On pourrait dire bien des choses sur ce téléfilm. On s’en tiendra ici, comme nous le disons chaque fois, non à la critique cinématographique traditionnelle -qui n’est pas de notre ressort- mais aux leçons politiques…..
Et la principale d’entre elles est cette évidence hallucinante, dès les premières images, dès les premiers instants, de « débâcle », de « débandade », de catastrophe « pire que toutes les précédentes » de notre histoire; cette impréparation manifeste de la France et de son armée au conflit, qui happe littéralement le spectateur, sans fioritures, dès le début du film.
Et la question vient d’elle même, s’impose d’évidence: Mais qui est responsable de tout cela ? Qui est coupable ? Qui était au pouvoir, « avant », et porte donc la responsabilité de cette impréparation et des catastrophes infinies qui s’en sont ensuivies, tant civiles que militaires ?
De toute évidence, même s’il faut remonter jusqu’au pacifisme militant hérité de la première Guerre mondiale, c’est bien le Front populaire qui est en cause. Et la Chambre -inchangée depuis sa victoire, le 3 mai 1936, avec 378 sièges contre 220. (Radicaux:106, Communistes: 72, Socialistes: 149), jusqu’à une débâcle dont elle porte la plus grande part de responsabilité.
Michel Mourre écrit, par euphémisme, que « le Front Populaire n’allait pas se montrer, au pouvoir, à la hauteur des grands espoirs qu’il avait eveillés ». Alors que, manifestement, la guerre arrivait, il est frappant de voir comment, par pacifisme -donc par idéologie- ou par incompréhension des problèmes, manque de courage, d’intelligence ou tout simplement de lucidité, la Chambre du Front Populaire n’a pas utilisé les trois années dont elle disposait pour armer la France et la préparer à la guerre.
De Gaulle a raconté à son fils Philippe comment il était, un jour, sorti furieux d’un entretien avec Léon Blum: à lui, De Gaulle, qui le pressait de prendre des mesures afin de renforcer les capacités militaires du pays, Blum venait de répondre en substance qu’il ne pouvait pas, lui le pacifiste de toujours, voter des crédits militaires….
On connaît la suite…. que nous rappelle crûment, sans fioritures ni circonlocutions, le téléfilm. Qui nous l’assène, même….
Ce fut la même Chambre du Front Populaire, et la même majorité de gauche, qui devait s’enfuir en toute hâte et dans la plus grande panique, le 10 juillet 1940, non sans avoir au préalable voté les pleins pouvoirs… au Maréchal Pétain !
Et dont ceux qui sont à la fois les supporteurs et les héritiers reviendront, en 1945, pour imposer une vérité officielle dont l’un des premiers buts sera, justement, de faire oublier cette responsabilité écrasante, et première, de leur « camp », dans la défaite et toutes les horreurs qui en découlèrent ! On les verra alors, en 45 et depuis, hurler d’autant plus fort que leur responsabilité était immense, et évidente.
C’est d’ailleurs la responsabilité globale de tout le « système » qui est en cause, c’est lui qui s’effondre, l’été 40, droite et gauche confondues, car Paul Reynaud n’est pas un homme de gauche et ses velléités guerrières feront long feu ; l’Etat Major militaire, par son immobilisme, n’est pas, non plus, tout à fait innocent de la défaite. A vrai dire, c’est un courant de défaitisme généralisé, celui du « système », en tout cas sa résignation au pire, qui provoque l’effondrement de juin 40 … Sur ce point, comme plus tard sur d’autres, Charles De Gaulle et Jacques Benoist-Méchin sont paradoxalement d’accord … Car De Gaulle n’était pas le seul à vouloir ardemment une armée moderne pour la France…..
Par un prodigieux tour de passe passe, qui doit tout à la chance historique et à l’habileté tactique (2) les continuateurs/héritiers des premiers collabos réussirent -en 1945- à occulter le fait qu’il y avait eu autant -sinon largement plus…- de collaborateurs à gauche qu’ailleurs; et autant -sinon largement plus…- de résistants ailleurs, qu’à gauche; chez nous, par exemple, dans les rangs des traditionalistes. En somme, et en forçant à peine, on pourrait dire que, lors de la sinistre Epuration, les premiers collabos liquidèrent-ils -au propre et au figuré- une partie des premiers résistants…..
A noter, toutefois, et pour s’en réjouir, que cette vérité officielle se fissure et craque de toutes part aujourd’hui, le meilleur exemple en étant donné, justement, par ce téléfilm de France 2…..
