« Sinon, il faudra un référendum… » : C’est dans Marianne, et c’est Philippe Cohen qui recueille ses propos.
Dans une interview donnée à des étudiants, Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de Droit public à l’Université Rennes 1, s’élève contre l’avis du Conseil d’Etat, aussi ambigu et pervers que celui qu’il avait donné sur le voile en 1989, aboutissant à retarder de cinq ans une législation finalement bien acceptée.
A noter: Philippe Cohen dit que le débat commence en Angleterre; rappelons qu’il commence aussi en Belgique ou, par un vote unanime (toutes tendances politiques confondues) les députés ont adopté un projet disant Non à la burqa….
Après le vote suisse sur les minarets, il n’est pas interdit de se demander ce que répondraient les français si on leur demandait leur avis sur le sujet.
Oui mais voilà, en France on n’est pas en démocratie; et, si on est bien en république, c’est d’une république idéologique qu’il s’agit, ce qui change tout. Rien à voir avec une république à la Suisse, où les citoyens conservent le pouvoir de désavouer leurs mandants, même après les avoir élus…..
Selon vous la Burqa est-elle une atteinte à la liberté de la femme ou bien rentre telle dans la liberté individuelle de se vêtir ?
Il n’y pas de « liberté de la femme » distincte de celle de l’homme en l’occurrence. C’est la « dignité » de la femme qui a souvent été invoquée par les féministes dans cette affaire de burqa, mais c’est une notion morale dont la subjectivité est telle qu’il faut la laisser hors du champ juridique. Les jeunes femmes qui se promènent les fesses à l’air avec le string qui dépasse du jean lacéré pourraient aussi se faire reprocher leur indignité et que dire de tous ceux ou celles qui exhibent des piercings monstrueux ?
Il est admis, et je n’en doute absolument pas, que les femmes qui portent la burqa le choisissent délibérément pour la plupart et n’y sont nullement contraintes. Peut-être s’agit-il de faire plaisir à leur homme mais si je porte une jolie robe pour sortir et que je me parfume c’est aussi pour plaire à un homme. On ne va tout de même pas se livrer à des expertises psychologiques pour savoir pourquoi certaines femmes aiment en montrer le plus possible et d’autres le moins. Le discours féministe est parfois bien proche de celui des intégristes.
Il est admis aussi par tous les spécialistes de l’Islam que la burqa n’est absolument pas un signe religieux, il ne s’agit donc pas non plus d’un signe extérieur de croyance, d’une manifestation de foi religieuse. J’y vois plutôt une attitude de revendication identitaire comme le fait de vouloir parler breton dans la vie publique, ou de s’habiller « gothique »…
Au nom de la sécurité et de la protection de l’ordre public, pensez-vous qu’il est utile, voire nécessaire de réglementer ou interdire le port de la burqa ?
Oui, c’est une affaire d’ordre public et rien que cela, laissons tomber la dignité et la liberté religieuse qui ne sont pas en cause. Nous sommes en présence d’une façon « extrême » de se vêtir qui choque la population française d’une part et qui pose un réel problème de sécurité d’autre part. Il y a d’abord un problème de moeurs : ces êtres fantômes qui ressemblent à celui que le feuilleton « Belphégor » décrivait autrefois dans le musée du Louvre, font peur et impressionnent la population française.
Comme on n’admet pas qu’une personne se promène nue dans la rue, notre civilisation ne peut non plus supporter des personnes qui n’existent pas physiquement. Je me suis trouvée récemment dans un grand magasin de Londres à côté de deux individus (qui me dit que ce sont des femmes, puisque même les mains sont gantées ?) en burqa et m’en suis éloignée spontanément parce qu’ils me gênaient et m’indisposaient terriblement.
Je vois dans cette provocation une atteinte à ce que nous appelons traditionnellement les bonnes moeurs. On ne choque pas délibérément une population. Je vous renvoie à la jurisprudence abondante en la matière. On peut prescrire des uniformes à des salariés du secteur public ou privé, interdire de venir travailler en short et tongs, ou de rentrer torse nu ou en slip dans un commerce, on doit aussi, bien sûr, pouvoir interdire une tenue qui choque profondément la majorité des gens d’un pays.
