Par Marc VERGIER
Il y a sûrement parmi les lecteurs de Je Suis Français des fidèles des chroniques campagnolesques de Ch. Combaz.
Gustave, Léon et lui forment un savoureux trio de mal-pensants rouspéteurs face à l’antipathique « M. Brun » local, « l’abonné au Monde ». On pense à la loupe braquée sur le village d’Astérix (loupe, paraît-il, supprimée des dernières éditions ; trop gauloise, pas assez convertie au Monde).
Pour la Saint-Louis, la petite équipe et ses « invités » (comme on dit à la télé) s’élèvent à des hauteurs inhabituelles : la mort, l’humanité, la liberté…, la philosophie en un mot, à quoi s’ajoute une réjouissante tirade sur les « scientifiques ». Cet adjectif substantivé m’exaspère. Une méthode, un état d’esprit, admirables sans aucun doute, s’incarneraient-ils en de certains jusqu’à en faire des purs esprits ? Ou bien s’agit-il, automatiquement, paresseusement, pitoyablement, servilement de traduire l’anglais « scientist » ? La langue anglaise distingue clairement ses « scientists » (chercheurs, expérimentateurs, laborantins, trucologues ou chosologistes…) de leurs « scientific » activités. Chez nous, à en croire nos ondes vibrionnantes, l’individu en question ne mange plus, ne dort plus, ne gagne plus sa vie, n’élève plus ses enfants et ne trompe plus sa moitié que… scientifiquement. Questions: ont-ils été scientifiquement désignés, en double aveugle, ou par piston, techniquement donc, ou népotiquement (ça se pratique en médecine) et jusqu’à quel âge ou quels errements le titre est-il valable ?
Scientiste, aussi péjoratif que ce mot sonne en français, serait plus à propos que « scientifique ». On se croirait, en effet, revenu au scientisme d’il y a plus d’un siècle. La science comme seul discours légitime, excluant morale, esthétique, sentiments, passions, originalité, mystère…. Une aubaine pour les esprits étriqués mais fats de nos médiateurs et propagandistes. Ils adorent aussi la « science » économique qui facilite d’interminables homélies décervelées. Pourquoi donc nos derniers marxistes n’auraient-ils pas, eux aussi, droit au titre de (socialistes-) scientifiques ? Va-t-on rebaptiser « scientifiques » nos piteux économistes pour leur redonner du crédit (pardon ! de la crédibilité) ?
Crédit encore : les revues scientifiques voient le leur baisser quelque peu. c’est l’occasion de rappeler, en passant, comment Robert Maxwell (le père de Ghislaine) a bâti sa fortune. Sa maison d’édition, Pergamon, après avoir absorbé quelques vénérables et peu rentables éditeurs de revues savantes, a , suivie par d’autres (de conserve ?), multiplié le nombre de revues, toujours plus spécialisées, toujours plus coûteuses, au détriment de la clientèle captive des universités et autres institutions de recherche. Ces dernières commenceraient à se révolter, pourquoi pas nous ?
Les amis de Ch. Combaz nous rappellent opportunément qu’un médecin soigne, s’appuyant sur la science autant qu’il peut ; de même l’ingénieur quand il bâtit. Mais soigner, comme bâtir, est une affaire, un art trop compliqués pour nos vulgarisateurs et leurs scientifiques en chambre. Une piqûre de rappel bienvenue contre la pandémie scientiste. A déguster donc. ■
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