(1) : « Ce jour-là tout a changé: l’Appel du 18 juin », film TV de Félix Olivier, avec Michel Vuillermoz (de Gaulle) et Christian Rodska (Churchill).
(2) : alors que, pour ne parler que de nous, Maurras, déjà très âgé, et isolé, manqua de soutiens et de conseils et, à l’évidence, d’habileté tactique et manoeuvrière….
Sans oublier les militants communistes arrêtés avant la guerre par le gouvernement Daladier pour menées anti-françaises, et qui ont été libérés après l’armistice en déclarant qu’ils avaient été emprisonnés parcequ’ils soutenaient le pacte germano-soviétique.
Sans oublier non plus, Maurice Thorezqui s’est enfui lâchement en URSS au moment de la guerre et qui à pu, le conflit terminé, rentrer au pays comme s’il ne s’était rien passé, avec la bénédiction de de Gaulle etc…..
Le pacte germano-soviétique, dicté par l’intérêt immédiat des deux nations et par leurs visées réciproques du moment, n’est, évidemment, pas volontiers évoqué, dans l’univers politique français, où ce qu’il reste du Parti Communiste n’est pas, pour autant, frappé d’ostracisme.
Peut-on encore comprendre ce qui s’est passé à ce moment-là ? L’Internationale Communiste était, alors, une religion, dont le Vatican était à Moscou. Moscou était l’unique horizon du PCF. Le pacte germano-soviétique est signé le 23 août 39; la guerre éclate le 3 septembre; elle est immédiatement dénoncée par le Parti, comme « impérialiste »; Thorez, en garnison, reçoit de l’IC l’ordre de déserter et de gagner Moscou; il y restera jusqu’à la fin de la guerre. Un peu comme le président Albert Lebrun passera au château de Vizille, résidence des présidents de la République, toute la période de l’occupation. Drôle de système, drôle de régime !
Après la rupture du pacte germano-soviétique et la guerre qui s’ensuivit, on se souvient que, tout aussitôt, les communistes français se lancèrent dans la résistance, dont ils devinrent l’une des composantes principales, à tel point qu’à la faveur des désordres de la libération du territoire, le risque qu’ils s’emparent du pouvoir put apparaître bien réel …
Nous avons vécu, après la guerre, toute une période où le Parti Communiste a pu représenter jusqu’au quart des Français et où, la puissance de son organisation, relayée de multiples façons, constituait une réelle menace révolutionnaire.
Les vieillards du Kremlin, enfermés dans leur religion surannée, devinrent, en fait, peu à peu, « globalement » de pacifiques conservateurs, jusqu’à l’effondrement final de 1989.
Cette époque, qui fut, aussi, celle de la guerre froide, semble, aujourd’hui, comme ressurgie d’un temps très ancien, très éloigné du nôtre. Comme le temps passe ! Comme les mémoires sont courtes ! Et comme est faible le bon sens des modernes qui croient que la situation présente et son mou pacifisme, sa soft idéologie, son mercantilisme mondialisé sont faits pour durer, qu’ils ont les promesses de l’éternité … Après tout, les peuples inconscients de l’entre-deux-guerres y avaient cru aussi… Mais, à certains moments, au contraire, les bouleversements de l’Histoire vont vite; ils sont radicaux; ils rebattent les cartes. Pour ce qui nous concerne, en tout cas, selon mon avis, l’état de nos sociétés est tel que nous n’avons pas grand chose à redouter de ceux qui pourraient survenir …
Pour revenir l’amnistie de Thorez, elle est en la crconstance d’une gravité exceptionnelle. Alors que le conflit mondial n’est pas achevé, la décision de de Gaulle revient à passer l’éponge sur un acte pour lequel, même dans le cas d’une simple tentative, on fusillait su-le-champ pendant la guerre de 1914.
La désertion de Thorez a une dimension nationale. Or, c’est lui que de Gaulle amnistie. Et c’est l’ancien vainqueur de Verdun qu’il fera condamner à mort par sa justice.
A propos de ce documentaire particulièrement intéressant, l’esprit de débâcle, de renoncement et de résignation face à la soi-disante fatalité, me rappelle étrangement quelqu’un qui se veut héritier du Général de Gaulle, en s’aplatissant devant les diktats d’Angela Merkel, de la commission européenne de Bruxelles et des marchés, un certain Nicolas SARKOZY, dont le discours ambiant a des relents de « C’est le cœur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser le combat… »
Le Général doit se retourner dans sa tombe, de nous voir descendre si bas.