« Pour » la reconstruction, on l’était déjà « avant »; alors, après l’excellent article du Figaro Magazine du 18 novembre, on ne peut que l’être davantage : la superbe image de synthèse montrant ce que donnerait la restitution du Palais est proprement stupéfiante…..
Les Russes ont recosntruit leur cathédrale du Christ sauveur, dynamitée par Staline durant les années d’enfer; les Allemands, le Palais des Hohenzollern; les Français doivent, symboliquement, reconstruire le château de Paris : non que ce soit utile en soi, et l’auteur de l’article du Figaro (Léopold Sanchez) a raison de signaler les arguments « contre », avancés par les détracteurs du projet. Bien sûr, Paris ne manque pas de mètres carrés déjà consacrés à l’Histoire et à la culture. Bien sûr, il y a déjà beaucoup d’argent dépensé, et à dépenser pour entretenir d’autres oeuvres d’art, alors en ajouter une de plus….
Bien sûr, bien sûr…..
Mais celles et ceux qui avancent ces arguments « contre » n’oublient qu’une chose : le problème n’est pas là, le problème est un problème d’identité, d’Âme, d’Esprit. Le problème, c’est la Mémoire de la France, et de sa ville capitale. Et cette mémoire a été amputée, gravement, lors de la destruction insensée du Palais des Tuileries.
Et le mouvement qui nous pousse à vouloir militer pour sa reconstruction est le même que celui qui pousse les Russes (qui n’ont pas besoin d’une église de plus) à reconstruire « leur » cathédrale; et les Allemands (qui n’ont pas besoin d’un palais de plus) à reconstruire « leur » palais des Hohenzollern. Nous voulons retrouver « notre » mémoire, notre Histoire, nous rebrancher – on nous passera l’expression… -sur l’une et sur l’autre.
Quant à craindre qu’on n’arrive pas à faire quelque chose de bien, qu’on ne fasse que de l’à peu près,que ceux qui ont cette crainte aillent à Saint Malo….
Comme le disait Catherine de Médicis, après avoir tranché, il faut recoudre…..
Voici l’excellent article de Léopold Sanchez dans Le Figaro Magazine du 19 novembre 2010 :
Le palais des Tuileries restitué en images 3D. Voici à quoi le site ressemblerait s’il était toujours en place. Au premier plan, la longue façade ombragée n’existe plus. (Aristeas-Hubert Naudeix)
Et si on reconstruisait les Tuileries ?
Le projet de reconstruction des Tuileries est-il une vague rêverie d’historiens réactionnaires ou un projet moderne et séduisant? La polémique soulève les passions.
Voici plus d’un siècle que le pavillon de Flore et le pavillon de Marsan se font face, de part et d’autre d’un espace vide. Le fait qu’il n’y ait rien à cet endroit rend à la fois inutile et sans cause l’arc de triomphe du Carrousel qui, de majestueux à l’origine, a tourné au dérisoire. Et en plus, cela a fait perdre tout son sens au jardin.»
La déclaration de Stéphane Millet, président du Comité pour la reconstruction des Tuileries, vient jeter un pavé dans la mare.
Si l’Etat s’est contenté jusqu’à présent de hausser les épaules, il semblerait que les arguments des opposants à la reconstruction soient en train de se retourner contre eux. La sortie d’un ouvrage savant et neutre sur les Tuileries * montrant, au moyen de restitutions en 3D (société Aristeas), à quoi pourrait ressembler le bâtiment s’il était toujours en place aux extrémités du Louvre, ainsi que la reprise en main du comité militant pour la reconstruction du palais viennent relancer le débat.
