Par Didier Desrimais*.
Savez vous, chers lecteurs de Je Suis Français, il n’y a pas grand-chose à dire sur cet article glaçant paru dans Causeur le 7 janvier ! Si ce n’est faire nôtre l’exhortation de Georges Bernanos heureusement mise en exergue par Causeur. Mais Bernanos c’était un camelot du roi ! Des cinglés, des détraqués, des erreurs de la nature, il y en a toujours eu, sans-doute depuis que le monde est monde. Il a dû y en avoir dans les communautés humaines restreintes des cavernes de la préhistoire qu’Henri de Lumley et quelques autres savants ont fouillées au siècle dernier et au nôtre. Aujourd’hui, ils tendent à devenir une norme, à exercer une tyrannie. Celle d’une infinitésimale minorité. Une norme, voire la norme. Rien à ajouter sinon savoir, prendre conscience, non pas que cela existe mais que cela tient aujourd’hui le haut du pavé, a pignon sur rue. À lire donc. Rien de plus ! JSF
« Il faut se hâter de sauver l’homme, parce que demain il ne sera plus susceptible de l’être, pour la raison qu’il ne voudra plus être sauvé. Car si cette civilisation est folle, elle fait aussi des fous. » Georges Bernanos.
Tout récemment, Benoît Rayski a rapporté dans Causeur l’histoire de « la famille la plus moderne du Royaume-Uni » (selon le Daily Mirror). Pourquoi la plus moderne ? Parce que composée d’un homme transgenre, d’un compagnon non-binaire et d’un enfant issu du sperme d’une femme transgenre mais mis au monde par l’homme transgenre du couple. Tout le monde suit ?
Dans un article du dernier Télérama (n°3651), la journaliste Emmanuelle Skyvington s’interroge : « Et si, à l’aube de la décennie 2020, la société patriarcale et hétéronormée (sic) telle qu’on la connaît était en train de tomber ? » C’est Judith Butler (auteur de Trouble dans le genre, ouvrage dispensable mais qui fait les beaux jours d’une certaine sociologie française et de ses « études de genre ») qui doit jubiler.
L’art de se compliquer la vie
Maintenant, je vous prie d’être extrêmement attentifs, s’il vous plaît. Dans le même article de Télérama, Youssef se définit comme une « meuf trans, non-binaire » (“personne assignée garçon à la naissance mais qui se définit comme femme, tout en excluant les normes de genre traditionnelles”, fait bien de préciser Télérama). Comme les combats intersectionnels sont à la mode, Youssef, qui utilise le pronom « elle », décline opportunément toutes les discriminations « qu’elle » subit (en plus de la transphobie, bien entendu) : « Ayant une vie déjà compliquée car je suis pauvre, racisée et extra-européenne, cela n’a pas été facile ! » Et apparemment Youssef n’est pas parti(e) pour se la simplifier, la vie.
Lucas a des cheveux mauves « retenus par un chouchou bleu » et se pose des questions sur son genre, tandis que Sof – qui a « troqué son deadname (?) qui finissait en « a » pour un pseudo moins marqué » – se dit « gender fluid ». Comme Sof a décidé de perdre tout le monde en cours de route et de se démarquer plus fermement encore de tous ceux qui se distinguent pourtant en se genrant à l’opposé de leurs chromosomes et de leur code génétique (qui ne sont jamais qu’une « construction sociale »), elle précise qu’elle est en réalité « FtX », c’est-à-dire « femme à genre inconnu ». En allant sur le site de l’Observatoire des Transidentités (si, si, ça existe) j’apprends qu’il existe une “Journée mondiale de la visibilité trans” (le 31 mars), et qu’en plus de pouvoir être « FtX » chacun peut devenir « FtM » ou « MtF » ou, plus mystérieux encore, « Ft ». Décidément, on n’arrête pas le progrès !
Télérama nous surprend de plus en plus
Vous êtes encore là ? Bien, continuons alors la lecture édifiante de Télérama :
Tom a réussi son « cispassing » et est très heureux d’être considéré maintenant comme un garçon. Mais tout peut changer demain matin. C’est d’ailleurs l’intérêt de la théorie butlérienne. Assez fier de lui et se prenant pour le Derrida du genre, Tom avoue donc être en réalité « gender fuck », c’est-à-dire « favorable à la déconstruction du genre en général ». Tom s’amuse avec les codes. Tom met du vernis, ou pas. Tom porte des talons, ou pas. Tom fait « un tour de table » à chaque fois qu’il se retrouve avec ses amis car leurs « noms peuvent changer », ou pas. Bref, Tom a l’air totalement paumé.
