Quatrième de couverture:
« Après le récit de ces atrocités, je ne peux plus écouter les défenseurs de l’immobilisme de la même façon…. Il est vrai que les causes se bousculent au portillon de l’indignation. Mais ce silence envers ceux dont nous avons été si proches et qui nous font confiance frise l’indécence…. Les chrétiens d’Orient n’ont pas le vent en poupe, avec leur encens et leurs dialectes antiques, tenus pour réactionnaires dans nos pays, alors qu’ils sont à la pointe du progrès dans les leurs. J’aimerais voir les ardents partisans des grandes idées généreuses s’engager auprès des orientaux baptisés, lire des manifestes, signer des pétitions d’universitaires pour la défense des persécutés, ceci au nom des mêmes valeurs de liberté, de diversité et de tolérance, que l’on accorde sans sourciller à d’autres causes. »
En Irak, les deux dernières années furent particulièrement meurtrières pour les chrétiens d’Orient : en octobre, des prêtres, des femmes et des enfants ont été assassinés. Ce regain de violence fait suite aux attentats qui, depuis cinq ans, visent les Églises chrétiennes aux quatre coins du pays. Du jour au lendemain, plus de 12 000 chrétiens se sont réfugiés dans des villages au pied des montagnes. Un tel exil n’avait jamais été observé depuis… des siècles. Là, ils trouvent la protection armée – une milice de 2 000 hommes – rémunérée par le ministre chrétien du gouvernement du Kurdistan autonome. Cela sera-t-il suffisant ? Qui veut mettre fin à la présence deux fois millénaire des chrétiens d’Orient en Mésopotamie ?
Au rythme actuel des massacres et de l’émigration, il n’y aura plus de chrétiens dans leur berceau originel. Quelques années suffiront à clore les chapitres d’une présence que les invasions arabes, turques et mongoles n’avaient pourtant pas entamée. Ce n’est pas seulement un cri de détresse, c’est le constat amer d’une réalité qui rappelle les massacres de 1915 en Turquie, ceux de 1933 en Irak.
Sébastien de Courtois est parti à la rencontre de ces exilés entre le nord de l’Irak, la Syrie et la Turquie. Il nous en livre un récit vivant, et donne la parole à ces populations qui souffrent ainsi qu’à des grandes figures, comme le ministre chrétien Sarkis Aghajan du gouvernement autonome du Kurdistan, (d’où vient l’argent ? qui le protège ?) ou de l’évêque syriaque d’Alep, qui aide les deux cent mille chrétiens réfugiés en Syrie. Un livre-témoignage qui fera date.
Pour en savoir plus sur les chrétiens d’Orient: De Michel Gurfinkiel, dans drzz-info.pdf
I : Le nombre de chrétiens divisé par deux en Irak
Propos recueillis par J.-M. G. 24/12/2009 Le Figaro
Sébastien de Courtois est chercheur à l’École pratique des hautes études et auteur du «Nouveau Défi des chrétiens d’Orient, d’Istanbul à Bagdad»
Où les chrétiens ont-ils le plus souffert cette année ? En Irak, sans hésitation. Il n’y a pas de baisse de tension dans la campagne de violences initiée contre eux depuis 2003. Ils sont combattus pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire «chrétiens». À l’approche des fêtes de Noël, puis de l’Épiphanie, le gouvernement irakien a promis sa protection à une communauté traumatisée. En un an, des dizaines de chrétiens ont été assassinés à Mossoul. Douze mille ont quitté la ville. La semaine dernière, pour la première fois, une école chrétienne a été la cible des extrémistes.
Quelle est l’ampleur de leur diaspora au Proche-Orient ? D’une population estimée à 800 000 chrétiens, il n’en resterait plus que la moitié en Irak. Ils ont quitté les grandes villes, Bagdad, Bassora, et Mossoul, pour la région kurde. Mais ils sont également partis pour la Jordanie, la Syrie, l’Iran, le Liban et la Turquie. Où ils espèrent des visas pour l’Europe et le Nouveau Monde.
Quel est le défi principal des chrétiens en situation minoritaire ? Chaque situation est différente. Au Proche-Orient, la question est simple : peuvent-ils continuer à vivre dans des pays où le fondamentalisme veut en faire des étrangers ! Souvent, ils en sont les habitants les plus anciens
II : De Malek Chebel, islamologue
« De nouveau, le livre de Sébastien de Courtois tire la sonnette d’alarme : dans peu de temps, il n’y aura plus de Chrétiens en terre d’Orient, ni en Turquie, ni en Syrie, ni en Irak. Partout où les derniers Chrétiens tentent de donner de la couleur à ces pays et garantir une diversité confessionnelle en lieu et place du monolithisme de la terreur, …partout, ils sont menacés d’extermination. A lire ces pages, à les relire, je me dis : « Quelle tristesse que le nom de l’islam soit ainsi souillé par quelques-uns au nom d’une pureté de la terre qui appartient au même Dieu. » Ce récit froid et sans haine de Sébastien de Courtois nous oblige à voir la réalité en face. Elle n’est pas belle. Il faut prendre conscience, il faut agir. »
III : De Annie Laurent
Le calvaire des chrétiens du Proche-Orient est-il une fatalité ? La question vient à l’esprit en lisant le nouvel épisode tragique que retrace Sébastien de Courtois.
