Par Antoine de Lacoste.
La Syrie face à ses occupants et ses islamistes
Lorsqu’à la suite des printemps arabes la guerre a éclaté en Syrie en 2011, elle avait toutes les apparences d’une guerre civile.
L’Occident s’est naturellement enthousiasmé pour ce qu’il a cru (ou fait semblant de croire) être une révolte populaire appelant à la démocratie. Le président syrien, Bachar el-Assad, a vite endossé l’habit du méchant dictateur « qui tue son propre peuple » même si, peu de temps auparavant, il était invité par Nicolas Sarkozy un 14 juillet sur les Champs-Elysées en compagnie de son épouse, la ravissante Asma.
Le conflit s’est presque instantanément internationalisé, comme s’il était attendu de longue date. L’Arabie Saoudite et le Qatar dès le début, la Turquie peu après, alimentèrent massivement les islamistes en argent et en armes.
L’Iran et sa filiale, le Hezbollah libanais, accoururent aider l’allié syrien en grande difficulté. Dès 2012, le conflit était devenu international sur fond de guerre chiites-sunnites.
A la faveur des conquêtes islamistes, des Irakiens, qui s’étaient connus dans les camps de prisonniers américains avant d’être libérés, fondèrent l’Etat islamique en 2014. Le califat était de retour et suscita un engouement international. Du monde entier, des dizaines de milliers d’islamistes sunnites accoururent faire le djihad contre l’impie Bachar en passant par la Turquie, aux frontières généreusement ouvertes pour cette bonne cause. Ah ce bon Erdogan…
L’intervention russe de 2015 sauva la Syrie et permit la reconquête progressive du pays. Mais, bien évidemment, les Occidentaux s’en étaient mêlés. Par leurs services secrets tout d’abord : armes et argent furent généreusement distribués à d’improbables « rebelles modérés », avant qu’Obama ne mette fin à cette absurdité orchestrée par la CIA et Hillary Clinton, secondés, hélas, par les services français, anglais et allemands.
Les attentats de Paris changèrent tout et une coalition internationale intervint en Syrie, sans d’ailleurs y être invitée. L’aviation américaine et l’infanterie kurde eurent raison du califat. Les Américains abandonnèrent ensuite partiellement leur allié kurde, permettant aux Turcs d’envahir une partie du nord de la Syrie, les Russes les empêchant d’aller trop loin.
La situation actuelle est le résultat logique de cet enchaînement de faits.
Aux côtés de la Syrie, et à sa demande, il y a des troupes russes, iraniennes et libanaises. L’armée turque est présente dans le nord et chapeaute une partie de la province d’Idlib, au nord-ouest. De nombreux islamistes d’al-Nosra y sont aussi présents et comptent d’ailleurs de très nombreux étrangers dont plusieurs Français. Un reportage récent de France 24 en a montré deux à l’œuvre derrière une mitrailleuse.
Les Américains n’ont pas quitté le pays contrairement à ce que Trump avait annoncé : ils sont présents dans le nord-est et soutiennent les Kurdes qui occupent les puits de pétrole situés à l’est de l’Euphrate, le long de l’Irak. Il y a également un camp américain au sud, le long de la frontière jordanienne.
Autant dire que la route est encore longue avant que la Syrie ne retrouve sa souveraineté et puisse, enfin, se reconstruire. ■
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