Le samedi 9 janvier, François Xavier Puttalaz, professeur, était « l’invité » de Le Nouvelliste, journal quotidien valaisan:
Le Nouvelliste (Suisse) 9 janvier 2010
Il leur a donné cette très belle réflexion:
Tout art n’est-il pas sacré?
» Il n’y a aucune raison que notre temps ne connaisse pas de génies tels que Bach ou Mozart; mais il y en a une pour que ceux-ci ne produisent rien: c’est que notre culture le leur interdit. Toute concentrée sur l’individu, notre modernité tardive ne s’est-elle pas atomisée en petits îlots solitaires, tout engoncés en eux-mêmes, sans que rien jamais ne dépasse leur propre «moi» ?
Entraînée dans ce relativisme castrateur, l’activité artistique se réduit à n’être que le prolongement de l’individualité. D’où la recherche de l’effet original à tout prix, jusqu’à faire de la transgression le plus conformiste des académismes. Comment une oeuvre émergerait-elle si on la conçoit d’abord comme un simple produit ? En réalité toute oeuvre d’art est d’abord à réaliser, comme une impérieuse mission: le compositeur puise à ce qui le déborde; l’interprète aura toujours une pièce à interpréter, comme un alpiniste devant une face à escalader. Personne ne le fera à sa place. Aussi tout art est-il sacré par nature, en ce sens qu’il inscrit dans la matière qui passe ce qui le dépasse.
La musique y est inégalable: faisant abstraction de l’espace, elle réorganise la temporalité et suit le rythme de l’intériorité. Fugitive, il lui arrive d’ouvrir un soupirail sur l’absolu. Pétrie de temps, elle arrache l’âme pour la rendre contemporaine de l’éternel. Et il arrive qu’une conjonction inouïe s’établisse entre la forme musicale parfaite, émergeant de l’instrument ou de la voix, fragile support de son éphémère existence, et le désir d’infini qui pétrit l’humus de chaque humain. Cette expérience de complète harmonie est exactement celle du sacré: un jaillissement de beauté parfaite: un air de Bach, un paysage de montagne aux yeux du randonneur, une épaule nue. Tout devient grâce. C’est-à-dire gratuité.
On s’enivre alors à cet instantané d’infini, la prenant pour le bonheur même. Mais c’est là son piège: le sacré profane laisse croire, à tort, que l’homme peut par lui-même atteindre à la divine béatitude. Qu’il fera son salut tout seul. En réalité, l’art l’aura au mieux conduit jusqu’à ce seuil. C’est magnifique, mais tout reste à faire. L’art sacré profane indique alors l’art sacré religieux. Et celui-là même n’atteint son sens que lorsque la voix se tait, pour conduire à la Parole. La musique aura finalement balbutié le Verbe fait chair, oeuvre de beauté par excellence
FRANÇOIS-XAVIER PUTALLAZ professeur
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