Nous vous proposons ici et les jours suivants la lecture intégrale de l’ouvrage publié sous ce titre par Henri Massis et Robert Brasillach, chez Plon, en 1936, après que le siège de l’Alcazar se soit achevé par l’héroïque victoire des troupes du général Franco. À l’heure où la République française est devenue coutumière d’hommages assez dérisoires rendus à presque n’importe qui, le récit de la résistance victorieuse des Cadets de l’Alcazar nous rendra l’exemple du pur et véritable héroïsme. C’est presque un reportage. Il émeut souvent, il peut aussi rendre confiance.
LES CADETS DE L’ALCAZAR
Les Rouges, depuis cinq jours, ont occupé Tolède.
Dès le 22 juillet, le colonel don José Moscardo y Ituarte, commandant de l’École des Cadets, a dû s’enfermer dans l’ Alcazar avec tous ceux que l’avance des miliciens a contraints à y chercher refuge. Il y a près d’une semaine qu’ils vivent à l’abri de ses lourdes murailles, prêts à subir un siège, dont tout alors leur fait croire qu’ils verront bientôt la fin.
Cette cinquième journée a été relativement calme rien que des escarmouches entre miliciens et gardes. civils, parmi les étroites ruelles qui montent de la place Zocodovèr.
Soudain, dans le bureau du colonel, l’appel du téléphone retentit (car les assiégeants l’utilisent toujours pour transmettre leur sommation aux défenseurs de l’ Alcazar) :
— Colonel Moscardo ? interroge une voix au bout du fil.
Que lui veut-on encore? A tous les appels qu’on lui a adressés, ces jours derniers, pour qu’il consentît à se rendre, n’a-t-il pas invariablement répondu non ? Mais déjà la voix poursuit :
– Votre fils est notre prisonnier… Si vous ne vous rendez pas, nous le fusillerons.
A peine le colonel Moscardo a-t-il répondu : « Je ne me rendrai jamais ! » qu’il reconnaît, au téléphone, la voix de son fils, un jeune homme de dix-huit ans qui faisait les études d’ingénieur à Madrid et dont il ignorait encore qu’il fût à Tolède entre les mains de l’ennemi.
– Père, entend-il soudain, les hommes qui sont là disent qu’ils vont me fusiller… Rassurez-vous, ils ne me feront rien…
– Pour sauver ta vie, mon fils, ils veulent me prendre l’honneur et celui de tous ceux qui me sont confiés… Non, je ne livrerai pas l’Alcazar… Remets donc ton âme à Dieu, mon enfant, et que sa volonté soit faite.
… D’une main tremblante, le colonel Moscardo. n’a pas raccroché l’appareil qu’il entend un feu de salve déchirer l’air du soir, puis retentir jusqu’au fond du ravin qui cerne la citadelle.
Les Rouges ont tué son fils, qui est mort en criant : « Vive l’Espagne ! Vive le Christ Roi ! »
Il n’y aurait qu’à frémir, puis à s’incliner, admirer, si, dans les sanglantes ténèbres de cette guerre d’Espagne, où les fils d’une même race manifestent un égal mépris pour la mort, de tels héros ne faisaient briller de sublimes clartés.
Un si digne, un si beau, un si saint langage nous découvre le sens d’une ,lutte où sont aux prises les forces farouches, celles qui avilissent, défigurent un malheureux peuple, et les nobles énergies qui veulent sauver ce qui ne lui semble plus que des chimères : la foi, la fierté, l’honneur de l’homme espagnol et de l’homme tout court.
Toute l’histoire de l’Espagne s’inscrit ainsi dans une suite d’images violemment contrastées, couleur de sang et d’or. La résistance des Cadets de l’Alcazar est la dernière -de toutes et l’une des plus belles : elle incarne l’âme espagnole en un puissant symbole qui, dès l’abord, a transfiguré ces combats,
LE SOULÈVEMENT NATIONAL.
La très noble, la très loyale, l’impériale Tolède — dont Barrès disait de façon prophétique « Elle s’effondrera avant que de se démentir » – Tolède s’était insurgée dès les premiers jours de la Révolution.
L’ancienne capitale de l’Espagne était restée généralement fidèle aux idées nationales. Quand le Frente popular triompha, aux élections de février 1936, elle avait envoyé des députés modérés au Parlement. Mais l’agitation révolutionnaire commençait pourtant à s’y faire sentir, et des groupes d’ouvriers, affiliés aux divers partis marxistes, avaient naguère tenté d’y fomenter des troubles.
Vers le mois de juillet, après de nombreux meetings, où leurs orateurs s’étaient efforcés de rallier les masses paysannes, Tolède semblait gagnée à son tour.
Quelques semaines avant le soulèvement du général Franco, des bagarres avaient éclaté dans la ville même, entre les Cadets de l’École militaire et des vendeurs de journaux extrémistes, à qui des ouvriers s’étaient joints. Une sorte d’émeute avait même failli éclater, ce jour-là.