Il s’agit ici des chrétiens d’Irak que l’écrasement du régime de Saddam Hussein par l’armée américaine, en 2003, a précipités dans l’horreur absolue. Pour ceux qui en réchappent, une seule solution : l’exode. Le récit s’ouvre d’ailleurs par une visite de l’auteur à des réfugiés assyro-chaldéens en transit à Istanbul, ce qui lui donne le désir d’aller voir sur place. Il y recueille des témoignages poignants, prend connaissance d’un martyrologe terrifiant jusqu’à l’écœurement, constate que la situation des chrétiens de Bagdad et Mossoul accueillis au Kurdistan n’est pas aussi rose que le dit la presse occidentale.
Dans ce reportage, au style coloré, Courtois, qui écrit en baptisé décomplexé, regrette l’abandon de nos coreligionnaires orientaux, devenus gênants pour un Occident post-chrétien, livrant au passage quelques réflexions fort justes sur les rapports avec un islam en voie de radicalisation accélérée.
IV: Du blog dubretzelausimit, samedi 19 décembre 2009
Et pourtant, dans sa prime jeunesse, Sébastien rêvait déjà de Constantinople où son arrière grand-père travaillait pour la Banque Ottomane. Après des études de Droit et un Doctorat d’Histoire à l’Ecole des Hautes-Etudes à la Sorbonne, il travaille en mai 1997 dans un service juridique parisien. Un ami, désireux de découvrir la région du lac de Van et les églises arméniennes qui s’y trouvent, en particulier celle d’Akdamar, lui propose de l’accompagner. Sébastien se souvient parfaitement de cette première escapade en Turquie, dans une zone où les barrages et les contrôles d’identité sur les routes étaient fréquents et le couvre-feu de mise. De Bitlis, le destin va l’amener à Mardin au lieu de DiyarbakIr, après être monté dans le mauvais mini-bus. En sortant de la gare routière, la route de Sébastien – qui ignorait la présence de chrétiens dans cette partie du pays – croise celle d’un prêtre chaldéen francophone qui a fait ses études au séminaire Saint-Jean de Mossoul en Irak.
Cet homme de foi qui parle l’araméen – la langue du Christ – éveille son intérêt. Il le surprend aussi, notamment quand il l’invite à poursuivre son chemin à Tur Abdin, cette région englobant une partie de la province de Mardin et de celle de Sirnak et dont le nom signifie en syriaque « la montagne des serviteurs de Dieu ». Sébastien va finalement se rendre à Mydiat et passera quelques jours au monastère syriaque Mor Gabriel. C’est l’occasion pour lui de visiter de très anciennes églises et des villages chrétiens dont de nombreux habitants ont pour langue maternelle le syriaque.Ce voyage initiatique avec les chrétiens d’Orient opère un déclic dans la vie du jeune homme qui décide de consacrer sa recherche historique et sa plume à cette communauté. Les publications sur le sujet sont rares, si rares que Sébastien décide de réaliser un livre de photos qui permet de mêler la beauté des paysages avec celles des monuments et des hommes. En 2000 et 2001, Sébastien retourne à Tur Abdin à quatre reprises avec Douchan Novakovic, photographe serbe, et son premier livre « Les derniers Araméens – le peuple oublié de Jésus » paraît finalement en 2004.
L’auteur, qui exerce une fonction d’attaché parlementaire au Sénat depuis 2003, entame, après cette première publication, une carrière journalistique. Il propose des reportages au Figaro Magazine, fasciné par l’écriture, le journalisme et le voyage qu’il souhaite associer par la même occasion. Il a d’ailleurs rédigé son premier article pour le quotidien du Figaro à l’âge de 19 ans… Il finit par quitter le Sénat en 2005 et continue sa thèse d’histoire sur les syriaques de Turquie en vivant des articles vendus au Figaro Magazine, à Géo, Grands Reportages et à d’autres titres de la presse magazine liés au voyage. Il confirme ainsi sa spécificité d’historien sur les chrétiens d’Orient. « Chrétiens d’Orient sur la route de la Soie, dans les pas des nestoriens », son second ouvrage publié fin 2007, allie le récit de voyage qui aura mené son auteur durant quatre mois d’Istanbul à Pékin en train, en bus … et à cheval, et l’histoire.
