
Par Bernard Lugan.
C’est pour avoir déclaré au magazine Frontières que « Quand la France a colonisé l’Algérie, toute la partie ouest de l’Algérie faisait partie du Maroc : Tlemcem, Oran et même jusqu’à Mascara. Toute cette région faisait partie du royaume », que Boualem Sansal a été jeté en prison en Algérie.
Or, historiquement Sansal a raison comme je le démontre, cartes à l’appui, dans mon livre Histoire des Algéries des origines à nos jours.
Durant la période coloniale, le Maroc fut en effet territorialement amputé, à la fois à l’Est, et au Sud :
– A l’Est, la France créa l’Algérie en unifiant des territoires qui n’avaient jamais constitué un ensemble politique, et en lui rattachant les provinces marocaines du Touat, de la Saoura, du Tidikelt et du Gourara, ainsi que les agglomérations de Tindouf et de Béchar, l’ « Orient marocain » en un mot.
– Au Sud, l’Espagne amputa le Maroc de la Saquia el Hamra et de l’Oued ad Dahab dont elle fit la colonie du Sahara occidental.
Appuyé sur l’histoire et sur le droit international, le Maroc a constamment soutenu que les lignes de démarcation établies unilatéralement par les colonisateurs français et espagnol n’étaient pas opposables à ses droits historiques, même si ces derniers avaient été mis sous tutelle durant plusieurs décennies à l’époque du Protectorat.
L’Algérie s’est tout au contraire arc-boutée sur l’état de fait colonial, c’est-à-dire sur le maintien des frontières nées de la colonisation, que ces limites aient été de véritables frontières ou de simples lignes de démarcation administratives à l’intérieur d’ensembles coloniaux. Et cela, en vertu du principe édicté par l’ONU selon lequel « les frontières des Etats nouveaux sont établies d’après les frontières des anciennes provinces coloniales auxquelles ces Etats succèdent ».
Certes, mais il importe de le redire, ce principe ne s’appliquait pas au Maroc, pays souverain, mais seulement, et comme l’écrit très clairement l’ONU, aux « Etats nouveaux » créés par la colonisation, c’est-à-dire à la plupart des pays africains, dont l’Algérie, et non à l’Etat marocain millénaire.
Plus encore, non contente d’hériter des frontières coloniales tracées à son profit par la France aux dépens du Maroc, l’Algérie formula des exigences insolites au sujet du Sahara occidental, un territoire immémorialement marocain et sur lequel elle n’avait, et par définition, aucun droit.
En réalité, enclavée dans une Méditerranée fermée par le détroit de Gibraltar, l’Algérie inventa la fiction d’un « Etat sahraoui » vassal dont la création lui aurait permis de disposer d’une ouverture sur le grand large atlantique. Ce faisant, l’Algérie indépendante s’affirmait donc comme l’héritière directe de la fraction la plus ultra du colonialisme français, celle qui avait un temps nourri le projet d’enlever le sud marocain au Maroc afin d’offrir une fenêtre atlantique à l’Algérie française. ■ BERNARD LUGAN
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La question des frontières, n’est pas le seul motif de l’arrestation de cet écrivain. Il y a un sujet beaucoup plus grave aux yeux des autorités d’Alger, c’est le fait que monsieur Sansal, est en relations avec le Mossad, de même qu’avec des sionistes d’Israël. Vu sa nationalité algérienne d’origine, malgré sa naturalisation de la France, comme il est venu dans son pays natal, la primauté de la justice d’Algérie, prévaut dans cette affaire. Aussi Paris, plutôt que d’exiger sa libération, pourrait solliciter celle-ci, ce qui n’aurait pas la même tonalité.
Avec le régime pourri d’Alger, les deux tonalités ont été tentées. L’exigence ou la courbette. Sans succès dans les deux cas.