Tout était réuni pour en faire un chef-d’oeuvre : les plus grands architectes, la beauté de la pierre, l’élégance des sculptures, la somptuosité des décors. Ce qui fait dire aujourd’hui aux opposants qu’on ne pourra jamais refaire que de l’à-peu-près ! (Aristeas-Hubert Naudeix)
Rétablir la perspective sur les Champs-Elysées
Tout était réuni pour en faire un chef-d’oeuvre : les plus grands architectes, la beauté de la pierre, l’élégance des sculptures, la somptuosité des décors. Ce qui fait dire aujourd’hui aux opposants qu’on ne pourra jamais refaire que de l’à-peu-près ! (Aristeas-Hubert Naudeix)
Selon l’ancien ministre de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres: «C’est Maurice Druon qui est à l’origine de ce dossier. En 2005, il est venu me trouver Rue de Valois pour m’exposer ses grandes lignes. Ma réponse, à l’époque, était claire: je m’engageais à le soutenir, à condition que cela ne repose pas sur le budget des Monuments historiques. Il m’a proposé alors un plan de financement, par des partenaires privés, que j’ai trouvé tout à fait viable.»
L’estimation du coût du projet est alors de 350 millions d’euros. La somme paraît importante, mais selon le représentant du Comité, elle ne représente que «le quart du montant des travaux du Grand Louvre (1,2 milliard d’euros), et on n’aurait besoin que de dix-huit mois pour réunir le budget grâce à une souscription internationale et au mécénat d’entreprise». Toutes les difficultés ne sont pas levées pour autant. A commencer par l’impact de nouveaux aménagements sur la « respiration » de la ville. En effet, il ne serait pas anodin de voir s’élever un lieu nouveau à un endroit clé pour le trafic urbain.
«Oui et non! réplique Stéphane Millet. On n’est pas encore dans le périmètre du jardin, puisque la grille d’entrée est à une cinquantaine de mètres à l’ouest; ce n’est plus une voie de communication depuis que la liaison berges-Rivoli est souterraine; ce n’est même pas une voie piétonne, vu l’état du sol en cet endroit, où l’on s’est contenté de planter quelques massifs de buis entre deux ou trois statues.» Selon lui, la reconstruction des Tuileries redonnerait au contraire à l’ensemble monumental du Louvre une cohérence sur le plan urbanistique.
Les détracteurs du projet, en la personne d’Alexandre Gady, professeur des universités et historien de l’architecture, répliquent aussitôt que l’«on va ainsi fermer une perspective vantée dans les dépliants touristiques du monde entier». Il suffit, pour s’en convaincre, de voir le nombre impressionnant de touristes qui s’arrêtent là afin de se faire photographier. Un argument qui a fait long feu aujourd’hui, si l’on en croit les arguments de la défense: «La fameuse perspective sur les Champs-Elysées s’avère une complète illusion, souligne Stéphane Millet, notamment depuis l’érection de la pyramide de Pei à un bout et l’arche de la Défense à l’autre. On a accentué la brisure qui existait, dès le départ, à l’endroit des Tuileries.» Le baron Haussmann avait d’ailleurs prévu cet inconvénient, lorsqu’il déclarait aux partisans de la destruction: «Les ruines des Tuileries font encore obstacle à la vue d’irrégularités que vous allez mettre à découvert.»
Le 24 mai 1871, il ne restait plus des Tuileries que leur structure de pierre. Incendié par la Commune, comme la plupart des bâtiments officiels de la capitale, le palais ne fut rasé que treize ans plus tard. Un très petit nombre de personnes se prononçait alors pour sa disparition. (Archives nationales)
Un nouveau palais pour y mettre quoi ?
Le 24 mai 1871, il ne restait plus des Tuileries que leur structure de pierre. Incendié par la Commune, comme la plupart des bâtiments officiels de la capitale, le palais ne fut rasé que treize ans plus tard. Un très petit nombre de personnes se prononçait alors pour sa disparition. (Archives nationales)
Remettre les Tuileries à leur place, aux extrémités du Louvre, redonnerait au contraire son axe à la grande perspective depuis l’arc de triomphe de l’Etoile, qui n’a été placé là par Napoléon Ier que pour faire face au pavillon central des Tuileries. «L’arc du Carrousel, renchérit Stéphane Millet, retrouverait sa fonction de porte d’honneur du palais et ses proportions exactes au milieu du cadre architectural pour lequel il a été créé.» Reste que l’Etat est propriétaire du terrain, et que lui seul peut donner le feu vert au projet. C’est là que le bât blesse !
