre d’années ? À lire tous ces chiffres, l’on se demande si les mots de plus en plus durs employés sur le thème de l’immigration ne masquent pas en réalité un frustrant sentiment d’impuissance.
De là à dire que la « submersion » migratoire, reconnue par le premier ministre, François Bayrou, se lit jusque dans les chiffres officiels, il n’y a qu’un pas, que – d’Éric Ciotti au Rassemblement national, en passant par Éric Zemmour – le camp des souverainistes et autres nationalistes n’hésitera pas à franchir. ■
Jean-Marc Leclerc et Service Infographie