Pour punir les Cadets, le ministre de la Guerre Quiroga les délogea de l’Alcazar et les transféra au camp des Alijares, dont les hauteurs avoisinent la vieille citadelle. Le calme revint avec l’époque des examens, des vacances, «et les Cadets avaient déjà, pour la plupart, quitté Tolède, au jour du soulèvement.
On l’attendait pourtant. Depuis l’assassinat du député monarchiste Calvo Sotelo, toute l’Espagne vivait dans l’attente angoissée de quelque chose… Elle sentait confusément que le salut ne pourrait venir que d’une levée générale contre les bandes marxistes qui faisaient partout régner la terreur.
En moins de deux mois, du 15 février au 2 avril, sans que nul ne l’attaquât ou se défendit même contre ses violences, le Front populaire espagnol avait répandu sur tout le pays des calamités dont voici le sinistre bilan : cent quatre-vingt-dix-neuf pillages, dont 58 de monuments publics, 72 d’établissements privés, 33′ de domiciles particuliers, 36 d’églises ; cent soixante-dix-huit, incendies, dont 106 d’églises, parmi lesquelles 50 furent détruites ; cent soixante-neuf émeutes, 39 fusillades, 85 agressions qui firent 345 blessés et 74 tués.
Voilà ce que Calvo Sotelo avait dénoncé à la tribune des Cortés, avec tous les documents justificatifs à l’appui. L’homme qui avait établi un tel compte avait signé son arrêt de mort. Quelques semaines plus tard, des policiers venaient, un soir, le chercher à son domicile, et l’on retrouvait, le lendemain, dans un cimetière de Madrid son cadavre défiguré.
Mais le meurtre de Calvo Sotelo, en faisant tomber les illusions de ceux qui en gardaient encore, allait hâter la rébellion, lever les derniers scrupules du général Franco, son ami, le décider à ne plus attendre pour passer à l’action et pour prendre les armes.
Le 16 juillet au soir, quittant les îles Canaries, dont on l’a nommé gouverneur pour le tenir’ comme en exil, le général Franco rentre par avion au Maroc où sa popularité, est grande. Dès le lendemain, le mouvement insurrectionnel est déclenché.
Le 18, les premières troupes débarquent au sud de l’Espagne, prennent Algésiras, marchent sur Séville la Rouge, dont le général Queipo de Llano, avec cent cinquante hommes, s’est par miracle rendu maître ; puis, sans attendre les renforts, elles décident de gagner Madrid.
Le général Mola, de son côté, a pris le commandement des insurgés du Nord et poussé en même temps son avant-garde sur Somosierra. Presque toute l’armée s’est ainsi rangée aux côtés des vengeurs de Calvo Sotelo.
A Tolède, dès le 18 juillet, les officiers nationalistes ont rallié le mouvement, en se mettant sous les ordres du colonel Moscardo.
A l’annonce de l’insurrection, le Cadet Jaime Milan del Bosch a quitté Madrid, avec cinq de ses camarades, pour rentrer immédiatement à Tolède, où d’autres Cadets les ont rejoints le soir même.
Dans la ville, il n’y a, au reste, que six cent cinquante gardes civils qui refusent de rallier les casernes de gendarmerie de la capitale, où le gouvernement a donné l’ordre de concentrer toute la garde ; par contre, cent cinquante gardes du Tercio de Madrid sont venus se joindre à eux.
C’est avec ces huit cents hommes, commandés par le lieutenant-colonel Romero Bazar, et avec quelques officiers en stage à la fabrique d’armes, que les Cadets organisent la résistance de Tolède, où ils ont la haute main pendant les trois premiers jours.
Dès que Madrid a appris que Tolède était passée aux rebelles, le gouvernement a fait partir un corps de gardes d’assaut et de miliciens pour y rétablir la situation à son profit : et, le 18 juillet, à huit heures du soir, le général Riquelme, commandant les troupes gouvernementales, téléphone au colonel Moscardo d’avoir immédiatement à se rendre.
Mais, quelques instants plus tôt le ministère de la Guerre, où l’on ignore sans doute la rébellion de Tolède, n’a-t-il pas téléphoné de son côté au même Moscardo :
— Faites-vous livrer d’urgence le million de cartouches qui se trouvent à la fabrique d’armes, et dirigez-les au plus vite sur Madrid.
C’est ainsi que le colonel Moscardo apprend l’existence de e dépôt, dont il exige qu’il lui soit livré sur-le-champ. En même temps, il se fait remettre des fusils, des instruments de chirurgie et le stock d’armes disponibles. Quand les miliciens de Madrid arrivent, le lendemain, pour dégager la fabrique de munitions, tout a déjà pris le chemin de l’Alcazar.
Pendant trois jours, la lutte se poursuit à travers les ruelles étroites et tortueuses de Tolède, entre les hommes du général Riquelme et ceux du colonel Moscardo. Lutte de quartier à quartier, de maison à maison, où l’on se dissimule derrière les fenêtres grillées, dans l’embrasure des portes cloutées, le long de ces âpres couloirs dallés, de ces pentes pierreuses qui dévalent au flanc de la ville.
La canaille et la populace ne tardent pas à se joindre aux miliciens, dont les forces sont manifestement de beaucoup supérieures.