Identités politiques
Bien entendu, ces envies de modifications genrées se veulent révolutionnaires. Elles remettent en cause (au choix) : le patriarcat, l’hétéronormativité, la parentalité, la bourgeoisie, la famille, la société, le capitalisme, la tarte Tatin ou le Tour de France dans un grand fatras de lectures pauvres, rares et idéologiques. Elles adoptent le vocabulaire des révolutionnaires d’antan pour draper leur vacuité d’un soupçon d’intelligence et laisser penser qu’elles ne sont que des victimes : « En ce sens, nos identités traquées, deviennent politiques », dit Lexie dans le même article. C’est de la révolution à deux balles, sans projet collectif, sans autre ambition que de promouvoir ce qu’Alan Bloom décrit si justement dans L’âme désarmée (Éditions Les Belles Lettres), et qui est le moi, ce « substitut moderne de l’âme. » Chaque moi décrit ci-dessus se considère « mystérieux, ineffable, illimité, créateur », « semblable à Dieu dont il est comme le reflet impie dans un miroir », écrit Bloom. Vautré dans la complaisance paresseuse que leur promettent tous les journaux dits progressistes, il se laisse admirer et s’admire en même temps. C’est un moi sans extérieur et sans intérieur. C’est un moi qui n’admire rien, hormis moi (lui est déjà trop loin, c’est déjà un autre qu’aucun moi ne peut concevoir). De plus c’est un moi qui, parce qu’il est « gentil », s’imagine être le Bien absolu ; il ne saurait par conséquent être critiqué ou moqué puisque, angélique, évanescent et sexuellement indéterminé, il a éliminé de facto le Mal, croit-il !
Je ne sais ce que deviendront ces jeunes gens. Il est bien difficile de présager quoi que ce soit. Individuellement, tout est possible. Mais au vu de la rapidité stupéfiante de la mutation en cours et des premiers retours de ce pays toujours à la pointe que sont les États-Unis d’Amérique, je conseille aux parents qui craignent que leurs enfants ne se trouvent, après une orientation professionnelle hasardeuse, au chômage, de les aiguiller vers la seule profession dont on est certain qu’elle ne manquera pas de travail dans les prochaines décennies, celle de psychiatre. ■
* Ancien cadre de l’industrie, amateur de livres et de musique, scrutateur acharné des mouvements du monde.
Tout est dit et bien dit dans cet article. Qu’ajouter de plus?
Autant l’entendement n’a pas de difficulté à faire la part du donné, qui ne l’entrave en rien, autant la volonté est sujette à se vexer facilement face à ce même donné qui lui fixe des limites. De là, pour une époque qui fait de la volonté la faculté humaine suprême, l’agressivité à l’égard de tout ce qui pourrait paraître intangible ou indisponible : la transcendance, le passé, la tradition, la nature. La transcendance doit être niée, le passé mis en accusation, la tradition abandonnée, a nature maîtrisée et domestiquée. Fatalement ce mouvement d’émancipation en vient à se heurter à un élément fondamental : un homme n’est pas une femme et réciproquement. C’est l’obstacle suprême. Pour le petit enfant la reconnaissance de la différence sexuelle est une étape cruciale dans la reconnaissance du principe de réalité. On perçoit l’enjeu sous-jacent à la négation ou la marginalisation de la différence entre homme et femme : pouvoir continuer à bercer un fantasme de toute-puissance et de complétude personnelle. D’où ces paroles de Freud : » Quiconque promettra l’humanité de se libérer de la différence des sexes sera acclamé comme un héros, quelques soient les absurdités qu’il puisse proférer. » Freud disait aussi » L’anatomie est notre destin « . Il faut donc pour prétendre à la complétude récuser l’anatomie, soit en la modifiant par des interventions techniques, soit en la déclarant subsidiaire. Les conséquences sont lourdes. Dès lors qu’il existe entre les hommes et les femmes une frontière infranchissable, alors d’autres limites peuvent être admises; Par exemple, le confinement de la logique économique à certains types d’activités. dans la cas contraire, toute limite est susceptible d’être remise en question et répudiée comme arbitraire. Est alors enclenchée une dynamique de dédifférenciation générale, d’arasement des distinctions patiemment édifiées par les cultures humaines pour structurer l’espace le temps, alors tout devient équivalent à tout et tout peut être livré aux entreprises techniques et aux échanges économiques comme on a pu le voir avec ces féministes qui demandaient dans les années 70 le versement d’un salaire aux femmes au foyer, leur activité d’entretien de la maison et d’élevage des enfants étant considérée comme une force de travail indifférenciée comme une autre, échappant à la logique du don et méritant d’être salariée comme un travail au bureau ou à l’usine. L’indifférenciation des sexes comme victoire de la logique libérale et l’équivalence généralisée de tout avec tout. Ce qui se voit aussi dans la façon dont les libéraux considèrent les peuples, non plus comme des réalités historiques, fondées sur des caractéristiques ethniques, culturelles et historiques, mais comme des ensembles d’individus indifférenciés, interchangeables, peu importe alors que la France par exemple soit peuplée de français d’origine européenne ou d’immigrés, les uns et les autres n’étant plus considérés que comme des travailleurs, producteurs, et consommateurs. Ces néo-individus auxquels fait référence l’article de Causeur, à l’identité fluide,et qui ne sont certainement plus des personnes, sont l’incarnation parfaite de la réduction par le capitalisme libéral du travail humain à la simple force de travail, qui demain peut se vendre à n’importe quelle tâche en échange d’un salaire. Un jour ces néo-individus sont homme, le lendemain femme ou mixte des deux, comme aujourd’hui le travailleur ne disposant plus que de sa force de travail peut être un jour employé dans un magasin puis peu après dans une usine puis dans un bureau. Lui aussi doit être fluide, flexible, non fixé, mobile. La vérité de ces » genderfluids » c’est le libéralisme triomphant, et c’est en quoi ils sont bien des progressistes parfaitement adaptés à ce monde. Ils en sont même la caricature la plus pitoyable et la plus dérisoire.