Par Philippe Mesnard.
Voilà un ouvrage ramassé, limpide, dense et nécessaire. Il est presque énervant à force d’être si juste et si rapide dans sa démonstration.
Guilhem Golfin examine le projet politique de la mondialisation, qui n’est pas une fatalité économique, en tout cas pas d’abord une fatalité économique, mais est d’abord une volonté politique d’établir un cadre juridique supra-étatique si contraignant que l’affaiblissement des États-nations en devient une chose assurée. Pas besoin de complot, il suffit juste que les marchands s’entendent pour définir un bien commun absolument économique sous prétexte de sécurité et de neutralité politique et morale. « Ce que met en fin de compte en jeu la mondialisation, c’est la vie libre des hommes, inséparable de la vie vertueuse […]. L’enjeu ultime de la mondialisation est par conséquent celui de la tyrannie dans son visage contemporain. »
L’auteur retrace la genèse de cette subversion du politique, en analysant finement les différents traités qui, peu à peu, mettent la souveraineté nationale sous la tutelle d’une dictatoriale minorité progressiste dont la classe des fonctionnaires internationaux, apatrides par définition, est le bras armé. Subversion car aujourd’hui le système supra-étatique mis en place prétend tout réinventer, en niant tout le poids de l’histoire et de la nature. Il faudrait que toutes les sociétés n’aient de sens, d’existence et de légitimité que parce qu’il les engendre. On peut voir jusqu’où se poussent les filaments d’une telle conception politique en examinant la nouvelle filiation, purement juridique, et donc purement étatique, proclamée par Mme Belloubet.
Évidemment, G. Golfin ne peut se résoudre à laisser César se contenter d’administrer une Babel reconstituée, parfaitement mondiale et homogène à proportion que chacun y est réduit à n’être qu’un agent économique, producteur et consommateur. Le supra-étatisme mondialiste est illégitime car il détruit les sociétés et les mœurs et ne consacre que le règne de la convention juridique. Le chemin est “simple” : se méfier des technosciences, qui ne peuvent résoudre les problèmes de la vie, inscrire la vie humaine (et donc l’exercice de la liberté) dans un ordre naturel et politique, donc moral. Donc tout à la fois renoncer à la consommation et renoncer aux structures supra-étatiques et établir un « front commun » des États-nations contre les acteurs économiques mondialisés, aux pouvoirs exorbitants. Est-ce là ce qui suscite l’effroi face aux « populistes » de Visegrad et d’ailleurs ?
On ne saurait épuiser en une seule notule les richesses de cet ouvrage, précis dans l’analyse et brillant dans la synthèse, qui dévoile la manière dont le fait politique majeur du siècle, la mondialisation, tente d’annihiler l’homme naturel, et donc social, au profit de l’individu vagabond. ■
Guilhem Golfin, Babylone et l’effacement de César. Éd. de L’Homme Nouveau, 2019, 128 p. 12 €.