Il y a ensuite un problème d’ordre public matériel manifeste dans la mesure où vous ne pouvez absolument pas identifier ces individus. Le braquage récent d’une banque par deux hommes en burqa qu’un employé a laissé passer dans le sas d’une succursale d’Athis-Mons résume à lui seul la menace évidente pour la sécurité publique que représente cet accoutrement (Le Monde, 9 février 2010). L’employé a sans doute voulu éviter de se faire accuser de discrimination religieuse et a eu la sottise de les faire entrer. Mais rien ne me disait aussi, à Londres, que les femmes (ou hommes) qui m’entouraient ne cachaient pas une arme ou n’avaient pas l’intention de fourrer de la marchandise volée sous leur voile en se disant (2) qu’un agent de sécurité n’oserait pas les fouiller au nom du respect d’Allah. Un député a voulu récemment aussi interdire les capuches sur la tête qui sévissent dans une certaine jeunesse et cela se rapporte également à une question de sécurité évidente. Lorsque vous êtes témoins d’une agression ou d’un accident on vous demande de donner le signalement de l’individu, mais ici vous décrivez quoi ou qui ? Ni le sexe, ni l’âge, ni la corpulence ni la longueur, ni la couleur des cheveux ne peuvent être décrits, ni le front, ni le nez, ni les mains, rien, absolument rien.
Quant à l’idée d’interdire uniquement dans les services publics, c’est bien gentil mais comment nos femmes en burqa vont-elles savoir manier les critères du service public que les étudiants en droit administratif ont déjà du mal à identifier ? Elles ne vont pas trimbaler le Chapus sous leur voile pour savoir si une banque, une poste, un bus ou une infirmerie sont un service public ou pas. Et on ne peut pas non plus les contraindre à s’habiller et se déshabiller toute la journée selon le lieu qu’elles fréquentent. Il est clair qu’une interdiction dans tous les lieux publics (au sens de « ouverts au public ») s’impose.
Les députés ont peur du Conseil constitutionnel ou de la Cour européenne des droits de l’homme mais ces juges n’ont jamais eu à trancher une question de ce type et leur appréciation de la conciliation entre l’ordre et de liberté n’a, en tout état de cause, pas plus de légitimité que celle des représentants de la nation. Un parlement d’une nation souveraine ne peut pas vivre dans la hantise du gouvernement des juges, il doit savoir s’affirmer. Sinon il faudra un référendum.
Aujourd’hui le débat commence en Angleterre, pensez-vous qu’il pourrait prendre la même ampleur?
L’Angleter
re a une tradition de primauté de la liberté individuelle et de multiculturalisme débridé qui l’a conduite à laisser se développer une situation qu’elle va regretter. Il y a déjà eu un jugement d’une cour d’appel britannique interdisant d’interdire la burqa … à l’école ! Mais si Westminster décide finalement de légiférer, aucun juge ne peut censurer le parlements souverain outre-manche même sur le fondement de la Convention européenne des droits de l’homme. Le juge peut éventuellement « constater une incompatibilité » avec la Convention, rien de plus. Heureux peuple que celui-là !
Pardonnez-moi de me retrancher de l’unanimité, mais cette loi sur la « burqa » (en fait, c’est plutôt le voile intégral) me paraît absurde.
– D’abord, elle est inutile car il est interdit de circuler le visage masqué chaque fois que l’ordre public et la sécurité publique peut en souffrir.
– Ensuite, elle est un os à ronger aux français lassés de 40 années d’immigration et d’antiracisme. Un symbole vide car les femmes en voile intégral ne sont pas légion dans nos rues.
– Enfin, elle est néfaste car elle détourne du vrai problème qui est l’invasion que nous subissons depuis 50 ans et qui ne cesse pas, avec ou sans burqa ; qui est une définition constructiviste et abstraite de notre pays, le dépouillant de toutes ses protections ; qui est l’Europe de Schengen sans frontières et la mondialisation.
Bref, un faux problème, un piège à révolte légitime.
Au lieu de régler ce problème, une interdiction par la loi ne fera que l’envenimer.
Dans l’immédiat, elle révèle l’intolérance des ayatollahs du formalisme républicain qui, fidèles à l’esprit des Lumières, assignent comme mission à l’Etat de couper les individus de leurs appartenances et de leur faire oublier leurs origines
Et je rejoins Antiquus sur sa conclusion; le voile de la burqa est agité pour nous masquer le problème de l’immigration auquel personne n’ose s’attaquer de front.
Il convient tout simplement de convertir ces porte burqa à la vraie religion sinon les renvoyer chez eux. Tout le reste est littérature.