Les Lundis.
Par Louis-Joseph Delanglade*.
C’est en ces termes que M. Ruffin, député L.F.I., a apostrophé M. Macron (re)venu s’adresser à certains ex-salariés de Whirlpool ce vendredi 22 à Amiens. Peut-être pensait-il, lui qui a reçu une certaine éducation, qu’un langage ordurier serait un marqueur populaire en présence des médias nationaux. Peut-être en fait n’aura-t-il réussi qu’à conforter l’image que M. Macron veut donner de lui-même, celle d’un homme politique courageux. Il en fallait, en effet, du courage – et même du culot, voire de l’inconscience – pour aller au-devant de travailleurs floués. Cependant, au-delà de quelques bonnes paroles qui n’engagent à rien (« Il faut être positif, il y a moyen d’avancer »), M. Macron a une fois de plus joué à contre-emploi.
Il n’était en effet pas dans son rôle. On lui reconnaîtra volontiers de ne pas faire étalage en public de la vulgarité et de la médiocrité de ses deux prédécesseurs. Mais, lui qui prétendait naguère avec quelque emphase exercer son autorité de façon jupitérienne, le voici désormais qui donne dans l’ « empoignade verbale » depuis bientôt un an.
De fait, qu’il le veuille ou qu’on le veuille pour lui, M. Macron semble impliqué dans absolument tous les dossiers : les bourses d’études, les retraites, le port du voile islamique, les urgences hospitalières, le mois sans alcool, etc. Comme il a toujours donné l’impression d’avoir réponse à tout, tout le monde l’attend, certains espérant évidemment le faux-pas fatal.
Certes il y a des explications à cela. D’abord des excuses d’ordre structurel : un pouvoir qui lui est échu par une élection d’où une minorité sort majoritaire et un mandat ramené à cinq ans, ce qui le transforme très vite en candidat à sa propre succession sur la base des réformes annoncées en 2017. Ensuite des choix qui lui sont propres : d’abord la composition d’un gouvernement dont la plupart des membres donnent l’impression d’être des incapables mais surtout le substrat idéologique libéral et mondialiste qui semble guider son action.
D’aucuns estiment donc que M. Macron ne se serait pas entouré des bonnes personnes (à commencer – dans ce cas, c’est évident – par la porte-parole du gouvernement, l’inénarrable Mme Sibeth Ndiaye) et qu’en cela il serait responsable de la situation du pays. Le plus probable, et c’est plus grave, est d’avoir sas doute mis ses ministres en demeure de procéder à des réformes motivées par des nécessités comptables – indispensable « mise à niveau » pour donner corps à son programme de fond (en 2017, il parlait de « start-up nation »).
Cependant sa marge de manoeuvre est étroite. S’il a pu, par un tour de passe-passe financier, régler apparemment le problème des gilets jaunes, se profile maintenant la menace de la grève du 5 décembre prochain contre son projet emblématique, celui de la réforme des retraites. En 1995, M. Chirac avait eu la prudence de laisser M. Juppé affronter l’ire de la rue : on connaît la suite. Vingt-quatre ans après, le chef de l’Etat est délibérément descendu dans l’arène, ce sera à ses risques et périls. « Je porte un projet d’ambition pour notre pays et je n’y renoncerai pas » vient-il de déclarer. On a compris l’objectif mais on reste sceptique sur la finalité. ■
* Agrégé de Lettres Modernes.
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