Un article du Monde qui rejoint l’idée de Maurras pour qui les Grecs de Phocée étaient arrivés près de Martigues avant de s’installer à Marseille. Cet article intéressera les maurrassiens et plus largement les Provençaux et tous les passionnés d’Histoire et d’archéologie. JSF
Des fouilles récentes suggèrent que le site gaulois de Saint-Blaise, près de Martigues, serait la capitale des Ségobriges, lieu de la mythique union entre la princesse gauloise Gyptis et le marin grec Protis.
Les fortifications archaïque, hellénistique et tardo-antique de l’oppidum de Saint-Blaise. Tour de l’éperon sud. Jean Chausserie-Laprée, / Ville de Martigues
Et si Gyptis et Protis, les deux époux à qui la légende attribue la fondation de Marseille, s’étaient finalement rencontrés à 40 kilomètres du Lacydon, futur Vieux-Port, sur un promontoire gaulois avec vue sur l’embouchure du Rhône ? Les récentes fouilles archéologiques menées sur le site de Saint-Blaise, imposant oppidum situé entre l’étang de Berre et la Camargue, sur la commune de Saint-Mitre-les-Remparts (Bouches-du-Rhône) ne valident pas le mythe – comment le pourraient-elles ? –, mais offrent un regard nouveau sur la période qui a entouré, 600 ans avant J.-C., la création de Marseille.
La légende est connue. Des marins grecs venus de Phocée, une princesse gauloise du nom de Gyptis. Une coupe de vin (ou d’eau, selon les versions) tendue à Protis, navigateur en chef, et voilà le mariage inattendu qui pousse les Grecs à fonder Marseille sur un territoire cédé en dot par le roi Nannos. Décrit par l’auteur romain Justin au IIIe siècle, cet épisode mythique a conquis la mémoire collective et poussé archéologues et historiens à rechercher, à proximité de Marseille, la « capitale » des Ségobriges, ce peuple gaulois de la rive gauche du Rhône cité par les textes.
« Maison royale »
L’oppidum de Saint-Marcel, celui de Verduron, tous deux pourtant postérieurs à la création de la ville, et plus récemment encore le massif de Marseilleveyre, ont, entre autres, été prospectés. « Mais par son importance, sa situation, Saint-Blaise est le seul site de la région pouvant accueillir la « maison royale » des Ségobriges », assure Michel Bats, directeur de recherches honoraire au CNRS. En 2002 déjà, ce spécialiste des Gaulois du Midi suggérait cette localisation, dans un colloque tenu au Musée de Lattes.
Les récentes fouilles menées à Saint-Blaise par les archéologues Jean Chausserie-Laprée, Marie Valenciano et Sandrine Duval appuient aujourd’hui cette hypothèse. « Ce site, pourtant fouillé depuis 1935, a longtemps été mésinterprété. On a voulu y voir une cité grecque, mettre en avant les colons et non les indigènes », assure Jean Chausserie-Laprée, conservateur en chef du patrimoine à la ville de Martigues. La faute, sûrement, à cette muraille datée du IIe siècle avant J.-C., qui, avec ses 450 mètres de long sur 8 mètres de profondeur, s’impose aux 15 000 visiteurs annuels de Saint-Blaise. « Ce rempart en grand appareil reprend des méthodes de construction grecques, mais il a bien été bâti par des Gaulois », corrige l’archéologue, qui en veut pour preuve les techniques d’extraction des pierres dans la carrière voisine, « uniquement utilisées par des ouvriers celtes ».
Pour le chercheur, ce « signe extérieur de puissance » n’est que l’ultime épisode du Saint-Blaise antique. « La muraille a conduit à penser que la ville avait été créée après Marseille, comme un avant-poste. Mais le rempart s’appuie sur une enceinte primitive d’importance et la cité couvrait 5 hectares, comptait déjà une population dense et plusieurs dizaines, voire centaines, d’habitations quand les Phocéens ont accosté », assure-t-il. Les nombreuses céramiques retrouvées sur place confirment que les habitants du site échangeaient avec les marins étrusques et grecs dès le Vile sîède avant J.-C.. Une vraie capitale, donc, trouvant sa prospérité dans l’exploitation des marais salants. Et pour l’archéologue, le point de départ évident de l’« essaimage urbain » qui donne naissance à Marseille.
S’il applaudit aux « avancées importantes qui prouvent que le site était bien occupé au Vile siècle », le président de l’Institut national de recherches
archéologiques préventives (Inrap) Dominique Garcia relativise. « Les fouilles n’apportent pas encore la preuve que Saint Blaise était aussi densément peuplé », explique-t-il. Quant à y voir le site mythique de la rencontre entre Gyptis et Protis, il rappelle une évidence : « On ne trouve pas le lieu où est née une légende ».
« On ne trouve pas le lieu où est née une légende ».
Les fouilles conduites à Saint-Blaise — site prochainement aménagé par la métropole Aix-Marseille-Provence pour mieux accueillir le public — apportent aussi des clés de compréhension sur la destruction, en 125 avant J.-C., de la cité gauloise. Sur son flanc, les archéologues ont découvert que le rempart antique était inachevé. La preuve, pour eux, que l’assaut a été porté avant que le chantier de fortification ne se termine. « Une attaque menée par les Romains, à l’appel des Marseillais, qui voyaient la puissance de Saint-Blaise comme une menace », analyse Jean Chausserie-Laprée. Marseille aurait donc contribué à détruire sa cité-mère. Un retour de l’histoire en forme d’ingratitude. ■
Les vestiges de la fortification archaïque (fin VIIe-VIe s. av. J.-C.), vus en coupe à l’extrémité nord de l’oppidum de Saint-Blaise. Jean Chausserie-Laprée, ville de Martigues.