Par François Marcilhac.
Le Covid aidant — sa relance est savamment orchestrée par le pouvoir et les médias —, le discours « sur l’état général de l’Union » que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a prononcé le 16 septembre dernier, est passé presque inaperçu. À tort : car s’il est suivi d’effet, ce discours pourra être considéré comme une étape capitale dans la réalisation de cet objectif fondateur de l’Union européenne : broyer les peuples européens.
Si elle a parlé avant tout en responsable politique allemande, répondant, en disciple allemande du philosophe allemand post-national-socialiste Habermas, à une problématique allemande (le traumatisme du nazisme jamais surmonté par l’Allemagne), cette problématique rejoint depuis l’origine le projet européen (largement favorisé par les Etats-Unis), né lui aussi après la seconde guerre mondiale, d’en finir une bonne fois pour toutes avec les nations qui composent l’Europe, au nom de l’édification d’une société européenne reposant sur des « valeurs partagées », dont la prétendue « universalité » condamne toute identité nationale.
Des valeurs qui visent ni plus ni moins la liquidation, au double sens du terme de liquéfaction et d’éradication (pour reprendre le titre du dernier livre de Frédéric Rouvillois sur Macron) des fondements de nos sociétés, pour aboutir à « un Monde “en marche”, un monde liquide, conformément aux analyses de Zygmunt Bauman, où tout n’est plus que réseaux et flux, d’images, d’informations, de marchandises, de populations » [1]. N’oublions pas qu’Habermas, le père du « patriotisme constitutionnel », a adoubé Macron l’Européen, en 2017 — pour lequel il n’y a pas de culture française. La liquidation que celui-ci veut imposer aux Français ne fait qu’adapter à notre pays celle que les élites européennes veulent imposer à tous les peuples européens.
L’Europe veut toujours plus de pouvoir, au détriment des Etats qui la composent, et bien souvent avec la complicité de leurs dirigeants, pour réaliser ce grand dessein saint-simonien d’empire du Bien ayant soumis la politique, lieu de la liberté et de la délibération, à la toute-puissance positive, « scientifique », de l’économie et du droit. Et pour cela, il faut imposer aux sociétés la dissolution des principes qui les fondent pour permettre l’émergence d’individus dotés de « droits à » indéfinis, censés garantir leur autonomie mais qui, surtout, en font les jouets interchangeables d’une société consumériste. A cette fin, aux plans tant nationaux qu’européen, il s’agit d’en finir avec les récalcitrants, en les criminalisant au nom de cette émancipation qui serait le dernier mot de l’aventure humaine.
La tyrannie du droit, bras armé de l’idéologie, est déjà bien avancée en Europe, tant hors Union, avec la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) et la Commission de Venise, qui dépendent du Conseil de l’Europe, qu’au sein de l’Union, avec la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), et des Etats membres eux-mêmes, notamment la France, le Conseil constitutionnel et la Cour de Cassation n’étant plus que des courroies de transmission de décisions supranationales. Du reste, Von der Leyen a prévenu : la « primauté du droit européen » ne se discute pas.
Son projet n’en est que plus terrifiant : sous prétexte de lutter contre la « haine », les discriminations, le « racisme », le rejet de l’invasion migratoire, les valeurs traditionnelles de toute société en matière familiale, et jusqu’aux « préjugés inconscients » !, il vise à rééduquer, via notamment l’endoctrinement des enfants et des jeunes, tous les peuples européens, notamment — suivez son regard —, ceux qui résistent encore le plus à cette liquéfaction. C’est la raison pour laquelle elle veut notamment imposer, partout en Europe, la dictature LGBTQIXYZ, via « la reconnaissance mutuelle des relations familiales dans l’UE »… Ou le triomphe de 1984 : quand les mots sont employés dans leur sens contraire, « familiales » signifiant ici « LGBT »… C’est pourquoi, ajoute-t-elle, « nous proposerons d’étendre la liste des infractions prévues par la législation de l’UE à toutes les formes de crimes de haine et de discours de haine – qu’ils se fondent sur la race, la religion, le genre ou la sexualité. » Cela tombe bien : Macron vient juste de demander à Bruxelles de reprendre au niveau européen la loi Avia sur la haine sur internet, retoquée par le Conseil constitutionnel (en l’absence d’injonction… européenne) !
L’Europe se revendiquant chaque jour davantage comme un vaste camp de rééducation des peuples, liquidons-la avant qu’elle ne nous liquide ! ■
[1] Frédéric Rouvillois, Liquidation, Emmanuel Macron et le saint-simonisme, CERF. Nous reviendrons sur ce livre majeur.