
« Au nom de l’effort de guerre, on se donne le droit de rétrécir le périmètre de la légitimité politique, de frapper d’anathème les opposants, de collectiviser l’industrie, et dans les cas les plus extrêmes de confisquer directement ou indirectement l’épargne des Français. »
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COMMENTAIRE JSF – Cette chronique est parue dans Le Figaro ce samedi 8 mars. Intéressante comme toujours venant de Mathieu Bock-Côté, nous la reprenons sans en partager tous les aspects. En discuter sérieusement dépasserait largement le cadre d’un commentaire. Simplement, Mathieu Bock-Côté nous semble exclure ou négliger l’hypothèse d’une politique d’entente européenne, de l’Atlantique à l’Oural, incluant la Russie. Une Russie, certes demeurée impériale ou impérialiste selon sa tradition historique et, sans doute, dans les limites géographiques qui en résultent, mais aujourd’hui débarrassée de l’idéologie internationaliste marxiste-léniniste, dont elle a souffert horriblement elle-même. De Gaulle pensait que la Russie historique boirait le communisme comme le buvard boit l’encre. Ce que symbolisent la vie et l’œuvre d’Alexandre Soljenitsyne. En l’occurrence, Mathieu Bock-Côté nous semble pécher par anachronisme, ou prudence, certes nécessaire, mais non exclusive.

Comment peut-on être si faible devant l’Algérie et se vouloir si ferme devant Moscou ? Le commun des mortels se pose cette question légitimement.
CHRONIQUE – La paix en Ukraine est nécessaire : qui a intérêt à une guerre prolongée, qui peut déraper en conflit mondial, aux frontières de l’Europe ? Mais cette paix ne sera pas une paix de réconciliation, encore moins une paix kantienne.
Les temps présents paraîtront à plusieurs paradoxaux. Alors que la possibilité d’une paix en Ukraine semble pour la première fois concrète en trois ans, Emmanuel Macron, mercredi, a annoncé que l’Europe était de nouveau au seuil de la guerre. Certains commentateurs ont voulu voir là une ruse : Emmanuel Macron parviendrait ainsi à renaître politiquement, en se projetant sur la scène européenne, pour un grand saut fédéral qui ne dit pas son nom. L’opportunisme, ici, se conjuguerait avec l’hubris : les politiques d’exception rêvent des grandes occasions où ils pourraient marquer l’histoire.
Tel est le sens de la discussion ouverte sur l’extension de la dissuasion nucléaire, même si on ne comprend pas exactement à quoi elle correspondrait pratiquement. Soit la France se veut désormais la responsable du parapluie nucléaire, tout en maîtrisant exclusivement la décision d’en faire usage : elle prendrait alors une position impériale, à la manière du pilier stratégique de l’Europe politique. Soit elle consent, peu à peu, à la mutualisation de l’arme nucléaire, à la manière d’une offrande faite à l’idée fédérale, et dès lors serait parachevé le transvasement de la souveraineté française vers la souveraineté européenne.
Patriotes et défaitistes
Emmanuel Macron a aussi cherché à redéfinir la carte politique à son avantage. À l’affrontement d’avant-hier, entre les progressistes et les nationalistes, qu’on disait aussi lépreux, à celui d’hier, entre le bloc central et les extrêmes, pour sauver la démocratie, sans oublier la séquence covidienne, où on opposait les raisonnables et les complotistes, succède désormais le choc entre les patriotes, se reconnaissant à leur amour du drapeau européen, et les défaitistes, qu’on prend souvent tout simplement pour des néo-moscoutaires, pour ne pas dire des traîtres.
Hayek l’avait écrit : qui entre en guerre emprunte la route de la servitude. Au nom de l’effort de guerre, on se donne le droit de rétrécir le périmètre de la légitimité politique, de frapper d’anathème les opposants, de collectiviser l’industrie, et dans les cas les plus extrêmes de confisquer directement ou indirectement l’épargne des Français. C’est la logique de la mobilisation totale qui vient pervertir la démocratie qu’on veut sauver. Autre question légitime : comment réussir l’unité nationale dans un pays où la moitié de la population était reconduite, il y a moins d’un an, à l’extérieur du cordon sanitaire au nom du front républicain ?
