Les Lundis.
Par Louis-Joseph Delanglade*.
On se rappelle la décision française dûment actée en 2015 de ne pas livrer les deux porte-hélicoptères Mistral commandés en 2010 par la Russie.
Il s’agissait pour MM. Hollande et Fabius de « punir » celle-ci, coupable d’avoir récupéré la Crimée et de soutenir les russophones du Donbass. Cette décision, outre qu’elle a pénalisé davantage la France que la Russie, a surtout illustré les limites de la politique étrangère française : M. Hollande s’est docilement soumis aux pressions et injonctions atlantistes et moralisatrices de nos « alliés » occidentaux traditionnels (Etats-Unis, Grande-Bretagne et Allemagne).
On a pu espérer un temps, notamment après la réception de M. Poutine au fort de Brégançon en août 2019, que M. Macron était bien décidé à rompre avec l’hostilité de son prédécesseur vis-à-vis d’une Russie avec laquelle disait-il les pays de l’UE (lui disait « l’Europe » oubliant que l’UE n’est pas l’Europe, elle n’en est qu’une version dérisoire et abâtardie) partageaient « une histoire et une géographie ». C’était, en paroles, une avancée intéressante.
Le 28 septembre dernier, il déclare encore, à Vilnius : « Notre vision des choses est que, si nous voulons construire la paix durablement sur le continent européen, il nous faut travailler avec la Russie. » Propos d’un réalisme malgré tout encourageant. Las ! En même temps, M. Macron réclame à Moscou « des clarifications » sur l’affaire Navalny. Pourquoi et de quel droit ? Le lendemain, il rencontre Mme Thikanovskaïa, chef de file de l’opposition biélorusse, et affirme que la réélection de M. Loukachenko ne satisfait pas « la logique de la démocratie ». Grossière immixtion dans les affaires intérieures d’un pays qui par ailleurs fait partie de ce que la Russie considère, que cela plaise ou pas, comme son « pré carré ». M. Poutine réagit immédiatement à cette double provocation et fait savoir à M. Macron qu’il juge ses ingérences « inacceptables » pour un pays souverain. Moscou accuse même explicitement Paris et Berlin d’être « à la tête d’une coalition antirusse » au sein de l’UE, soulignant ainsi l’alignement de M. Macron sur Mme Merkel.
Deux semaines après, à la mi-octobre, l’UE va plus loin et décide d’imposer des sanctions à la Russie, sanctions très limitées certes (en l’occurrence contre six personnalités de l’entourage immédiat de M. Poutine) mais d’une grande portée politique puisqu’elles confirment la russophobie chronique de Bruxelles. Le fait que la Grande-Bretagne, qu’il ne faut plus compter parmi les pays de l’Union, se soit jointe à la condamnation de la Russie prouve d’ailleurs qu’on reste sur des positions du type « guerre froide » et que, à la plus grande satisfaction de l’Allemagne (et de quelques autres), les pays d’Europe font toujours preuve d’un incontestable tropisme atlantiste.
Or, par sa nature même (un conglomérat commercial et financier, sans épaisseur historique et culturelle assumée) et ses origines (une après-guerre où tout ce qui se faisait en Occident l’était à l’instar des Etats-Unis et d’abord dans leur intérêt), l’Union européenne ne peut pas avoir de véritable politique étrangère commune et indépendante. Le seul point commun (et encore pas toujours) reste cette idéologie à base de moraline si chère à Mme Merkel parce qu’elle satisfait tout à la fois son rigorisme religieux sans trop nuire aux intérêts commerciaux de l’Allemagne.
L’UE se définit ainsi non sur un plan politique, mais sur un plan idéologique. Or on peut douter qu’il soit de bonne politique pour la France d’établir des relations internationales sur la base d’une sorte de notation démocratique. Parler de la Russie comme d’une puissance ambitieuse et dangereuse aux portes de l’Europe relève de la désinformation. La Russie est bel et bien une puissance européenne, laquelle ne nous menace en aucune manière et dont nous devrions nous rapprocher tant qu’il en est encore temps. La mépriser, voire l’humilier, constitue une erreur stratégique et une faute politique. ■
* Agrégé de Lettres Modernes.
Retrouvez les Lundis précédents de Louis-Joseph Delanglade.
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source
L’idéal serait le « carré d’As » regroupant la France, le Royaume Uni, la Russie, les Etats Unis qui disposent de forces militaires supérieures et d’un droit de véto au conseil de sécurité e l’ONU. Car il me semble que le danger ne viendra pas de la Russie, mais des hordes de malheureux et d’envahisseurs mus par une religion dominante .
Pa contre je suis persuadé que la Russie rêve de récupérer les pays Baltes où vivent d’ importantes minorités russes.
« Comment ! parce qu’il vous aura plu d’adopter telle ou telle forme de gouvernement, parce qu’il vous aura plu de fonder ce gouvernement sur le suffrage universel, ou sur tel autre principe, vous irez dire aux États avec lesquels vous êtes en rapport : « Vous n’avez pas le même principe que nous, cela ne nous convient pas ! » Je soutiens que c’est d’une arrogance sans égale. » Adolphe Thiers – Discours du 18 mars 1867) …
153 ans après, n’est-ce pas TRÈS EXACTEMENT ce que L’UE {et TOUTES les nations qui la composent) affichent comme attitude vis-à-vis de la Biélorussie et de la Russie en les provoquant, en s’INGERANT dans leurs affaires intérieures, en les … « sanctionnant » …?!!!
Excellent article qui rappelle des vérités fortes et ne laisse malheureusement que peu d’espoirs dans l’immédiat…