En 2008, Sébastien s’installe à Istanbul, ville à laquelle il se sent appartenir. Sans le savoir jusqu’à une époque récente, son premier logement se trouve dans l’immeuble mitoyen à celui occupé il y a bien longtemps par son arrière grand-père… Le passé a rattrapé le présent ! Début 2009, « Périple en Turquie Chrétienne » apparaît dans les rayonnages des libraires. Cet ouvrage est le fruit de deux mois de périple dans les rues d’Istanbul mais aussi à Antioche, ville du sud-est de la Turquie dans laquelle, selon les actes des Apôtres, le terme de chrétien a été utilisé pour la première fois, à Tarsus, Konya, Ephèse, Izmir, Bursa, Iznik, Ankara, Trabzon, Van et Tur Abdin. Il met en avant l’héritage historique chrétien de la Turquie en faisant également le point sur la situation des minorités chrétiennes dans le pays.
Au mois d’octobre vient de paraître « Le nouveau défi des chrétiens d’Orient : d’Istanbul à Bagdad ». Ce dernier livre donne la parole aux réfugiés chrétiens d’Irak, tenus de s’exiler en Turquie ou en Syrie pour fuir la persécution qui sévit dans leur patrie.
A travers les différentes œuvres qui ont vu le jour grâce à la plume de Sébastien de Courtois, un pan d’histoire souvent méconnu est ainsi accessible au grand public. Leur lecture permet de mieux connaître à la fois le passé important des chrétiens d’Orient et leur place dans l’histoire de la Turquie.
Maronites, coptes, melkites, syriaques, arméniens, assyriens, chaldéens, grecs-orthodoxes, éthiopiens-catholiques, outre des catholiques et des protestants… Comment peut-on être un chrétien d’Orient ! se dit l’Occidental déchristianisé, assis sur sa Sécurité sociale et persuadé que le monde se limite à la béatitude démocratique. N’ont-ils pas, ces chrétiens, ce qu’ils méritent, c’est-à-dire le tort d’être divisés en trop d’Eglises aux noms étranges, quasi sectaires, probablement obscurantistes ? Existent-ils même, puisqu’ils ne passent jamais à la télévision, sauf pour Noël, à Bethléem, et que les écrivains ne s’y intéressent pas, à l’exception de Jean Rolin, qui a consacré aux chrétiens de Palestine, espèce rare, un livre, « Chrétiens », dans lequel le regard de l’écrivain était nu : un Européen les découvrait, ces chrétiens d’Orient dont on ne sait à peu près rien en Occident, avant tout parce qu’on n’en veut rien savoir.
Il se peut qu’ils soient morts politiquement entre 1975 et 1989 (avec la guerre civile du Liban), poumon de la chrétienté orientale. Respectés en Syrie, dans la paradoxale main de fer de l’alaouite Assad, ils sont menacés, brimés, exilés ou tués en Egypte, en Turquie, en Irak, où la cynique importation de la démocratie américaine entraîne des assassinats et un exode massif : plus de 200 000 chrétiens, sur 400 000, ont déjà quitté le pays.
En vain attend-on l’indignation des pleureuses d’Europe ou des Etats-Unis.Toute paix, même la pseudo-paix des braves, suppose un vaincu, lequel ne saurait être les juifs, ni les musulmans, ni même les Kurdes, qui ont retrouvé leur territoire. Est-il illégitime de penser, hors toute théorie du complot mais selon le mécanisme de la victime émissaire cher à René Girard, que ce seront les chrétiens, dans leur ensemble, qui seront sacrifiés sur l’autel de la paix au Proche-Orient ? La raison d’Etat suppose l’horreur sacrificielle. Et puis ces chrétiens relèvent, après tout, de la grande complexité asiatique. Ils maintiennent une foi si vive, si lumineuse, si traditionnelle qu’ils seraient la version insoupçonnée de l’intégrisme islamique. Nous autres, modernes, socialistes, francs-maçons, féministes, écologistes, agnostiques, laïques, qui avons depuis longtemps jeté aux orties ces croyances arriérées, n’avons-nous pas raison de mettre tout ça dans le même sac ?
En vérité, nous creusons notre propre tombe : le sort des chrétiens d’Orient est exemplaire de ce qui se passe quand on nie la dimension spirituelle du monde. L’invisible n’est pas uniquement une affaire de fantômes ni l’origine réductible à la seule génétique. Entrez dans une église d’Orient ; vous y entendrez ce que le silence des églises d’Occident vous cache : le bruissement des anges. C’est nous autres, Européens, qui, en ayant refusé d’inscrire dans la Constitution de l’Union le caractère chrétien de nos racines, rendons possible une éradication programmée, et déjà effective : vidée de ses chrétiens, soit de ses éléments souvent les plus instruits, les plus ouverts, les plus modernes, cette région du monde sera musulmane, à l’exception d’Israël. Nous nous renions : la mort des chrétiens orientaux est le signe non seulement de notre honte mais de la mort de notre civilisation. Ils meurent silencieusement de ce que nous ne voulons être chrétiens. Jean Rolin publie ces jours-ci un livre sur les chiens errants de par le monde : il se peut que ce soit une métaphore, inattendue, de notre condition. Nous autres, ex-chrétiens des contrées repues, nous sommes devenus les chiens errants de l’Occident
Par Richard MILLET – Ecrivain, éditeur. In : « La confession négative » (Gallimard) .