Telle est la seule raison, du point de vue historique, pour laquelle la Wallonie, aujourd’hui, n’est pas en France, comme la Provence, l’Auvergne, le Dauphiné ou la Touraine: parce qu’elle se trouvait au voisinage direct et immédiat de cette « zone » ultra-sensible de frictions permanentes entre France et Angleterre….Elle fut par deux fois offerte à Louis XV par l’Autriche (à l’époque où elle faisait partie des « Pays Bas Autrichiens ») et, par deux fois, Louis XV refusa de l’intégrer à la France, sachant très bien que l’Angleterre ne l’accepterait pas et que ce serait le prétexte de nouvelles guerres. Il réunit donc la Corse et la Lorraine, parce que, dans ces deux cas, le moyen fut trouvé d’isoler les Anglais et donc de ne pas créer les conditions de nouveaux conflits; mais il renonça à la Wallonie….
Un demi-siècle plus tard, après l’épisode napoléonien (entre 1815 -le Congrès de Vienne- et 1830), les Anglais poursuivirent leur politique et, pour verrouiller cette zone et arrêter définitivement l’extension territoriale de la France vers le Rhin, ils imaginèrent de créer une « barrière »: les territoires de la Belgique actuelle furent d’abord réunis à la Hollande: c’était ne tenir aucun compte de la séparation religieuse effective depuis le XVI° siècle, et cette fragile construction anachronique ne dura que quinze ans; puis ce fut la création de la Belgique, mariage de la carpe et du lapin puisque faisant cohabiter deux parties dont l’une -la flamande- était devenue totalement rétive à tout ce qui pouvait ressembler à une union avec des territoires français: mais la France avait perdu sa prééminence, et l’occasion était trop belle pour les Anglais de compliquer les choses autant qu’il était possible; « on » dépeça le Luxembourg qui fut divisé en deux et donné pour moitié au Roi de Hollande; « on » enleva Landau à l’Alsace; « on » octroya la rive gauche du Rhin à la Prusse et l‘ »on » réunit -on l’a vu- la Wallonie à la Flandre: la « barrière » anti-française était solide!….
Encore Louis Philippe, sage et avisé, comprit-il que -les choses étant ce qu’elles étaient- la Prusse était devenue notre principal adversaire; et qu’il valait mieux accepter de bon coeur ce que, de toutes façons, vu la déroute napoléonienne, nous n’étions pas en mesure d’empêcher; et même il transforma cette défaite en ce que Bainville a pu appeler « le dernier cadeau de la Monarchie »: à savoir, puisqu’on ne pouvait encore une fois rien faire d’autre, accepter la perte de cette province Wallone, mais en en faisant un pays à l’indépendance garantie par l’Angleterre; le calcul se révéla juste lorsque plus tard, et par deux fois, nous fûmes en guerre avec les allemands; et, les deux fois, les Anglais -en un certain sens, un comble!…- furent du coup à nos côtés: ce qui était, reconnaissons-le, un assez cocasse retournement de situation…. (à suivre…..)
3 observations sur ce texte, non pour le contester, mais pour y ajouter des précisions.
1/ les pays-bas ont été proposés à la France au moins 3 fois .
– D’abord au cours de la guerre de trente ans. Le roi de Suède, qui ravageait le centre de l’Europe, proposa à Louis XIII leur annexion, à la condition que la France soutînt sa candidature à l’Empire. Le Père Joseph déconseilla, craignant à juste titre la disproportion entre une Allemagne unifiée sous ce grand stratège et une France grandie, mais beaucoup moins que son allié.
– Ensuite par Marie-Thérèse, en paiement de la récupération éventuelle de la Silésie. Louis XV ne put donner suite, car la situation militaireb tourna au désavantage des armes franco-autrichiennes.
– Enfin par Joseph II, lors de la guerre avortée qui aboutit à la paix de Teschen, vantée par Bainville, à mon sens de manière excessive. En fait, Breteuil, puis Maurepas, étaient hostiles à l’alliance avec l’Autriche. Il aurait été possible de négocier avec l’Angleterre en troquant la souveraineté de la Bavière pour l’Empereur et la cession des pays-bas par l’Autriche à la france, contre l’abandon du soutien aux insurgents. Cela aurait été d’un grand bénéfice alors que Teschen ne nous rapporta rien et la victoire de Wahington non plus, en dehors d’une formidable dette, que les USA n’ont jamais remboursée.
2/ le Luxembourg ne fut partagé qu’en 1839, soit 9 ans après l’indépendance de la Belgique, suite à une courte guerre avec la Hollande, au cours de laquelle Louis-Philippe, qui s’était porté garant de son intégrité, fut contraint à la neutralité, en violation de sa parole, sur un diktat hautain de Londres. La famille royale de Belgique n’oublia jamais cette humiliation.
3/ Enfin, il est capital de comprendre que si les flamands sont « antifrançais », ce n’est nullement par hostilité à notre pays et à sa culture, mais parce que le jacobinisme a sottement soutenu la domination sociale et linguistique du français et des Wallons. Le proverbe « Het Vlaams aan de keuken! » (Le flamand à la cuisine) ne pouvait que choquer un peuple fier et industrieux comme les flamands. Une France fédérative (royale) aurait toutes ses chances avec la Flandre.