Par Guilhem de Tarlé.
A l’affiche : J’accuse, un film de Roman Polanski, avec Jean Dujardin (le colonel Picquart), Louis Garrel (Dreyfus), Emmanuelle Seigner (Pauline Monnier, la maîtresse de Picquart), Grégory Gadebois (le colonel Henry), Mathieu Amalric (Bertillon, policier « graphologue » à la Préfecture), Denis Podalydès (Me Demange, avocat de Dreyfus),
adapté du roman D de Robert Harris, sorti en 2014.
Comme Mathilde, Dreyfus est revenu ! La « Composition de Caran d’Ache » nous montre suffisamment combien le sujet est explosif… surtout qu’il se mêle aujourd’hui à celui de pédophilie et d’agressions sexuelles. Attention donc à nos propos pour ne pas tomber sous le coup de la loi et nous faire accuser à notre tour.
Une trahison sans coupable !
Le 5 janvier 1895, la capitaine Dreyfus (qui ne cesse de crier son innocence) est dégradé dans la cour de l’École militaire, comme auteur d’un « bordereau » fournissant des renseignements sur les matériels d’artillerie à l’ambassade d’Allemagne. Il est à nouveau condamné le 9 septembre 1899.
Avant cette deuxième condamnation, l’officier de renseignements Esterhazy, accusé par un « Petit bleu » d’être le véritable auteur du « bordereau », sera acquitté par un conseil de guerre le 10 juillet 1898.
Le 12 juillet 1906, la deuxième condamnation de Dreyfus est « cassée » et le capitaine réintégré dans l’armée.
L’actualité de Dreyfus !
Avec Polanski, « L’Affaire » est de retour, et l’actrice Nadine Trintignant prend la défense du réalisateur, rattrapé par d’autres « affaires », « en ce moment où il y a une remontée de l’antisémitisme ».
Le film « J’accuse » a été projeté en avant-première à l’École militaire devant un millier d’invités accueillis sur place par le chef d’état-major des armées, le général François Lecointre, et « en même temps » Mme le Ministre des Armées, Florence Parly, a demandé de redonner « à Alfred Dreyfus tout l’honneur et toutes les années qu’on lui a ôtées. J’y veillerai personnellement ».
Le député Éric Ciotti, pour sa part, a déposé à l’Assemblée nationale une proposition de loi pour faire du capitaine un général à titre posthume.
Peut-on juger un événement historique en dehors de son contexte ?
Deux ans avant le commencement de l’affaire Dreyfus, le plus grand scandale politique et financier de la IIIème République a éclaté, connu sous le nom de scandale de Panama. Les noms de plus de cent députés et ministres ayant bénéficié de pots de vin furent publiés – les chéquards -. L’historien Michel Mourre indique que « de nombreux financiers juifs ont été présentés, à tort ou à raison, comme des agents de corruption au cœur du pouvoir (…) l’antisémitisme s’en trouva renforcé »… A quand un film sur l’affaire de Panama ?
Comment un film qui dénonce un antisémitisme supposé de l’armée française peut-il ne pas évoquer ce scandale ?
Et comment, en outre, un film à charge contre l’armée française de cette fin du XIXème siècle peut-il faire silence sur la sensibilité des officiers et du peuple français après la défaite de 1870, et la perte de l’Alsace et du nord de la Lorraine dans les mains de l’ennemi allemand ?
Repentance, quand tu nous tiens ! Il est effectivement plus facile, pour les faiseurs d’opinion, de voir la paille dans l’œil de nos anciens que la poutre qui est dans le leur. ■
PS : vous pouvez retrouver ce « commentaire » et plusieurs dizaines d’autres sur mon blog Je ciné
Le « J’accuse » de Roman Polanski est plutôt un bon film sur le plan cinématographique, artistique et historique, de mon point de vue. Je n’y ai pas vu exclusivement des bons d’un côté et des méchants de l’autre, mis à part l’existence d’un traître lequel n’était pas celui que l’on soupçonnait à l’origine de bon ou de mauvaise foi, ce n’est pas à moi d’en juger. On voit essentiellement, à l’occasion de cette histoire humaine, trop humaine, des gens ni bons ni mauvais et intelligents par ailleurs, emportés par leurs passions et s’aveugler au point de perdre leur capacité de jugement honnête, rationnel et raisonnable. Mais pourquoi évoquer à propos de ce film l’affaire de Panama ? Quel rapport entre les deux ? Serait-ce pour contrer, d’un côté, le mauvais antisémitisme révélé par « J’accuse » par un supposé bon antisémitisme qu’un film sur l’affaire de Panama ne manquerait pas de révéler ? Je trouve absurde ce genre de comparaison entre deux épisodes historiques sans rapport entre eux autour du thème sémitisme / antisémitisme qui semblerait obséder à nouveau certains esprits. Est-il souhaitable pour la société française de retomber dans ce genre de controverse qui a fait plus de mal que de bien dans le passé ?
Si l’on doit éviter le retour du thème sémitisme / antisémitisme, l’on peut peut-être alors s’interroger sur l’opportunité du film lui-même et les échos souvent emphatiques qu’il suscite. En évoquant l’affaire de Panama et la France vaincue en 1870, amputée de ses provinces de l’Est, angoissée par la guerre prévisible qui allait éclater en 1914 et où le pays jouerait sa survie, Guilhem de Tarlé, nous semble-t-il, à surtout voulu rappeler dans quel contexte l’affaire Dreyfus s’est déroulée.
Je suis d’accord, que les parti.pris d’aujourd’hui ne sont pas mieux que ceux de nos grands et arrière grands parents. Je ne les juge pas parce qu’ils étaient anti dreyfusards. Le contexte était le nationalisme exacerbé par la République depuis la Révolution Française, et les aristocrates déchus, trouvaient dans l’Armée les dernières valeurs nobles qu’on pouvait encore défendre. Ils ont tous péris dans les Tranchées de 14/18, la perte de l’Alsace Lorraine, la Défaite de 70, la destruction de la chrétienté qui finira par les spoliations et les expulsions, Panama, le rêve évanoui de la Monarchie, le Ralliement à la République, c’était une 2eme Révolution.
Ce sont ces frustrations qui se sont focalisées sur la trahison, et Dreyfus a payé pour un autre
Il a été réhabilité.non pas parce qu’il était juif, mais parce qu’il était innocent.
La Schoah fait relire l’histoire avec une autre focale et du coup on ferait Dreyfus général à titre posthume, non parce qu’il fut innocent mais parce qu’il était juif.
Les Français sont décidément des idéologues incorrigibles.