Le « devoir de mémoire » ? oui, bien sûr! mais, et le « devoir d’oubli » ?…..
« In medio stat virtus » ! Que serait le pardon chrétien s’il n’y avait, faisant pendant au nécessaire devoir de mémoire, le non moins nécessaire devoir d’oubli ? Et pour parler de l’Espagne d’aujourd’hui, si différente bien sûr mais encore si proche du traumatisme de 1936, que serait ce fragile début de pacification des esprits sans ce devoir d’oubli que la totalité des acteurs du jeu politique ont su s’imposer depuis la mort de Franco ? Et cela sous la houlette, et -on nous pardonnera la comparaison un peu triviale- « le parapluie » indispensable de la Royauté ? Or, depuis son accession-surprise au pouvoir en 2004, Rodriguez ne fait, somme toute, rien d’autre que remettre en cause cette « transition espagnole », voulue et portée, construite par tous, de la droite à la gauche.
Que l’on considère, par exemple, le précédent de Felipe Gonzalez: il a été Président socialiste du Gouvernement à partir de 1982, et pendant quatre mandats successifs, jusqu’en 1996; quelle politique a-t-il menée ? Il a négocié les adhésions de l’Espagne à la Communauté économique européenne et à l’OTAN. Il a modernisé au forceps son pays (la création de la ligne TGV Madrid/Séville en étant un bon symbole). Il a noué ou renoué des liens très étroits avec l’Amérique Latine (on a dit -sous forme imagée, bien sûr…- que l’Espagne recommençait la conquête du continent!…). Il a été l’un des principaux promoteurs de l’Exposition Universelle de Séville en 1992 et, la même année, des Jeux Olympiques de Barcelone.
On objectera -et on aura raison- que Felipe Gonzalez était « un prudent obligé », qu’il devait compter avec l’armée, les cadres et les structures du franquisme encore en place; et qu’il savait très bien que tout excés de sa part entrainerait immanquablement une réaction de ces forces, encore au pouvoir d’une certaine façon; et que cette réaction l’aurait emporté, lui et le nouveau régime. Il n’en demeure pas moins que l’on ne peut faire de procès d’intention: il y a certainement eu une part de « prudence obligée » chez Gonzalez, mais on ne voit pas au nom de quoi on devrait refuser de le créditer aussi d’un sincère désir de servir son pays et de le faire progresser; on peut affirmer que Felipe Gonzalez, en accord avec le Roi, a fait le choix de se tourner vers l’avenir plutôt que de ressasser le passé. Rodriguez aurait mieux fait de s’inspirer de lui! mais, justement, la simple mise en parallèles des deux personnes nous ramène à ce que nous disions dans notre précédente note: la faiblesse de ce pauvre Rodriguez, qu’il suffit de comparer à Felipe Gonzalez pour que son inconsistance saute aux yeux et qu’elle apparaisse au grand jour !
Où voit-on que Gonzalez aurait cherché à faire évoluer de force la société, dans le domaine si sensible des moeurs, au rythme de réformes effrénées que mène Rodriguez ? Où voit-on qu’il ait tenté de rouvrir la boite de Pandore du passé, toujours douloureux, de la Guerre Civile? Deux choses que fait Rodriguez, qui ne mène pas, par ailleurs, la bonne politique de progrès de son « illustre » prédécesseur. Felipe Gonzalez s’est contenté de travailler pour le bien et le développement de l’Espagne, en poursuivant pour le reste la politique « de prudence et d’oubli » de mise dès la mort de Franco; et c’est pour cela que son passage au pouvoir a été, somme toute, bénéfique, et qu’il a tant conforté la transition, lui permettant de porter les fruits positifs que nous avons évoqués…..
Ainsi, gouvernements de droite et gouvernements de gauche confondus, on peut dire que la période qui s’étend de 1975 à 2004 fut « … une transition réussie vers la démocratie, grâce au savoir-faire du Roi et au sens des responsabilités des partis de l’époque. Elle fut essentiellement marquée par la réconciliation entre les « deux Espagne » et le refus d’utiliser la Guerre Civile (1936/1939) comme un argument politique. Cette démarche a permis un changement pacifique de régime et a été à l’origine de trente années de prospérité et de calme politique. » Ce court passage d’un excellent article de José Maria Ballester Esquivias (journaliste à l’hebdomadaire catholique madrilène « Alba » a le grand mérite, dans sa clarté, d’aller à l’essentiel et de poser correctement le fond du problème…..
Malheureusement, en 2004, Aznar perdit une élection imperdable, et Rodriguez arriva… (à suivre…..)
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