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« Les défis écologiques exigent une révolution des pratiques agricoles, mais sans dogmatisme. »
TRIBUNE – Alors que le Salon de l’agriculture se tient actuellement à Paris, l’exportation des produits agricoles français a été historiquement faible en 2024. Il est urgent de lever les nombreuses contraintes qui pèsent sur nos exploitants, estime Yves d’Amécourt, viticulteur et référent ruralités, agricultures, forêts de Nouvelle Energie.
Yves d’Amécourt est viticulteur, ancien conseiller général et maire de Sauveterre-de-Guyenne, référent ruralités, agricultures, forêts de Nouvelle Énergie et membre du Conseil d’orientation de l’Institut Thomas More.
« La souveraineté alimentaire n’est pas un slogan, c’est un impératif national »
En 2024, le solde commercial de la France était déficitaire de 81 milliards d’euros. Le solde des produits agricoles et agroalimentaires, locomotive trop souvent ignorée de notre commerce extérieur, ne cesse de se dégrader et atteint son plus bas niveau depuis 2005 : 4,9 milliards d’euros.
L’agriculture française, véritable pilier de notre économie et de notre identité, traverse une période charnière. Entre la nécessité de renforcer notre souveraineté alimentaire, l’impératif de compétitivité sur les marchés internationaux et les enjeux écologiques qui redéfinissent nos modes de production, il est urgent d’agir. La France doit se donner les moyens de produire plus, de transformer davantage sur son sol et de se positionner comme un acteur incontournable du commerce agroalimentaire mondial.
La France bénéficie de conditions pédoclimatiques exceptionnelles qui en font une terre d’excellence agricole. Pourtant, trop de nos productions sont exportées à l’état brut faute de capacités de transformation suffisantes. Pour inverser cette tendance et porter nos exportations de 60 à 90 milliards d’euros en dix ans, il est indispensable de relocaliser la transformation sur le territoire national. Il faut simplifier les normes et contraintes qui entravent la production et la transformation. Rendre nos exploitations plus compétitives en allégeant les charges fiscales et administratives. Considérer les entreprises agricoles comme des entreprises à part entière avec un statut juridique adapté. Favoriser la recherche et l’innovation pour développer une agriculture de précision plus économe d’intrants et plus durable.
Il faut harmoniser les normes du marché unique européen. Il est incohérent d’imposer aux producteurs français des règles plus strictes que celles en vigueur dans les pays avec lesquels nous avons des accords de libre-échange, surtout en Europe. Il est temps d’adopter une loi de principe garantissant l’alignement des normes de production sur celles de nos partenaires. Ce qui est autorisé en Europe doit l’être en France. Ce qui est interdit doit faire l’objet d’une interdiction globale et non d’une hypocrisie commerciale permettant des passe-droits ; il n’y a pas de libre-échange sans règles de production communes ; nombre d’agriculteurs en écoutant récemment les auditions du patron de Michelin et de la Cogedim au Parlement se sont dit : « Ce qu’ils disent, c’est exactement ce que nous vivons dans nos exploitations ! ». Oui, nous aimons la compétition. Mais à condition que les règles du jeu soient les mêmes pour tous.
Le nombre d’exploitations agricoles a fondu en quarante ans, passant de 1,2 million à 400.000. Dans le même temps, le poids de l’administration n’a cessé de croître : le nombre de fonctionnaires du ministère de l’agriculture est passé de 18.000 à 36.000. On peut y ajouter les 8.000 agents des chambres d’agriculture, les 1.000 collaborateurs des Safer, les 16.000 salariés de la MSA, les fonctionnaires affectés à l’agriculture des départements, des régions, du ministère de la transition écologique, des agences de l’État, de l’Office français de la biodiversité… Et les neuf heures par semaine que consacrent en moyenne les agriculteurs eux-mêmes à des tâches administratives, soit 100.000 équivalents temps plein !
Alors que les BRICS construisent une stratégie de domination sur les marchés agricoles mondiaux, la France doit adopter une véritable diplomatie des productions agricoles.
Il est primordial, urgent, de simplifier les procédures qui pèsent sur les agriculteurs. Il s’agit de supprimer 30 % des effectifs administratifs en simplifiant les normes, en rationalisant les services et en diminuant la bureaucratie. Cela permettra de rendre trois heures de travail administratif par semaine aux agriculteurs pour qu’ils puissent se consacrer à leur métier.
Notre indépendance agricole passe également par la maîtrise des intrants et de l’énergie. Aujourd’hui, la France dépend encore trop des importations de fertilisants et d’énergies fossiles.
