Nous vous proposons ici et les jours suivants la lecture intégrale de l’ouvrage publié sous ce titre par Henri Massis et Robert Brasillach, chez Plon, en 1936, après que le siège de l’Alcazar se soit achevé par l’héroïque victoire des troupes du général Franco. À l’heure où la République française est devenue coutumière d’hommages assez dérisoires rendus à presque n’importe qui, le récit de la résistance victorieuse des Cadets de l’Alcazar nous rendra l’exemple du pur et véritable héroïsme. C’est presque un reportage. Il émeut souvent, il peut aussi rendre confiance.
Comme chaque jour, une trêve s’établit au début de l’après-midi, puis la lutte reprend vers 4 heures.
L’artillerie maintenant fait rage sur ce chaos de ruines calcinées. Les pièces de 155 prennent pour cible l’unique tour de l’Alcazar encore debout, et les pièces de 75 s’acharnent sur le Gouvernement militaire. Un percutant de 155 pénètre par une brèche jusqu’au bureau du colonel Moscardo.
A 5 heures du soir, trois avions de bombardement appartenant au général Franco volent au-dessus de Tolède. Avant que les avions gouvernementaux ne les prennent en chasse, ils parviennent à jeter des vivres aux assiégés et à lancer un message qui leur annonce la prochaine arrivée de la colonne Yague.
A 6 heures, accompagné de ses officiers d’ordonnance, on voit apparaître Largo Caballero qui visite les emplacements d’artillerie, puis rentre à l’hôtel des Postes, où il a une longue entrevue avec le général Asensio. Le Chef du gouvernement ne se dissimule pas que la situation est grave. Si l’Alcazar n’est pas tombé dans les vingt-quatre heures, ne doit-on pas craindre l’approche – foudroyante – de Franco ? Aussi le gouvernement a-t-il besoin des dix-mille hommes qu’actuellement il immobilise pour réduire une forteresse en ruines. Il importe que le général Asensio s’en rende compte et qu’il se hâte. Dès le départ de Caballero, le tir de l’artillerie redouble encore d’intensité. Les forces gouvernementales réussissent à prendre pied dans certaines dépendances de la forteresse, mais elles en sont vite délogées.
Auparavant, un groupe de miliciens de la Fédération anarchiste se glisse jusqu’aux anciennes cuisines pour y répandre plusieurs bidons d’essence et y mettre le feu. Des langues de flamme surgissent tout à coup au ras du sol. L’incendie monte et va durer toute la nuit. C’est à ses lueurs que se dirigent les troupes nationales qui se demandent avec angoisse si elles arriveront à temps.
VERS LA DÉLIVRANCE
Le matin du 21 septembre, les miliciens réussissent à s’emparer d’un garde-civil de l’Alcazar. Traduit aussitôt devant le, tribunal d’exception – qui siège en permanence et fait régner depuis deux mois la terreur sur Tolède, – il déclare avoir pris part à la répression du mouvement des Asturies en octobre 1934. Il est condamné à mort et fusillé sur-le-champ.
Pendant la journée, aucun coup de main n’est ‘ tenté de part ni d’autre. Mais, sous le feu de l’artillerie, la dernière des quatre tours de l’Alcazar achève de s’effondrer. Il n’y a d’ailleurs plus un homme dans ce qui reste encore des bâtiments supérieurs de la forteresse, et les assiégés ont fini par abandonner toutes les positions qui l’entourent.
Le perpétuel éclatement des bombes, l’effroi des explosions menaçantes, les difficultés sans cesse accrues de ce siège interminable, tout serait bien fait pour abattre le courage d’âmes moins intrépides. La situation, à l’intérieur de l’Alcazar, devient, en effet, de plus en plus effroyable. La nourriture diminue de jour en jour, l’eau doit être impitoyablement rationnée. Les blessés augmentent et les blessures s’aggravent. Les médecins, les religieuses, ne peuvent prendre le moindre repos. Les opérations sont affreusement pénibles, car le chloroforme manque et l’on opère sans anesthésie. Des infirmiers improvisés doivent maintenir vigoureusement les malheureux blessés sur la table d’opération, qu’on vient de transporter dans une salle basse recouverte d’un immense tapis rouge bruni par le sang.
Malgré la mort toujours présente, le tumulte infernal, l’odeur de charnier, l’espérance s’est installée dans la forteresse et lui fait une invincible ceinture.
Des avions nationaux, de plus en plus nombreux, survolent l’Alcazar et jettent chaque jour des messages recommandant à ses défenseurs de tenir coûte que coûte.
Cependant les forces de Franco ont pris Macada. Les avant-gardes du lieutenant-colonel Casteljon sont arrivées, le 24, à seize kilomètres de Tolède. Et déjà les hommes de guet ont vu les pièces d’artillerie des Alijares, jusqu’alors pointées vers la citadelle, se détourner pour prendre la route d’Avila sous leur tir. Une telle manœuvre est le signe que l’armée nationale est en marche et que la délivrance est proche.
DERNIER ASSAUT
Le 25 septembre, les Rouges donnent l’assaut suprême. Il est quatre heures du matin quand ils font sauter la dernière des mines, si péniblement posées par les hommes des Asturies. La terre semble s’ouvrir, la ville s’écrouler d’un seul coup, dans un fracas épouvantable. Des murs entiers volent à travers l’espace et retombent au loin ; le châssis d’un camion automobile, arrêté au pied de l’Alcazar, est projeté dans la cour du couvent de San Domingo, de l’autre côté de Tolède. L’entonnoir ouvert par l’explosion a cent mètres de diamètre, soixante-dix de profondeur. Et de la place Zocodover, où ils étaient sous pression, les tanks s’engagent, à travers le sol défoncé, parmi les crevasses béantes. Mais voici que, du milieu des décombres, resurgissent ces insurgés diaboliques qu’aucune explosion ne saurait atteindre. A coups de grenades, ils attaquent les assaillants et les repoussent une fois encore.
C’est la fin… La délivrance n’est plus qu’une question d’instants. Au cours de la journée, une sorte de trêve commence, au reste, à s’établir. Deux gardes d’assaut ont, une dernière fois, tenté de s’approcher de l’Alcazar avec des bombes incendiaires. L’un d’eux est tué… Son camarade supplie le Cadet de garde de lui laisser emporter le corps de son compagnon — ce qu’on l’autorise à faire, dès qu’il a mis bas les armes. Dans la nuit, à la faveur d’un violent orage, des phalangistes et des Cadets quittent la forteresse et pénètrent jusqu’aux faubourgs où ils s’emparent d’une ample provision de vivres ; ils regagnent leurs souterrains, sans avoir été une seule fois alertés.
A Madrid, le gouvernement se désintéresse de l’Alcazar (Largo Caballero l’a dit à mots couverts au général Asensio). On ne songe plus qu’à dégarnir la ville en hâte et à retirer les troupes, pour les envoyer au plus vite en direction de Torijos et de Talavera, où elles vont se heurter aux soldats du colonel Casteljon qui coupent déjà presque toutes les routes et commencent à cerner Tolède.
Le 26 septembre, à 6 heures du soir, l’avant-garde de Franco, la colonne Yague, devenue la colonne Varela [Général Varela, photo], arrive aux portes de la ville. A moins d’un kilomètre des remparts, une autre colonne vient de prendre la formation de combat. Une liaison par signaux est immédiatement établie avec l’Alcazar, dont commence le soixante-huitième jour de siège. ■ (À suivre, demain vendredi).
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