
Par Aristide Ankou.
En matière militaire notamment, il est très loin d’être universellement vrai que « l’union fait la force ». Citation reprise d’un précédent article d’Aristide Ankou.
Quelques rappels historiques :
« Rien n’est plus essentiel que d’exclure les antipathies permanentes et invétérées contre certaines nations, les attachements passionnés pour d’autres, et de les remplacer par des sentiments justes et amicaux à l’égard de tous. La nation qui nourrit à l’égard d’une autre une haine ou une affection habituelle est en quelque sorte esclave. Elle est esclave de son animosité ou de son affection, et l’une ou l’autre suffit à la détourner de son devoir et de son intérêt.
(…)
La grande règle de conduite que nous devons suivre à l’égard des nations étrangères est, en étendant nos relations commerciales, d’avoir avec elles le moins de rapports politiques possible. Dans la mesure où nous avons déjà pris des engagements, qu’ils soient remplis avec une parfaite bonne foi. Mais arrêtons-nous là. L’Europe a un ensemble d’intérêts primordiaux qui n’ont aucun rapport avec nous, ou un rapport très éloigné. Elle doit donc être engagée dans de fréquentes controverses dont les causes sont essentiellement étrangères à nos préoccupations. Par conséquent, il serait pas sage de nous impliquer par des liens artificiels dans les vicissitudes ordinaires de sa politique, ou dans les combinaisons et les conflits ordinaires de ses amitiés ou de ses inimitiés. »
Discours d’adieu de George Washington, 1796
« Partout où l’étendard de la liberté et de l’indépendance a été ou sera déployé, là se trouveront son cœur, ses bénédictions et ses prières. Mais [l’Amérique] ne va pas à l’étranger, à la recherche de monstres à détruire. Elle est la bienfaitrice de la liberté et de l’indépendance de tous. Elle n’est le champion et le défenseur que des siennes. (…) Elle sait bien qu’en s’enrôlant une fois sous d’autres bannières que les siennes, fussent-elles celles d’une indépendance étrangère, elle s’impliquerait, sans pouvoir s’en dégager, dans toutes les guerres d’intérêts et d’intrigues, d’avarice individuelle, d’envie et d’ambition, qui prennent les couleurs et usurpent l’étendard de la liberté. Les maximes fondamentales de sa politique passeraient insensiblement de la liberté à la force. Le bandeau sur son front ne rayonnerait plus de la splendeur ineffable de la liberté et de l’indépendance ; il serait bientôt remplacé par un diadème impérial, qui brillerait d’un éclat faux et terni, de l’éclat trouble de la domination et du pouvoir. »
John Quincy Adams, 1821
« Il nos a tenu à l’écart de la guerre »; « L’Amérique d’abord »
Slogans de campagne de Woodrow Wilson, 1916
« Nous ne participerons à aucune guerre étrangère et nous n’enverrons pas notre armée, notre marine ou notre aviation combattre sur des terres étrangères, en dehors des Amériques, sauf si nous sommes attaqués. »
Franklin Roosevelt, novembre1940
Après 1919, l’insistance des Etats-Unis à être remboursés des sommes énormes qu’ils avaient prêtées à leur alliés rendit particulièrement cruciale pour la France la question des « réparations allemandes », ce qui ne contribua pas peu à transformer la paix en un simple armistice de vingt ans, selon le mot de Foch.
A l’automne 1940, alors que la guerre sous-marine allemande faisait courir un péril mortel à la Grande-Bretagne, les Etats-Unis ne donnèrent pas cinquante vieux destroyers à leur plus proche allié, non, ils les échangèrent contre le prêt pour 99 ans de certaines bases britanniques dans l’Atlantique et les Caraïbes.
Eviter tout engagement permanent vis-à-vis de quelque nation étrangère que ce soit et « protéger le contribuable américain » a été la politique presque constante des gouvernements américains depuis bientôt 250 ans. Trump ne révolutionne rien, ou alors c’est au sens premier du mot révolution, à savoir revenir à son point de départ après avoir fait un tour complet.
Par ailleurs, comme le dit très bien Pierre Manent, la conviction de leur supériorité morale sur les Européens est constitutive depuis toujours de la conscience de soi des Américains. Une conviction qui n’est jamais loin de l’arrogance, comme le rappelle à peu près n’importe quel discours de l’actuelle administration américaine.
De même, la Russie a toujours été un empire autoritaire, avec toutes les conséquences que cela emporte dans ses relations avec les autres nations, et la conscience de soi des Russes est depuis fort longtemps inséparable de la conviction de leur supériorité morale sur l’Occident décadent, comme le rappelle à peu près n’importe quel discours de Vladimir Poutine.
Nous avons voulu oublier ces faits importuns, car leur oubli nous permettait de vivre confortablement en marge de l’histoire. Nous l’avons oublié, surtout, car la négation de la réalité et de la permanence des nations est au cœur de la « construction européenne ».
Aujourd’hui le voile s’est déchiré, même pour les observateurs les moins attentifs. Pourtant, certains continuent à espérer que le salut viendra de « l’Union Européenne », à commencer par nos actuels gouvernants. Il est décidément des gens que rien ne saurait tirer de leur sommeil dogmatique, pas même des coups de canon. ■ ARISTIDE ANKOU
* Précédemment paru sur la riche page Facebook de l’auteur, (le 10 mars 2025).
Aristide Ankou
Entièrement d’accord
Oui, excellente, analyse comme toujours !