De même, ce n’est pas faire diversion que de constater que la remontée du Sud vers le nord, la poussée expansionniste d’un islam revanchard et contre-colonial, l’hostilité déclarée du régime algérien, la submersion migratoire et la banalisation des pires violences quotidiennes représentent aujourd’hui une menace existentielle bien plus palpable pour les Français. C’est probablement son déni, d’ailleurs, qui en pousse plusieurs à juger avec perplexité la menace russe. Comment peut-on être si faible devant l’Algérie et se vouloir si ferme devant Moscou ? Le commun des mortels se pose cette question légitimement.
Complexe de persécution du persécuteur
Ce n’est pas avoir la moindre sympathie pour Vladimir Poutine que d’affirmer cela. Car ce n’est pas parce que cette menace est instrumentalisée à des fins de politique intérieure que la Russie n’est pas objectivement une menace, et une puissance ouvertement hostile à l’Europe. Et on le saurait si nous n’avions pas, collectivement, réécrit l’histoire de la seconde moitié du XXe siècle, en évacuant complètement la mémoire des peuples d’Europe de l’Est. Comment peut-on chasser de notre mémoire collective et de notre représentation du monde le demi-siècle d’impérialisme russe en Europe de l’Est ?
La recherche d’une paix d’équilibre n’est pas l’autre nom d’un pacifisme lâche. L’heure est peut-être venue du retour à la coexistence pacifique.
La Russie se sent diminuée lorsqu’elle ne surplombe pas ses voisins de sa souveraineté impériale – c’est le complexe de persécution du persécuteur. Elle ne s’aime pas nation mais empire. Comment oublier ces pays écrasés sous la botte communiste, qui était aussi une domination russe ? La Russie réclame des garanties de sécurité – entendons-la, car on fait la paix en intégrant dans son propre calcul la vision du monde de son ennemi. Il faudra bien cohabiter avec ce pays. La géographie a ces droits. Doit-on, cela dit, rappeler que, pour l’Europe de l’Est, l’appartenance à l’Otan représentait cette garantie de sécurité ?
La paix en Ukraine est nécessaire : qui a intérêt à une guerre prolongée, qui peut déraper en conflit mondial, aux frontières de l’Europe ? Mais cette paix ne sera pas une paix de réconciliation, encore moins une paix kantienne, mais une paix armée, une paix de compromis, et l’Ukraine sera au XXIe siècle ce que la Finlande a été au XXe. Ce n’est pas être munichois que de l’admettre, en constatant que nous vivons désormais la traduction politique du choc des civilisations. La recherche d’une paix d’équilibre n’est pas l’autre nom d’un pacifisme lâche. L’heure est peut-être venue du retour à la coexistence pacifique. ■ MATHIEU BOCK-CÖTÉ
Je n’aime pas cet article. Comme souvent avec Mathieu Bock-Côté, les fausses symétries de son discours en affaiblissent considérablement la portée. La Russie serait objectivement une menace pour l’Europe? Franchement, y a-t-il un Français raisonnable qui craint l’arrivée des cosaques avenue des Champs-Elysées? La Russie n’est pas ouvertement hostile à l’Europe, ce serait plutôt l’inverse. Par contre, elle est ouvertement méprisante. On la comprend…
Mathieu Bock-Côté connait-il la littérature Russe, , nourrie au tréfond de son âme de la littérature française, Balzac en particulier sans la quelle elle n’existerait pas, et ne renonçant jamais à creuser le sillon qui nous unit à elle et où nous réfléchissons aussi. avec nos faiblesses et nos forces ? Je ne vois là aucun impérialisme, du moins subie par la France Quant aux souvenirs douloureux et contrastés de la a Pologne et des pays baltes, ils existent, ils sont dus en majorité au communisme dont nous français ne sommes pas innocents- loin de là- . ils doivent être dépassés, non instrumentalisés par ces pays qui n’en n’ont pas les moyens, et exorcisés par le concert des nations. Ils faut élever le débat, revenir à la conception de Gaulle sur la pérennité de nations et celle de Jean-Paul II pour les deux pour les deux poumons. de l’Europe A ce prix, à cet élévation nous serions délivrés de la tentation impériale, si vivace encore en France aujourd’hui . Cela est plus exaltant que la simple coexistence pacifique surtout avec le dirigeant que l’on a, qui prend un plaisir pervers et suicidaire à nous rabaisser, . ,