Par Francis Venciton
Cet article fait partie d’une suite de neuf. Les 9 articles paraissent en feuilleton, à dater du mercredi 22 septembre et les jours suivants. Fil conducteur : l’écologie. Les auteurs sont de jeunes cadres du mouvement royaliste, engagés à l’Action française. Vous apprécierez leur réflexion. Au besoin, vous en débattrez. Ces articles seront constitués en dossier, toujours consultable ici.
Pour les municipales, le grand enjeu est l’écologie. De Paris à Lyon en passant par Rambouillet et même Carcès, les candidats verdissent leurs programmes. Ne nous en plaignons pas, on donne ainsi raison à la pensée conservatrice anti-industrielle avec plus d’un siècle de retard.
Il aura fallu un long temps avant que l’on accepte l’idée que le Bernanos de La France contre les robots avait raison contre le progressisme de la grande majorité du spectre politique. Cependant, lorsqu’il est question d’écologie et de politique, il est un paradoxe frappant depuis mardi 4 février : on accepte de parler d’écologie dans tous les domaines et de partout défendre la Nature, sauf lorsqu’il s’agit de l’homme.
Il est possible de décliner l’écologie de manière capitaliste, féministe, intersectionnaliste – mais foin d’écologie humaine. Les belles âmes écologistes de la capitale considèrent que c’est un gros mot. Pourtant, sans elle, les écologistes progressistes accumulent les paradoxes : farouchement anti-OGM, ils ne voient pas d’obstacle à l’eugénisme, liés aux ciseaux moléculaires Crispr-Cas9. On dénonce la sélection des sexes des poussins par les agriculteurs et, dans le même temps, le dépistage prénatal, outil d’eugénisme soft, ne perturbe pas : que 82.2% d’embryons détectés comme trisomiques soient éliminés est bien plus terrible que les disproportions genrées chez les poussins. Heureusement, à la différence des animaux, l’homme prend soin des plus défavorisés…normalement.
L’homme est naturel
L’écologie ne peut pas avoir cet angle mort et ignorer que l’homme est naturel. En fait, ce que l’on appelle écologie humaine, c’est cette idée simple que l’homme est un animal, singulier, certes, mais animal quand même. Même si l’homme peut être « maître et possesseur de Nature », il n’en a pas moins gardé des liens avec celle-ci. Il reste en nous une petite – au moins – bribe de nature avec notre corps, notre manière d’appréhender certains phénomènes (nous n’avons aucune relation d’utilité avec la faim…) et, à un certain degré, dans notre relation au monde. Nous sentons toujours confusément que le spectacle de la nature permet de toucher quelque chose en nous. Il est toujours curieux de constater ce besoin des gens en open space d’avoir des plantes, d’amener quelque chose d’organique dans ces unités de travail qui se caractérisent par leur profonde rationalité et leurs inhumanité.
Le grand enjeu de l’écologie humaine est la question de la dignité de la personne humaine, de sa dignité et de sa préservation. Évidemment chacun de ses termes amène toute une série de problématiques : quelle est la dignité de la personne en fin de vie ? Est-ce d’abréger la vie ou de la maintenir à tout prix ? Mais ce qu’il faut surtout voir c’est qu’il est tragique de constater que l’écologie humaine existe comme concept, et surtout comme concept discutable et discuté, car elle devrait être spontanée, immédiate, insensible aux consciences. Les miracles de la naissance et de la vie échappent à nos rationalités et à la science. Dire que le croisement de gamètes mâle et femelle forme la vie, comme le déclare le consensus scientifique, ne peut apparaître que comme extrêmement réducteur de la richesse de ce phénomène. Hélas, faut-il maintenant que la question humaine soit prise entre les griffes du Marché et de la Technique ?
Désir d’enfant ?
Car l’enjeu principal aujourd’hui de l’écologie humaine est la lutte contre la marchandisation du corps. Et c’est bien de cela dont il s’agit avec le projet de loi bioéthique qui a été validé mardi 4 février par le Sénat. Avec celle-ci, la PMA sort du thérapeutique pour devenir un produit de consommation avec un droit de l’enfant, quitte à biaiser la filiation. Sans compter les joyeusetés comme les embryons-chimères dont les vertus sont vantées davantage parce qu’elles sont testées à l’international, que par leurs efficacités et sans réflexion sur les conséquences des tests.
Plus tard avec la GPA qui viendra, il s’agira d’externaliser la grossesse dans un utérus de location, comme le dit justement Baudoin de Bodinat dans Dernier Carré, et de créer par là un marché. Le propre du prolétariat, pour les marxistes, était de vendre un temps de travail et de se voir privé de la plus-value ; aujourd’hui le monde du travail ne s’intéresse pas à la force de nos bras, il fait de nous une monnaie vivante comme le pointait déjà Klossowsky dans le livre du même nom. On nous parle de la PMA comme devant répondre à un désir d’enfant, mais la cruauté du réel nous oblige bien plutôt à parler d’une volonté d’achat.
Certaines bonnes âmes espéraient que le Sénat serait l’instance de révolte contre cette loi, car le Sénat est, dit-on, plus conservateur et la droite y domine. Quand on voit ce qu’est la droite française, il y avait bien peu d’espoir à avoir. Ce que l’on nomme la droite dans les institutions est le parti de la résignation. Elle est de ce genre pervers qui prétend tenir la ligne en marchant à reculons vers le vide. Quand elle parle de ses valeurs, il y a de quoi s’esclaffer de rire. Les valeurs de la droite sont comme les valeurs boursières : on se les échange tant qu’elles deviennent anonymes, vagabondes et fluctuantes. Quant au Sénat, il n’y avait guère de raison d’avoir plus de foi en lui. Qu’attendre de sénateurs qui se contentent de jouir de strapontins qu’ils ont eus par copinage ? La sagesse qu’on leur prête n’est pas celle de l’âge ou de la réflexion, mais bien plutôt du après-moi-le-déluge. Il n’est rien à attendre de la république pour la défense de la personne humaine, car celle-ci n’est que le visage institutionnel du Capital, elle n’existe que par la communion du cynisme et d’un messianisme de l’universalisme.
On lira là-dessus avec intérêt le livre de Paul-François Paoli Aux sources du malheurs identitaires français. Il nous reste cependant la chance de lutter encore contre le projet de loi et de se rappeler que l’histoire se fait sur le temps long, mais avec des retournements rapides. Rien n’empêche de défaire ce qui a été fait et de ramener l’homme dans la nature et de le protéger autant que cette dernière. (Série à suivre) ■
À lire dans cette série écologie …
Écologie : feu la gauche
Article précédemment paru dans Présent [11 février 2020]
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source
Publié le 4 avril 2020 – Actualisé le 23 septembre 2021