Pour ne point tomber entre les mains des coquins qui font la loi dans Tolède, le colonel Moscardo et les Cadets décident, le 22, de s’enfermer dans l’Alcazar avec leurs troupes, auxquelles vont bientôt se joindre tous ceux qui préfèrent soutenir un siège que se rendre. Mais les femmes ont voulu suivre leurs maris, les enfants leurs mères, et près de deux mille personnes ont réussi à’ gagner la forteresse.
Quand commence le siège, il y a dans la haute citadelle huit cents gardes civils qui vont constituer le gros de la résistance et qu’encadrent quelques officiers, les Cadets, des artilleurs détachés à la fabrique de munitions, des ingénieurs civils, deux médecins militaires, des intendants, deux cents petits Cadets de l’École de gymnastique, quatre-vingt-cinq « phalangistes de Tolède, de tout jeunes gens pour la plupart, quelques nationaux militants rassemblés – autour de M. Ardias, le propriétaire du Café–Suisse, l’un des grands cafés de la ville. L’ancien gouverneur civil, don Manuel Gonzalez Lopez, n’a pas tardé à les rejoindre.
La discipline intérieure a été placée sous la surveillance du capitaine Vela et du lieutenant Lopez Rialt, la loi martiale proclamé t dans l’enceinte de la forteresse. Tous les insurgés ont pu trouver place parmi les vastes bâtiments militaires. Et la résistance se prépare derrière les murs de ce lourd palais qui proclame du haut de son roc décharné :
« JE N’AI QUE FAIRE. D’ÊTRE BEAU. IL ME SUFFIT QUE LES MÉCHANTS TREMBLENT ET QUE LES BONS SE RASSURENT. » ■ (À suivre, demain mardi)
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source
L’honneur es la plus noble raison d’accepter de perdre la vie pour elle. Celui, ou celle, qui perd la vie pour préserver son honneur et celui des siens, même s’il meurt, aura vaincu.
Le contraire de l’honneur c’est la dissimulation, le reniement, la taquiya et la soumission
En faisant l’autre jour quelques recherches sur Mireille Balin (la star de Pépé le Moko, avec Jean Gabin), je me suis aperçu qu’elle avait tourné, en 1940, sous la direction du réalisateur italien Augusto Genina un »Siège de l’Alcazar », que j’aimerais bien voir sans le moindre espoir de voir jamais mon vœu exaucé, car le film ne sera sans doute jamais édité en DVD.
Il est certain que 1940 n’était pas une date formidable pour se produire dans un film dédié à l’héroïsme des Cadets qui, sous la direction du colonel Moscardo, défendirent la citadelle de Tolède du 22 juillet au 26 septembre 1936, pour un des épisodes les plus mythiques de la Guerre civile d’Espagne, qui en compte tant. Mais on choisit rarement l’époque idéale, et Mireille Balin, jolie fille écervelée qui, plus tard se prit de passion pour un colonel autrichien et fut violée à la Libération, n’était pas une tête très calculatrice.
Eh bien ! justement le film italien est sur la toile ! Et il n’est pas trop carabiniérisé.
Quant à la passion de Mireille Balin pour son colonel autrichien, moi j’ai envie de les défendre toutes les deux. Il faut sortir les passions amoureuses de l’orbite de la guerre. Je n’apprendrai pas à M. Builly la réponse d’Arletty – vraie ou fausse – au président du tribunal qui lui demandait comment il se faisait que son patriotisme n’ait pas empêché ses « amours » coupables. Réplique extraordinaire et superbe.
Une bonne initiative avec un livre de qualité ; accessoirement cette publication sera une bonne réponse à ceux qui sont allés sortir le général Franco de son caveau .
Le commentaire de Pierre Builly est juste .
Cela fait songer à l’observation qu’ [il n’y a pas de pacifiste en temps de guerre ] ; dans le cas évoqué il s »avère qu’ il n’ y a pas , non plus de « féminisme » , même par simple humanité , en temps d’ épreuve . Bien au contraire .
Ami Di Guardia, j’ai bien vu que « Les cadets de l’Alcazar » figure sur YouTube mais, outre que la version présentée est d’une qualité technique très médiocre, il est présenté en italien non sous-titré ; et à mon grand, mon immense regret, je ne connais pas la belle langue italienne, si harmonieuse et si proche de nous… J’aurais mieux fait d’apprendre cette langue. là que l’arrogant allemand qui ne m’a jamais servi à rien et que je me suis dépêché d’oublier.
Et il est bien évident que je n’ai pas à reprocher quoi que ce soit à Mireille Balin (pas plus qu’à quiconque) des amours qui lui ont porté tort. Moins pudique que vous, je citerai volontiers à nos amis qui pourraient l’ignorer la belle réplique qu’Arletty a faite à ceux qui lui reprochaient d’avoir couché avec des Allemands : « Mon coeur est français, mais mon cul est international ! »
oserait-on ça aujourd’hui ?
Pour ça, elle mériterait d’entrer au Panthéon (où je verrais bien aussi Joséphine Baker, corps parfait, amour de la France, action dans la Résistance, grand coeur généreux).