Cette ouverture sur le vide a quelque chose d’une amputation, qui n’a pas échappé aux précédents gouvernements. Déjà, en 1882, Jules Ferry, alors ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, soutenait la reconstruction du palais. Il alla même jusqu’à confier à Charles Garnier la mission de plancher sur le sujet. Plus récemment, le général de Gaulle, au lendemain de son élection, avait chargé l’architecte Henry Bernard de réfléchir à une reconstruction, pour servir éventuellement de résidence au chef de l’Etat. Sur le plan technique, s’il ne reste aucune trace visible de ce bâtiment, en revanche ses soubassements sont conservés (entre la voie souterraine et le parking du Carrousel) et ses caves, obstruées lors de la démolition, n’ont jamais été fouillées. D’autre part, ses pierres ont été dispersées un peu partout en France. Stéphane Millet appuie cet argument: «Les plans des Tuileries sont conservés aux Archives, ainsi que les projets de Lefuel pour leur remaniement au XIXe siècle. En ce qui concerne le mobilier, il est précieusement gardé au département des objets d’art du Louvre, ainsi que les tableaux qui étaient aux murs. Quant aux carrières qui ont fourni les pierres du bâtiment, elles sont toujours en activité en Ile-de-France, et la reprise d’un tel projet serait même un ballon d’oxygène pour l’emploi dans une foule de secteurs des métiers d’art.»
Michel Carmona, directeur de l’Institut d’urbanisme et d’aménagement de la Sorbonne, abonde en ce sens: «La reconstruction d’un monument de cette ampleur pourrait faire l’objet d’un chantier-école pour les métiers d’art, que l’on pourrait même envisager en collaboration avec la chambre des métiers.»
Vingt mille mètres carrés qui s’ouvriraient à l’exploitation en plein cœur de Paris, à un moment où le Louvre manque de place pour exposer de nouvelles collections entreposées dans ses réserves, et où il cherche de nouveaux lieux pour les mettre à l’abri du danger d’une crue de la Seine, ne serait-ce pas une aubaine? Même si le palais reconstruit devait conjuguer d’autres fonctions, comme celle de centre de congrès ou de lieu nouveau pour des événements internationaux… Les projets ne manquent pas.
Reste que l’Etat a d’autres chats à fouetter actuellement. Comme le souligne Renaud Donnedieu de Vabres, «avec 40.000 édifices publics (soit 50% des monuments historiques européens), l’Etat est déjà responsable d’un patrimoine architectural considérable». Et au moment où les pouvoirs publics essayent de se débarrasser de cette énorme charge financière, leur ajouter 20.000 mètres carrés de salles et de salons, de couloirs et d’escaliers, ce n’est pas très raisonnable. «On a besoin de restaurer et d’entretenir notre magnifique patrimoine, non de faux monuments, plaide Alexandre Gady. Une reconstruction « à l’identique » (d’ailleurs impossible) impliquerait de détruire partiellement les pavillons de Flore et de Marsan. Cela n’a pas de sens! Pourquoi pas aussi reconstruire Lutèce sur l’île de la Cité? »
Vue du pavillon central, du côté de la place du Carrousel. (Aristeas-Hubert Naudeix)
Un témoin absent de l’histoire nationale
Cette position est bien caractéristique des archéologues et historiens, mais aussi d’un grand nombre d’opposants, comme Claude Mignot, professeur à la Sorbonne ou Philippe Belaval, directeur des patrimoines au ministère de la Culture : «Au moment où chacun a le sentiment qu’il y a des besoins énormes, tant en restauration qu’en conservation du patrimoine, se tourner vers un tel projet me semble un peu léger.» Même si c’est une belle idée !
Or, toute belle idée en France soulève les passions, à plus forte raison lorsqu’elle est liée à l’histoire du pays. Pour le commun des mortels, le nom de Tuileries évoque aujourd’hui un simple jardin ! Combien de gens savent qu’au-delà des plus grands architectes, comme Philibert Delorme, Bullant, Androuet du Cerceau, Le Vau, Percier, Fontaine qui, depuis la Renaissance, ont contribué à faire de ce palais un lieu de prestige, c’est ici que se sont tournées certaines des pages les plus déterminantes de notre histoire.
