On nous parle beaucoup de de Gaulle en ce moment, et c’est normal. FR3 lui a consacré à son tour un honnête téléfilm, après d’autres, sur d’autres chaînes. On apprend, ou plutôt, on précise toujours quelque chose, sur tel ou tel point, et c’est toujours utile et intéressant.
Néammoins, on reste toujours, grosso modo, dans les mêmes épisodes. Et on continue d’approfondir toujours les mêmes pistes.
On attend encore le vrai journaliste d’investigation, celui (ou celle…) qui osera briser le tabou et qui nous dira ce qui s’est réellement passé, et réellement dit, lors de la rencontre que de Gaulle a tenu à avoir avec Franco.
Ou, du moins, qui essaiera de savoir ce qui s’est passé, qui essaiera de resituer le fait dans son contexte, car on sait bien que tout le monde est resté ultra discret sur le sujet. Justement, raison de plus….
Au moment de leur rencontre, il reste à Franco un peu plus de cinq ans à vivre; à de Gaulle, un peu moins de cinq mois…..
Évidemment, il faudrait pour cela être, nous le disions, un sacré briseur de tabou : y en a-t-il beaucoup, et même un seul, dans notre époque, qui brille surtout par un desespérant conformisme plat, et un désolant unanimisme mou ?….
Que sait-on, dans le grand public, de cette visite, honnie par tout ce que notre pays compte de gens qui se pourlechèrent les babines d’avoir serré la main de Mao, mais qui poussent des cris d’orgraie dès qu’on parle de Franco ? Pas grand’chose…..
Didier Godard raconte : « ….En 1970, les époux de Gaulle partirent – le 3 juin – dans la DS noire, sans précautions particulières de sécurité. Ils parcoururent des centaines de kilomètres sous un soleil de plomb, s’arrêtant au bord des routes pour pique-niquer. Ils visitèrent la Castille, la Galice, l’Andalousie, l’Estramadure, et Saint-Jacques de Compostelle, pèlerinage auquel le Général attachait une particulière importance. De Gaulle avait déclaré avant de partir: « Naturellement, je verrai Franco. » La rencontre eut lieu. Franco, écrit Jean Mauriac dans son livre Mort du Général de Gaulle, mit les petits plats dans les grands, fut « très heureux » d’accueillir de Gaulle et fit part à notre ambassadeur de sa « profonde satisfaction »….
Ainsi Franco a rencontré deux chefs de l’Etat français: Pétain, avant qu’il ne le devienne, et de Gaulle, après qu’il ait cessé de l’être…. »
Amusant, mais anecdotique…
Godard dit aussi que « …les réactions en France furent vives, même chez certains des plus fidèles soutiens du Général. François Mauriac, dans son Bloc-Notes, se déclara « glacé » par cette rencontre. Malraux confia à son biographe Jean Lacouture qu’il aurait quitté le gouvernement si de Gaulle avait fait cette visite en tant que chef d’Etat…. »
Mais de Gaulle n’en eut cure, et il rencontra Franco. Et ils se sont parlés : lui, de Gaulle, qui a très probablement – ne serait-ce qu’en pensée(s)… – rêvé à une ré-instauration de la royauté en France; et lui, Franco, qui a réussi à la ré-instaurer en Espagne (1). Que se sont-ils dit ? Volià ce que des journalistes honnêtes et consciencieux – ou simplement curieux… – devraient au moins se demander. Et ce qu’ils devraient chercher à découvrir….
Mais nous nageons dans les ténèbres du politiquement et de l’historiquement correct, ne l’oublions pas. Circulez, il n’y a rien à voir !….
(1) : nous ne portons pas de jugement, ici, sur la valeur de cette monarchie espagnole, ce qui est un autre débat : nous constatons simplement le fait historique…
Lequerica Ambassadeur d’Espagne en France dans les années cinquante qui était l’interprète lors de cette visite de juin 1969 de de Gaulle à Franco aurait dit à la comtesse de Paris:
De Gaulle aurait dit au général Franco »Vous qui avez réussi,ce que je n’ai pu faire… »
En gros le succès de Franco,c’était la désignation de Juan-Carlos comme futur roi d’Espagne.
1 (à Picard) : merci pour cette utile information; qui en a d’autres ?
2 (à Mirouet) : nous passons vendredi le Reloujac, qui mène depuis plusieurs numéros de PM une sorte de réflexion globale extrêmement pertinente. En effet, l’édito de PM ce mois ci diffère des précédents… Nous passerons aussi l’analyse d’Hilaire de Crémiers.
Je suis atterré par les approximations qui peuvent figurer sur un forum comme celui-ci.
Lequerica est décédé en 1963, il ne risquait donc pas d’assister à la rencontre entre De Gaulle et Franco en juin 1970 !
Il fut ambassadeur à Vichy jusqu’en 1944, ensuite, pour peu de temps, ministre espagnol des affaires étrangères. Il est le premier représentant de son pays à l’ONU lorsque l’Espagne est enfin admise, en 1955, dans cette organisation internationale…
Vérifions nos informations avant d’écrire n’importe quoi. C’est ce que j’ai toujours recommandé à mes étudiants.
J-P Pister
Agrégé d’Histoire-Professeur de Chaire supérieure
Pour une description – lacunaire, mais tout de même – de la rencontre et ce qu’ils se sont dits, vous pouvez toujours jeter un coup d’oeil au livre de E. de Blaye sur Franco, une mine d’or…
Complément : et actuellement, les deux s’entendaient forts bien en temps qu’anciens généraux… Franco avait même de l’admiration poiur de Gaulle, à tel point que Franco a calqué ses méthodologies de référendums sur ceux de de Gaulle.
Mais l’article me suprend un peu : il parle d’une rencontre en 1970… oui… sauf que les premiers contacts officiels, à travers Couve de Murville, datent de 1958, où de Gaulle était fort pour l’Espagne et envisageait Franco comme son allié dans sa volonté de constituer une ‘Europe des Nations’ plutôt qu’une ‘Europe Communautaire’…
Le Général De Gaulle, se sentant probablement proche de la fin, a voulu faire un geste très chrétien, « au dessus de la mêlée », en rendant visite à celui qui était tout de même engagé dans le camp ennemi de la France, en voulant en quelle que sorte effacer les haines partisanes.Les réfugiés de l’OAS allaient aussi chez Franco. A-t-il réussi, ou était-ce possible?
Ils étaient tous les deux des généraux catholiques.
La guerre froide avait rapproché l’Espagne de Franco des Etats-Unis.
Franco avait utilisé les armes des dictateurs fascistes pour arriver au pouvoir, mais avait après pris ses distances vis à vis de ces deux dictateurs.
Franco n’a jamais quitté le sol espagnol. De Gaulle a entamé son épopée en dehors du sol français.
Tout l’honneur de cette visite en revient au Général De Gaulle.
peu importe l’endroit de la rencontre entre De Gaulle et Franco. L’essentiel par dessus tout est que Franco ait réussi à « dissuader » Hitler de ne pas traverser l’Espagne en 1940, ni après. Un grand merci au Maréchal Pétain pour les conventions de l’Armistice qui ont interdit à Hitler d’occuper l’Empire, et plus particulièrementl’Algérie. Ce qui favorisa l’établissement de De Gaulle à Alger plus tard.