Nous devons sortir des interdictions que nous nous sommes infligées et réautoriser la prospection et l’exploitation de nos propres gisements de gaz (30 ans de réserve) pour développer la production d’intrants sur le territoire national. Sait-on, par exemple, que la France a augmenté de 81% ses importations de gaz naturel liquéfié russe entre 2023 et 2024 et versé 2,68 milliards d’euros à la Russie ? Il nous faut encourager les énergies renouvelables issues du secteur agricole et forestier, sans sacrifier les cultures vivrières : le biométhane issu des cultures intermédiaires, le bois-énergie, l’éthanol, les huiles et l’énergie photovoltaïque de toitures ou d’ombrières.
La multiplication des aléas climatiques et économiques et la fluctuation des cours impose à chaque exploitation de disposer d’une épargne de précaution conséquente. Elle peut prendre la forme d’un compte épargne. En cas d’année fructueuse le versement sur ce compte épargne devient une charge d’exploitation, en cas d’aléas climatiques ou économiques, le déblocage de l’épargne devient un produit d’exploitation. Le dispositif peut être accompagné d’une libéralisation des durées d’amortissement des investissements.
Alors que les Brics construisent une stratégie de domination sur les marchés agricoles mondiaux, la France doit adopter une véritable diplomatie des productions agricoles. Nos savoir-faire, notre gastronomie et la qualité de nos produits doivent être des leviers de conquête économique.
Promouvoir nos produits à l’international avec le même dynamisme que pour les industries stratégiques (nucléaire, armement, TGV). Soutenir nos filiales agricoles à l’export et favoriser l’émergence d’ETI agroalimentaires capables de conquérir de nouveaux marchés.
Les salariés doivent pouvoir vivre de leur labeur. L’écart entre le salaire brut et le salaire net est aujourd’hui trop important. Dans une étude récente de la DREES il est montré que pour relever de 100€ le salaire disponible d’un salarié célibataire au Smic à temps plein, il en coutera 442€ à l’employeur ! Trop de charges salariales non contributives sont aujourd’hui supportées par les seuls travailleurs et employeurs de France. Il convient de repartir mieux ces charges entre salaire et valeur ajoutée, afin qu’une partie de ces charges soient acquittées par les produits d’importation. Elles devront, à l’avenir, peser moins sur les bénéfices agricoles pour que les métiers de l’agriculture gagnent en attractivité.
Les défis écologiques exigent une révolution des pratiques agricoles, mais sans dogmatisme. L’agriculture de conservation des sols, la captation du CO2 par les forêts et les sols agricoles doivent être encouragées. Accélérer la recherche sur le stockage du carbone dans les sols et dans les océans. Intégrer les NBT (nouvelles techniques d’élevage), notamment les ciseaux à ADN, une invention française, pour développer des variétés plus résilientes aux maladies et aux aléas climatiques. Développer la recherche sur l’enrobage des semences. Travailler ardemment sur les solutions de stockage de l’eau en période de précipitations pour développer les usages dans les zones et les périodes de pénurie.
En conclusion, si la France veut rester un acteur majeur de l’agriculture mondiale, elle doit se débarrasser des entraves qui brident son développement. Elle doit cesser de considérer l’écologie par le petit bout de la lorgnette, en la limitant aux possessions françaises, quand les défis qu’elle pose sont à l’échelle du monde. Elle doit cesser d’être sur la défensive pour adopter une attitude de conquête ! En allégeant le poids des normes, en renforçant notre souveraineté énergétique et chimique, en valorisant nos productions à l’international et en adoptant une approche pragmatique de l’écologie, nous pouvons redevenir le premier exportateur de produits agricoles et agroalimentaires transformés.
Il est temps d’agir pour une agriculture française compétitive, durable et conquérante. La souveraineté alimentaire n’est pas un slogan, c’est un impératif national. Nous devons la garantir, mais nous devons, aussi, prendre notre part pour nourrir l’humanité. ■ YVES D’AMÉCOURT
Trop tard!!!
La France n’est plus du tout un pays de paysan; c’est un pays de diplômés. Les fils des pauvres ont fait psycho-socio, les fils des riches: un école de commerce. Pourquoi voudriez-vous qu’ils retournent à la bêche. Trop fatiguant.
Cet article est fort sympathique. Mais trop tard. Le Grand Remplacement a frappé!
Et nos « dirigeants » ne craignent plus, depuis belle lurette, une révolte populaire. Ils ne craignent qu’un soulèvement des banlieues. Il suffit d’entendre le discours de Bayrou, demandant à l’Algérie d’attendre un mois, non six semaines, afin de voir de quel bois je me chauffe!