C’est aux Tuileries que Beaumarchais créa son Barbier de Séville en 1775 ; que Mozart joua pour la première fois sa symphonie n° 31, dite Parisienne, en 1778 ; que fut renversée la monarchie. Ici que furent mis en application les principes fondateurs de la République: les droits de l’homme, la souveraineté du peuple, la notion contemporaine de l’Etat. Que d’événements en moins d’un siècle, entre 1789 et 1870 ! Le séjour surveillé de la famille de Louis XVI, la fuite à Varennes, la conspiration des poignards, le sac du palais par le peuple, les séances de la Convention, les splendeurs du premier puis du second Empire… jusqu’à l’anéantissement par la Commune, le 24 mai 1871, et l’arasement total des Tuileries, en 1884. Comme si l’on avait voulu effacer la mémoire de ce monument au cœur de Paris.
*Le Palais des Tuileries, de Guillaume Fonkenell, Editions Honoré Clair, 224p., 49€.
Annexe : Où peut-on voir des restes des Tuileries?
– Les jardins de la Villa Magali, à Saint-Raphaël, où sont conservés quarante fragments du palais.
– La Fondation Foch, à Suresnes.
– Dans la cour de l’Ecole des ponts et chaussées, Paris VII e .
– Dans les jardins du musée Carnavalet et rue Payenne, Paris III e .
– Dans le petit musée lapidaire de l’Ecole des beaux-arts, Paris VI e .
– Le château de La Punta, à Alata, en Haute-Corse, construit avec les vestiges du pavillon central et qui menace ruine aujourd’hui.
– Dans le jardin des Tuileries, bien sûr…
Je suis totalement pour à condition de refaire à l’identique,extèrieur comme intèrieur.Sinon,NON.
Absolument, comme on l’a fait à Saint Malo : il s’agit de restituer le monument dans sa « vérité ». Deux ou trois petits détails peuvent différer, mais la quasi totalité de l’oeuvre doit impérativement être à l’identique (voir la cathédrale du Christ Sauveur de Moscou…). Un pastiche fantaisie, au (mauvais) goût du jour, non merci !
Bien sûr que c’est exaltant mais on ferait mieux d’entretenir et conserver ce qui reste, ne pas le vendre aux étrangers qui desossent nos châteaux et restaurer les tombeaux de Saint Denis …. et puis pourquoi les Tuileries et pas Saint Cloud ??
S’il y a des mécènes par temps de crise qui ont l’audace de se lancer pourquoi-pas? Mais comment allez-vous financer ce projet quand on voit que l’Etat abandonne de plus en plus les soins des monuments aux collectivités et ne cherche que le rendement financier ?
Bonsoir, comme beaucoup, me voici tout à fait d’accord. Les décès de Messieurs Baumier et Druon ont semblé voir enterrer le projet, je suis contente qu’un courageux se lève pour le reprendre. Merci.
vraiment, c’est un projet insensé, mais combien attractif et mobilisant !
Maurice Druon était un merverilleux porteur de rêve !
Mais qui aura sa vigueur, sa virulence, son aplomb et son génie pour supporter et mobiliser sur une tel thème !
rectification :
le chateau de la Punta est situé près d’Ajaccio, en Corse du Sud
il y a un site qui est fort bien documenté
http://lapunta.pagesperso-orange.fr/
Tout à fait pour, à condition de respecter à l’intérieur,
le nombre des pièces, aussi petites soient-elles, leur
dimension, leur distribution, tel qu’elles étaient avant
l’incendie, pour se représenter l’histoire de chacune d’elles,
notamment pour la période de 1789 à 1792.
Il est souvent plus facile de représenter à l’identique les
extérieurs, que les intérieurs. Or, pour comprendre le
déroulement de certains faits historiques, il importe que la
reconstitution intérieure, dans ses volumes et parties, soit
parfaite.
vestiges aussi au jardin du Trocadéro (à gauche quand on est face aux musées)
et … à Quito, en Equateur où Palais présidentiel est orné de balustrades des Tuileries