« Artisan de la paix en Bosnie en 1995 » et « géant de la politique étrangère américaine » (dixit Barack Obama) ou géant, certes, mais d’un « gâchis global » ? Pour nous, c’est cette seconde vision, à n’en pas douter, qui est à retenir, comme l’explique très clairement Patrice de Plunkett, que nous rejoignons tout à fait sur ce sujet.
Encore, Plunkett ne se centre-t-il ici, dans son billet, « que » sur Holbrook, et ne remonte-t-il « qu’à » 1990 : mais ce n’est pas « que » depuis 1990, et « qu’avec » des Holbrook, que la politique extérieure des USA est catastrophique pour l’ensemble du monde, loin s’en faut !….
Richard Holbrook : le « géant » d’un gâchis global
« Artisan de la paix en Bosnie en 1995 » et « émissaire de Barack Obama pour l’Afghanistan et le Pakistan », Richard Holbrook (69 ans) est mort hier à Washington :
« Michelle et moi sommes profondément attristés par le décès de Richard Holbrooke, un véritable géant de la politique étrangère américaine qui a rendu l’Amérique plus forte, plus sûre et plus respectée », a déclaré Barack Obama.
Obama parle en orfèvre, alors qu’il cède aux ultras de la droite israélienne (pour les colonisations, qui tuent le processus de paix) ; qu’il s’enlise dans la guerre perdue d’Afghanistan ; et qu’il laisse l’Irak en proie aux démons intronisés par Bush.
Mais Obama n’est que l’héritier d’une catastrophe « globale » : la politique de Washington depuis les années 1990, quand l’instauration du néolibéralisme planétaire (dont on voit aujourd’hui les résultats) fut baptisée « leadership mondial des Etats-Unis ».
Le gâchis a commencé lors de l’autodestruction de la Yougoslavie, avec la transformation de guerres tribales en tentative d’américaniser la région. Illusion dont plusieurs effets se voient en 2010 : le Kosovo Etat mafieux, dirigé par de tels gangs que les « Kosovars » les dénoncent eux-mêmes (voir la presse française d’hier); la Bosnie, puzzle de haines insolubles ; etc. Etrangement c’est la Serbie – ex-incarnation du Mal – qui paraît aujourd’hui le partenaire raisonnable, alors que naguère Washington parlait d’elle comme d’une nouvelle Allemagne hitlérienne.
Qui présida au gâchis post-yougoslave ? Le « géant » Richard Holbrook ! (1995, accords de Dayton). Après quoi il a rejoint l’état-major d’une banque d’investissement, la CS First Boston, en vertu de la consubstantialité unissant aujourd’hui la sphère financière à la sphère politique. Mais le gâchis bosniaque et l’approche de la guerre du Kosovo l’avaient rapidement fait revenir dans l’administration de Bill Clinton.
Fort de ces brillants résultats, Holbrooke avait été à sept reprises en lice pour le prix Nobel de la paix. Celui-ci allait finalement être décerné à Obama, fort de cette supériorité de n’avoir pas de résultats du tout.
« Ce soir l’Amérique a perdu l’un de ses champions les plus acharnés et l’un de ses fonctionnaires les plus dévoués », a déclaré hier Hillary Clinton, saluant « son intelligence et sa détermination sans égale ». (C’est Mme Clinton qui vient de pousser Obama à laisser les clés de la situation israélo-palestinienne aux mains de M. Netanyahou et de sa coalition de boutefeux).
Conseiller de Mme Clinton lors de la primaire démocrate, Holbrook avait accepté de devenir en janvier 2009 l’émissaire d’Obama pour l’Afghanistan et le Pakistan. Selon une ex-ambassadrice américaine, il a eu là-bas « un impact énergique mais abrasif ». C’est une assez bonne définition du leadership étatsunien en général.
La presse new-yorkaise estime que la disparition d’Holbrook « ne devrait pas avoir de lourdes conséquences sur la stratégie américaine dans la région, les analystes soulignant qu’avec 100 000 soldats sur le terrain, le rôle des militaires du Pentagone en Afghanistan a éclipsé celui des diplomates du département d’Etat. » En clair : l’absence de vision géopolitique produit le règne des militaires.
PS/ Si l’on veut une antithèse de l’attitude de Washington envers la planète, on peut se reporter aux prises de position du Vatican depuis vingt ans.
Les Américains ont toujours estimé que leurs valeurs et leur mode de vie étaient supérieurs aux autres et possédaient une validité universelle. Ils ont toujours pensé qu’ils avaient pour mission de répandre ces valeurs et d’imposer ce mode de vie à la surface de la terre.
Croyant à la division binaire du monde, ils estiment qu’ils incarnent le Bien et s’imaginent, pour reprendre les termes du président Wilson, que l’ »infini privilège » qui leur a été réservé est de « sauver le monde ». Leur tendance à l’unilatéralisme et à l’hégémonisme n’est donc nullement conjoncturelle. Elle vient de loin. Le problème est qu’aujourd’hui, les mythes fondateurs de la nation américaine sont devenus des politiques opérationnelles
L’Europe est en train de se découvrir distincte des Etats-Unis. Dans les années qui viennent, le fossé transatlantique s’approfondira. De nouveaux clivages apparaîtront. Pour l’heure, l’esprit de résistance ou de collaboration traverse déjà tous les camps. Soyons du coté des résistants.